RENTRÉE LITTERAIRE – « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds » est le dernier roman de Jón Kalman Stefánsson, l’auteur islandais de la trilogie « Entre ciel et terre », « La Tristesse des anges » et « Le Cœur de l’homme. Avec ce huitième roman, Stefánsson nous fait découvrir tout un pan de l’histoire islandaise à travers les personnages d’Ari, de ses parents et de ses grands-parents, Oddur et Margrét.
RENTRÉE LITTÉRAIRE – Ari a reçu un colis de son père qui le pousse à quitter précipitamment sa maison d’édition danoise. Parmi les affaires contenues dans le paquet, le diplôme d’honneur d’Oddur, le grand-père armateur d’Ari, et d’autres objets lui rappelant son passé. Après quelques heures d’avion, Ari foule enfin les terres de l’Islande, lieu où il n’a pas mis les pieds depuis des années, depuis son départ pour le Danemark. Il se souvient : son enfance à Keflavík, aux côtés de ses parents et de ses grands-parents, et leur vie de pêcheurs, ici, dans la ville « qui n’existe pas ». Trois générations et un siècle d’histoire condensés en un roman, voilà ce que réserve D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds.
Né en 1963, Jón Kalman Stefánsson est un écrivain islandais. Déjà auteur de sept livres dont trois sont parus en France, l’homme connaît un succès important depuis 2010 et la parution de Entre ciel et terre, premier livre de la « trilogie du gamin » complétée par La Tristesse des anges et Le Cœur de l’homme. D’abord rédacteur pour un journal islandais, puis employé dans une bibliothèque, Stefánsson se consacre entièrement à l’écriture depuis le début des années 2000. D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds est son quatrième roman à paraître en France.
« Nulle part ailleurs en Islande, les gens ne vivent aussi près de la mort »
Keflavík, la ville qui n’existait pas
Le dernier roman de Stefánsson nous plonge pleinement dans la vie des Islandais. L’auteur nous fait découvrir les us et coutumes des gens locaux, mais aussi et surtout la rudesse de la vie à Keflavík, une toute petite ville située à l’Ouest de l’île. Le romancier ne tente pas de bercer le lecteur d’illusions et de le charmer avec la beauté exacerbée des paysages ; il peint au contraire une toile sombre de ce qu’est la vraie vie dans cet endroit. Stefánsson dénonce les idées reçues sur l’Islande et notre vision faussée de ce pays en proie aux conditions météorologiques extrêmes. Il décrit ainsi un territoire glacial et hostile. Entre le froid de l’hiver et les quotas de la pêche, l’auteur dresse un portrait sans concession, sans trompe-l’œil de la vie à Keflavík. Keflavík, cette ville qui « n’existe pas » et qui a longtemps subsisté grâce à la pêche et à la présence de la base américaine offrant emplois aux locaux. Pour Stefánsson qui a vécu à Keflavík : « nulle part ailleurs en Islande, les gens ne vivent aussi près de la mort »…
Générations désenchantées
En parallèle de ce territoire hostile, l’auteur nous immisce dans le quotidien de trois générations d’Islandais, sans tabou, mais avec lyrisme. Il y a Oddur et Margrét, les grands-parents d’Ari, ces pêcheurs qui se sont rencontrés dans leur enfance et qui ne se sont jamais séparés. Il y a les parents d’Ari, et Ari lui-même, ce père divorcé, ancien poète à la tête d’une maison d’édition. Les personnages de Stefánsson sont dans l’introspection. Ils réfléchissent en permanence à leurs actes manqués, à leurs choix ; ils songent à ce qu’ils auraient pu être, pu faire, pu devenir. Ses personnages, au bord du désespoir, sont en quête permanente d’amour et de bonheur.
Stefánsson, vers plus de réalisme
À travers ces trois générations, le romancier nous fait voyager dans le temps, les époques et met à jour la transformation de l’île. En passeur de cette tranche d’histoire, de ces ruines du passé : Ari et ses enfants, son fils et ses deux filles, vestiges d’un mariage qui n’a pas tenu le choc. Pour ce faire, Stefánsson use de phrases longues – parfois trop – pleines de métaphores et d’énumérations, d’une beauté simple, cherchant ainsi à retranscrire la réalité de la vie islandaise, et plus généralement de la condition humaine.
Avec lyrisme, l’auteur nous montre que l’amour est plus fort que les difficultés et les aléas de la vie. Stefánsson se détache un brin de la poésie de ces précédents livres, ancrant son récit dans plus de réalisme. Le roman traîne parfois en longueur, mais la beauté de l’écriture nous laisse le souffle court.
Ce roman est l’un des 30 romans sélectionnés pour le prix du roman Fnac 2015.
Parution le 20 août 2015