Cela fait 7 ans que Sheller n’avait pas sorti d’album, le dernier étant « Avatars ». 7 ans, c’est long dans le tourbillon de l’industrie musicale. Toute belle œuvre mérite qu’on l’attende patiemment. A-t-on eu raison d’attendre religieusement ?
Cela fait 7 ans que Sheller n’avait pas sorti d’album, le dernier étant Avatars. 7 ans, c’est long dans le tourbillon de l’industrie musicale. Cette absence prolongée ne perturbe pas l’intéressé. Et quelque part, il a raison. Pourquoi revenir, si ce n’est pas pour proposer une œuvre, digne de ce nom ! Cette image d’artiste solitaire risque donc de coller encore à la peau de Sheller.
Qu’a-t-il fait pendant tout ce temps ? Déjà tourner : de nombreux concerts en piano solo ou accompagné de son quatuor à cordes. Et puis reprendre le chemin du studio. Aussi talentueux soit-on, écrire quelque chose de nouveau après près de 40 ans de carrière, n’est pas chose facile. Et puis quand l’exigence s’en mêle, ça l’est encore plus. Alors quand on lui demande si le retour a été difficile, il répond « Pas facile-facile quand on n’a pas fait travailler depuis longtemps le muscle de l’inspiration mais cela revient quand même assez rapidement pour la musique. C’est plus dur pour les textes, que peut-on dire après dix-sept albums ? Et puis comme pour les musiques, les mots et les phrases arrivent, je les tords comme des morceaux de caoutchouc jusqu’à ce que cela prenne la forme qui me plaise ».
Toute belle œuvre mérite qu’on l’attende patiemment. A-t-on eu raison d’attendre religieusement ? Oui.
Stylus est fidèle au style de Sheller. Il s’accompagne, ici, au piano et est entouré d’un quatuor à cordes. Avec cet album, Sheller continue à peaufiner son art : marier chanson, musique classique et pop. Peu de monde le sait mais Sheller a une formation extrêmement poussée en musique classique. Dès 10 ans, le petit William voulait être un grand compositeur, il sera un petit Beethoven ou rien. La découverte de la pop et des Beatles a modifié son parcours et son avenir. Cependant, la musique classique a toujours été là. Elle est de plus en plus omniprésente dans l’œuvre de Sheller, ce qui fait, de cette dernière, sa grande originalité et son excellence.
Il y a plusieurs années, ce genre d’album m’aurait fait peur à écouter. Je me serais dit que cette configuration voix, piano et quatuor, aussi belle et élégante soit-elle, serait à la longue ennuyeuse. Je comprends donc les possibles réticences de certains et certaines à poser leurs oreilles sur cet album. Mais je leur dirais que la beauté d’une telle configuration tient à deux choses : la composition et l’interprétation. L’ennui ne vient que si les artistes ne sont pas à la hauteur de la difficulté de ce genre d’album. Et avec William Sheller, l’ennui a peu de chance de prendre place et d’être à son aise car le talent artistique dans ces deux domaines du monsieur est unanime et peut difficilement être remis en cause.
Après 40 ans, Sheller est donc toujours inspiré et inspirant. On prend vraiment plaisir à écouter ses chansons. Sheller sait être à la fois profond et léger tant dans la forme que dans le fond. Son talent de compositeur est là ; bien là. Notes de piano et mots se fondent, confondent et se répondent pour créer une harmonie assez jouissive.
On dit souvent que Sheller est un homme mélancolique, voir un peu triste. Les deux premiers titres de l’album disent tout le contraire. Il y a du bucolique, du champêtre, du rêve dans Youpylong et Une belle journée. On se dit que l’on va prolonger le printemps et l’été avec cet album. Tout n’est pas dans ce ton mais globalement l’album est plutôt lumineux. Seuls deux titres Walpurgis et Les souris noires ont cette noirceur un peu étrange voire lugubre.
Deux autres chansons ont attiré mon attention : la première Petit pimpon où l’on imagine très bien la scène décrite, ce père ou grand père regardant puis câlinant son fils ou petit-fils, un casque de pompier sur la tête et la deuxième, Les enfants du week-end (titre très autobiographique de Sheller), bien qu’assez mélancolique sur les conséquences du divorce met remarquablement en valeur la qualité d’écriture de Sheller. Non seulement, Sheller sait manier les notes, les sons mais il sait aussi manier les mots avec une dextérité remarquable. Les chansons de Sheller sont comme des petits films où l’on est spectateur d’histoires touchantes. Sheller, féru de littérature et notamment des poètes, en est un lui aussi, sans aucun doute.
Comme dans pratiquement chaque album de Sheller, ce dernier glisse toujours des pièces instrumentales. Elles s’appellent ici Sweet pièce et Intermezzo, créées paraît-il pour les fans, musiciens, eux-mêmes désireux de les analyser. Je vous rassure, les non-musiciens les apprécieront pour leur beauté.
Enfin la dernière qualité de cet album tient à la voix de Sheller. Elle a peu ou pas changé. Elle a toujours cette douceur, rassurante voire planante.
Il serait inutile de continuer plus longtemps, Stylus est l’un des albums de cette fin d’année. Sheller a mis 7 ans pour nous offrir cette petite pépite. L’attente valait le coup, vraiment le coup.
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