Les super héros de la vieille école ont la gueule de bois ! Et ce n’est pas One-Punch Man qui va démontrer le contraire. Ancien chômeur, Saitama se rêve en sauveur du monde et après trois années d’un entraînement intensif, il devient un héros tellement puissant qu’aucun vilain ne lui résiste. Le héros – anonyme – s’enfonce dans la déprime, faute d’adversaires à sa taille. Histoire d’un anti-héros déjà culte !
L’histoire
De quoi devenir le symbole couvert d’honneurs et de gloire de toute une population, l’idole et le modèle des plus jeunes ? Pas vraiment : non seulement One-Punch Man reste dans l’anonymat mais il s’enfonce dans la déprime, faute d’adversaires à sa taille.
Le super-héros croise pourtant la route de Genos, un jeune héros doté d’un corps de cyborg impressionné par l’invulnérabilité et la facilité avec laquelle il domine les plus effrayants vilains. Le voici qui frappe à sa porte, l’appelle « maître » et insiste pour devenir son disciple. Peu motivé, One-Punch Man va se laisser convaincre et peut-être trouver dans cette nouvelle mission un moyen de soigner son blues…
Un héros désabusé, symbole de la fin du « Nekketsu »
Très attendu par les fans, One-Punch Man est sans doute le premier shônen (mangas pour jeunes garçons) post-moderne ; il illustre la crise d’inspiration que traverse le genre depuis plusieurs années. En effet, depuis l’âge d’or de Dragon Ball et des Chevaliers du Zodiaque, le shônen manga a très peu évolué dans ses codes.
Si dans les années 2000, Naruto et One Piece ont brillamment repris le flambeau avec un succès planétaire, force est de constater que le modèle du héros, le plus souvent un orphelin, qui cultive un dépassement permanent de soi face à des antagonistes de plus en plus puissants (ce qu’ont appelle le « nekketsu ») a pris du plomb dans l’aile. La surenchère et la répétition jusqu’à la nausée des mêmes schémas narratifs a fini par fatiguer les lecteurs comme en témoigne l’érosion lente mais inéluctable des magazines de mangas au Japon.
C’est cette lassitude des lecteurs qui touche désormais, très symboliquement, le héros de One-Punch Man dont la surpuissance est synonyme d’une condition absurde : celle du personnage invincible. Sans défi à relever, sans possibilité de se dépasser, le super-héros devient désabusé et privé de reconnaissance (de public ?).
Transcender le genre du shônen
Pourtant Yusuke Murata (auteur du formidable Eyeshield 21) n’est pas un mangaka prêt à ausculter et déconstruire un genre populaire tel un « auteur » féru de mise en abîme intellectuelle. Il a le shônen dans la peau et lorsqu’il jette son dévolu sur la création de One (pseudonyme du jeune artiste qui a imaginé One-Punch Man, d’abord dans un web comic aux qualités graphiques assez piètres), il y voit une opportunité de dépoussiérer le genre grâce à une bonne dose d’humour décalé.
Et le miracle a bien lieu ! La plume et les concepts judicieux de One, associés au style précis et ultra-spectaculaire de Murata, donnent à ce manga une dimension unique. Les scènes d’action, la mise en scène impeccable, sont l’occasion de revisiter, à travers une mémorable galerie de méchants, l’histoire du shonên manga et des séries TV de super-héros japonais (le « tokusatsu »).
Quant au scénario, il nous plonge dans le quotidien délirant, absurde et particulièrement drôle d’un héros pour le coup totalement inédit dans le genre. Manga de la transition, tourné vers le passé et questionnant le futur, One-Punch Man est, de l’aveu de tous ses fans, un chef-d’œuvre à découvrir pour tous les lecteurs « fatigué » du shônen à la sauce classique.