Cool, discret, souvent mystérieux, toujours très sage, Keanu Reeves est de ces acteurs rares aussi fascinants qu’insaisissables parce qu’inclassables. Riche d’une carrière au succès certes en pointillés mais à l’audace toujours sincère et singulière, Keanu Reeves continue, à 54 ans, de mener sa barque à sa main. La preuve avec cet ambitieux chapitre 3 de John Wick.
Ça tourne !
Sa singularité, l’acteur Keanu Reeves la tient sans doute de ce parcours méandreux, tout en coudes, courbes et contours. Une succession de tournants. Jamais dans le même sens, histoire de ne jamais tourner en rond. Toujours vers des horizons très différents. Ça commence en 1986 avec River’s Edge, son premier tournage aux Etats-Unis, son premier rôle important et son premier succès. Autre tournant majeur et pas des moindre, Point Break, bien sûr, de Kathryn Bigelow, en 1991. Un monument du cinéma d’action dans lequel l’acteur joue les flics surfeurs-braqueurs aux côtés de Patrick Swayze. C’est grâce à ce film, notamment, qu’il rejoint Sandra Bullock au casting de Speed (1994). Un carton au box office ! Et sans Point Break, point de Matrix non plus (le premier volet sort en 1999). Or, pour beaucoup, Keanu Reeves est et sera à jamais Thomas A. Anderson ou Néo, le jeune hacker de la trilogie révolutionnaire des sœurs Wachowski (enfin, à l’époque, c’était encore les frères Wachowski), chef d’œuvre pionnier de l’ère numérique.
Derrière l’arbre, la forêt
Outre ces films charnières, véritables totems de l’action movie des années 1990, Keanu Reeves, ce sont aussi de belles collaborations multi-genres auprès de certains des grands cinéastes de l’époque. De Stephen Frears (Les Liaisons Dangereuses) à Francis Ford Coppola (Dracula), en passant par Gus Van Sant (My Own Private Idaho), Kenneth Branagh (Beaucoup de Bruit pour rien) ou encore Bernardo Bertolucci dans Little Buddha. Un film qui le touchera profondément, lui faisant prendre conscience, dit-il, « de l’impermanence des choses ». Philosophie sur laquelle il a sans doute pu s’appuyer pour passer outre quelques échecs cuisants (mais formateurs) comme Johnny Mnemonic, Les Vendanges de feu, Poursuite, Constantine ou Le Jour où la Terre s’arrêta.
L.A. Confidential
Tranquillement et discrètement installé sur les hauteurs californiennes de Los Angeles, Keanu Reeves sait aussi prendre le temps de s’adonner à un cinéma plus confidentiel. Plus personnel. Très versé, on a pu le constater, dans tout ce qui concerne les réalités parallèles, il se joint ainsi avec plaisir à la drôle d’aventure cinématographique de Richard Linklater, A Scanner Darkly (2006), innovante adaptation de Philip K. Dick. Egalement passionné par la culture asiatique en général et celle des arts martiaux en particulier, Keanu Reeves s’essaie à la réalisation avec Man of Tai Chi en 2013.
Toujours dans le coup
Dernièrement, devant la caméra d’Eli Roth dans le thriller Knock Knock, de Nicolas Winding Refn dans son remarqué Neon Demon ou encore devant celle de Chad Stahelski dans John Wick et John Wick 2, Keanu Reeves prouve qu’il n’a absolument rien perdu de son désir de multiplier les expériences, de refuser de s’enfermer dans un rôle ou dans un genre. Sorte de beau loup solitaire, silencieux et captivant, il se tient avec élégance loin de la meute parfois déchaînée du cinéma. De retour dans le troisième volet de la saga John Wick, Keanu Reeves nous prouve qu’à 54 ans, il est toujours enclin à donner deux ou trois coups de pieds bien placés !