Tout semble aller pour le mieux pour Mitsuo Kawano. Au milieu de sa trentaine, il apprécie son métier de rédacteur, est toujours amoureux de sa femme dynamique et attentive, et heureux de voir ses deux enfants grandir sans problèmes. Même l’absence de sexualité dans son couple depuis la naissance de son deuxième enfant, lui apparaît gérable grâce à la fréquentation occasionnelle de salons érotiques.
Mais un jour, il rencontre dans la rue un ami d’enfance prénommé Gorô, qui l’invite à venir prendre un verre et à se remémorer leur jeunesse de fin de primaire et d’entrée au collège. Au fil des évocations, l’image de la belle Mitsuko lui revient, elle qui fut son premier choc amoureux, même si celui-ci est resté platonique. A sa grande surprise, elle travaille justement comme entraîneuse, mystérieuse et sophistiquée, dans ce luxueux bar où vient de l’emmener son ancien camarade de classe. Hasard, coïncidence ou manipulation ?
Aki Shimazaki joue à merveille tout au long de son récit d’une atmosphère ambigüe, à l’image de la situation sentimentale difficile dans laquelle se trouve son personnage principal. L’écrivaine québécoise née au Japon, inaugure avec Azami une troisième pentalogie. Après les précédents cycles s’intéressant successivement au Japon de la seconde guerre mondiale puis à celui du miracle économique, l’auteure aborde une époque plus proche, qui, sans être vraiment précisée, semble être le dernier quart du XXe siècle. Comme à son accoutumé, elle donne un nom de fleur à son roman. Cette fois il s’agit de « l’azami » mot qui désigne le chardon en japonais. Dans le langage des fleurs de l’archipel (Hanafuda), cette plante attise le désir par sa forme et sa couleur, mais est inaccessible par la barrière de piquant qu’elle sait dresser.
Tout l’art d’Aki Shimazaki est de se jouer du banal, d’en faire l’écho et la question sous-jacente d’une rencontre amoureuse passionnelle. Par des phrases courtes et des dialogues vivants, l’auteur nous plonge dans un récit gagnant son autonomie par les réflexions qu’il soulève. Les lecteurs se retrouveront à la fois dans le désir de savoir la suite, d’avoir des réponses à leurs questions ; mais aussi dans l’envie de ne rien savoir de plus, de maintenir une inaccessibilité rendant heureux par les multiples possibles que suggère le récit. C’est là une des grandes forces de ce roman. Comme si il contenait jusque dans sa lecture l’ambiguïté de la fleur qui lui donne son titre.