Que ceux qui ne connaisssent d’Aïda que la fameuse marche triomphale, plus connue sous le titre de Trompettes d’Aïda, sautent enfin le pas. Les amateurs de Verdi savent bien que cet opéra ne se résume pas à cette page fameuse mais renferme des airs extrêment bien écrits et un des plus beaux duos d’amour du répertoire. Voici une version que d’aucuns qualifient déjà d’historique…
Aïda est une des œuvres les plus populaires de Verdi, mais elle l’est souvent pour de mauvaises raisons : son côté grand spectacle, pour ne pas dire son côté péplum hollywoodien avant l’heure, voire pour ceux qui n’en connaissent que des extraits, pour sa marche triomphale (Les trompettes d’Aïda). Et ce ne sont pas les super productions genre Stade de France, qui ont arrangé les choses. Il s’agit pourtant avant tout d’une belle et tragique histoire d’amour. Le seul duo final entre Aïda et Radamès (O terra, addio) suffit à donner tort à tous ceux qui ne voient en Aïda qu’un opéra « pompier ». Ce finale est, à mon sens, un des plus beaux duos d’amour Verdi, et même du répertoire lyrique en général.
Cela faisait pas mal de temps qu’une nouvelle version audio d’Aïda n’avait pas vu le jour, et ce nouveau coffret Warner Classics méritait rien que pour cela d’être remarqué. Mais rien qu’avec un simple coup d’œil et nous savons que sommes en présence d’un événement discographique important.
Sir Antonio Pappano à la tête de son orchestre de l’Académie Sainte Cécile de Rome a réuni un casting de rêve. On ose à peine dire que l’on n’est pas déçu, que le résultat dépasse nos espérances et que Jonas Kaufmann est à la hauteur, tellement cela va être une évidence. Mais après tout, le pari était-il gagné d’avance ?
La somptueuse distribution choisie par Warner et le maestro britannique comporte pas moins de quatre prises de rôle dont Jonas Kaufmann lui-même qui avoue dans la vidéo de présentation un léger scepticisme au départ. Le ténor était visiblement victime du grand malentendu dont souffre Aïda. Il a fort heureusement accepté de relever tout de même le défi et son immense art du chant ainsi que son grand talent d’acteur donnent au rôle de Radamès toute la force et toutes les nuances souhaitées. Les autre « débutants » sont Anja Harteros, une Aïda qui joue plutôt sur l’émotion et la fragilité, Ludovic Tézier est son père, un roi Amonasro plein de caractère, quant à Erwin Schrott son timbre sombre sied au rôle du grand prêtre Ramfis.
Si tous ces chanteurs débutent dans leur rôle, ils figurent par contre parmi la fine fleur du chant lyrique. Ajoutons à cette distribution la mezzo russe Ekaterina Semenchuk qui incarne dans tous les sens du terme la princesse Amneris, fille du pharaon et amoureuse éconduite de Radamès et la basse Marco Spotti en roi d’Egypte, complètez par l’orchestre, le chœur et leur illustre chef et vous avez une équipe à la fois homogène et pleine de relief, chaque personnalité apportant sa richesse pour faire de cette production une vraie réussite.
Crédit photos © Musacchio & Ianniello – Warner Classics