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B.B King : le roi est mort, vive le roi !

17 juin 2015
Par Augustin
B.B King : le roi est mort, vive le roi !
©dr

Le 14 mai 2015, B.B King s’en est allé, laissant derrière lui le plus large éventail de riffs que le blues pouvait engendrer. Durant sa longue carrière, ce monstre sacré n’aura eu de cesse de chérir son public à chaque contour d’une discographie farouchement allergique à chaque once de médiocrité. La preuve en quelques-unes des pièces les plus mémorables du king, réparties sur ce best-of réédité en guise de testament. Le roi est mort, mais son patrimoine restera bien vivant.

His definitive greatest hits

C’est en 1999 que les 34 pépites de ce double CD best-of sont réunies pour la première fois. B.B « Blues Boy » King  s’apprête alors à recevoir le neuvième de ses quinze Grammy Award, pour l’album Blues on The Bayou. Il est au sommet de son art. Il dompte, comme son idole T-Bone Walker, les orchestrations foisonnantes du rhythm and blues de même que tout l’étendu du potentiel rythmique du blues auquel il insuffle, par son doigté magique, des accords plus complexes d’un jazz qu’il affectionne presque tout autant. Sa virtuosité et son style hautement personnel allient copieusement mélodies chromatiques et jeu de guitare au vibrato échevelé. L’ambassadeur est aussi un passionné de dialogue entre les genres, en témoigne la charge soul qu’il laisse jaillir d’un titre tel que To Know You Is To Love You (1973), écrit par un certain Stevie Wonder, ou encore sa collaboration très rock’n’roll avec U2, sur Love Comes To Town (1988). Deux titres que l’on retrouve bien sûr en bonne place sur cette compilation.

Le chant du king est ample et capable d’embardées fulgurantes. Sa guitare, elle, se prénomme Lucille. Elle a même eu droit à un album qui porte son nom, de même qu’à une chanson éponyme, présente sur le second CD. Et, comme dans toute idylle, sa chère et tendre lui répond par des notes qui peuvent être douces, déchirantes ou sinon coupantes. A chaque prise, le couple ne laisse aucun temps mort à l’aéropage d’artistes tombés dans le sérail musical crée autour de leur entremise. On pense à Eddie Kirkland, Count Basie, Sonny Rhodes, Muddy Waters et à bien d’autres bluesmen collaborateurs ou simples amis aux références impeccables.

riding with the kingLorsqu’on écoute The Thrill Is Gone, sans doute le plus grand hit de B.B, on se dit que la musique devrait toujours faire cet effet-là, à savoir donner le sentiment qu’une passerelle est toujours possible entre les gens et les générations. Entre les gens, car ce titre de 1970 a permis au King de populariser comme jamais le blues au-delà des terres de l’Amérique rurale où il était cantonné. Entre les générations, car ces accords sont bien ceux dont Eric Clapton, fidèle héritier, viendra s’inspirer au point de donner naissance à un album entre les deux hommes, Riding With the King, en 2000.

Ce Greatest Hits nous régale par bien des égards, notamment Don’t Answer The Door et ses cinq minutes de cordes aiguisées délicatement couvés par l’organe en arrière-fond. Un titre qui date de 1960, à l’époque où le jeune prince s’emparait de la couronne. Il y a aussi Why I Sing The Blues, véritable perle marquée autant par le swing du piano d’Al Kooper que par la voix trempée du crooner. On apprécie aussi tout particulièrement Chains And Things, chanson lente et pleine de regrets que le chanteur distille en faisant varier ses intonations au rythme de ses émotions. On savoure aussi le live de Every Day I have The Blues, titre survitaminé avec lequel B.B King entamait ses shows durant toutes les sixties.  Brûlant !

lucille

So Excited, un titre blues-rock frénétique de 1969, est une autre satisfaction. Même impression, pour le titre Since I Met You Baby, sur lequel Gary Moore et B.B assènent leurs accords de blues-rock légèrement saturés et chantent ensemble un refrain aux allures de jolie ritournelle. Ce qui est plaisant aussi, c’est ce chorus qui porte l’orchestration plus soul d’une plage comme Ain’t Anybody Home. Sans oublier The Good Times Roll, l’un des deux duos live magique enregistré en compagnie de Bobby « Blues » Bland, un autre complice de toujours.

Il est bien difficile de dire adieu à ce grand monsieur, idole de multiples générations, en une seule chronique. Car, ce king-là, né dans une famille pauvre du Mississippi, portait sur ses larges épaules tout un pan de l’histoire de la musique noire dans ce qu’elle a de plus dramaturgique et pourtant si réjouissante. Le règne de ce king-là a fait verser bien des larmes, fait se dresser bien des poils et est à l’origine d’autant d’amourettes passagères que de naissances. Cette compilation bien dotée permet au moins de s’emparer d’une infime part de cette histoire, à défaut de pouvoir se dire que B.B King pourra remonter sur scène une dernière fois avant de monter au paradis. A la place de l’adieu auquel nul ne peut réellement se résoudre, on préférera sans doute un merci franc et massif, ou un simple bye bye B.B.

             BB King liveblues on the bayoulive at the apollo

 

 His Definitive Greatest Hits, de BB King, disponible en CD sur la fnac.com

Article rédigé par
Augustin
Augustin
journaliste spécialisé musique pour Fnac.com
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