Partant de la légende d’Henry Morgan, pirate du XVIIe siècle, et de son trésor disparu, Miguel Bonnefoy dépeint, sur plusieurs générations, l’évolution d’un village des Caraïbes au XXe siècle. Femmes puissantes et chercheurs d’or se croisent dans ce conte philosophique aux allures de récit mythologique.
Chasse au trésor
Ne pas se fier à sa taille : si le nouvel opus de l’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy est court, il n’en demeure pas moins d’une densité à faire pâlir les auteurs « tire-à-la-ligne ». Deux ans après Le Voyage d’Octavio, premier roman ayant valu au jeune écrivain un joli succès et quelques récompenses, Sucre noir se déroule, cette fois-ci, dans un petit village des Caraïbes. Le récit débute au XVIIe siècle alors que le pirate Henry Morgan et son équipage tentent de survivre, perchés au sommet d’une forêt tropicale, leur navire bloqué en haut d’un arbre. Cocasse et poétique, cette image inaugurale n’est pas sans rappeler le Fitzcarraldo de Werner Herzog traversant la forêt amazonienne avec son bateau et ancre, d’emblée, le roman dans une réalité empreinte de poésie et de magie. Trois siècles plus tard, au même endroit, la légende du trésor enfoui ayant appartenu au flibustier attire chercheurs d’or et doux rêveurs, observés avec scepticisme par la famille Otero, propriétaire des plantations de cannes à sucre alentours. Alors que tous se ruent dans cette région sauvage, Serena, fille unique de la famille Otero n’aspire qu’à quitter sa terre natale. Jusqu’à ce que l’arrivée de Severo Bracamonte, énième explorateur, vienne contrarier ses rêves. En abordant le destin de deux générations de femmes fortes implantées dans un territoire hostile et fascinant, Miguel Bonnefoy fait de Sucre noir un conte moderne et philosophique aux accents féministes.
La carte et le territoire
Avec une écriture foisonnante de détails, une prose poétique remarquable, non dénuée d’humour et d’ironie, l’auteur prend un malin plaisir à jouer avec les attentes du lecteur, le conduisant souvent sur de fausses pistes. Le récit dévie, s’accélère subitement, des personnages disparaissent et des destins se scellent en quelques lignes. Liant le sort de ses protagonistes au territoire dans lequel ils s’enracinent et décrivant minutieusement, au fil des pages, les mutations des plantations de cannes à sucre, l’auteur traite avec une grande justesse des effets de la montée du capitalisme sur un petit village caribéen. Pépite d’or finement ciselée aux allures de fable mythologique, Sucre noir confirme que Miguel Bonnefoy est un auteur à suivre de très près.
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Parution le 16 août 2017 – 200 pages
Sucre noir, Miguel Bonnefoy (Rivages) sur Fnac.com
