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Les dimanches de ville d’Avray, une perle déterrée

13 novembre 2014
Par Pieric
Les dimanches de ville d’Avray, une perle déterrée
©dr

Oscar du meilleur film étranger en 1963, Les Dimanches de Ville d’Avray fait partie de ces rares films laissés sur le bas-coté de la cinématographie française. Une erreur réparée aujourd’hui avec la disponibilité de ce fort joli film en vidéo…

les-dimanches-de-ville-d-avrayPilote de chasse traumatisé suite à un crash et la certitude d’avoir tué une petite fille, Pierre (Hardy Krüger) est devenu amnésique. Madeleine (Nicole Courcel), une jolie infirmière passionnément amoureuse, s’occupe de sa convalescence et tente de lui redonner goût à la vie dans son appartement de Ville d’Avray. Un soir, il suit un homme pressé de confier sa fille à une institution catholique, visiblement pour l’y abandonner. Par un concours de circonstances, Pierre est bientôt pris pour le père de la jeune Françoise (Patricia Gozzi) et vient désormais la retrouver chaque dimanche. Ensemble, ils passent leur temps à se balader près des étangs, échangent, s’inventent un monde et pansent leurs blessures intimes. Mais cette relation ne tarde pas à attirer la suspicion des passants comme celle de Madeleine…

L’histoire du cinéma est jalonnée, comme ça, de quelques aberrations cinéphiliques. Les Dimanches de Ville d’Avray en fait définitivement partie alors que le film a connu une carrière que pourrait envier bon nombre de films français. Avant de rencontrer un beau succès dans les salles hexagonales lors de sa sortie en novembre 1962 (1,8 millions d’entrées, un beau chiffre pour l’époque), le film de Serge Bourguignon avait déjà séduit le festival de Venise, où il remporte une mention spéciale et le Prix Maschere de la critique internationale. La consécration arrive peu après quand le film décroche rien moins que l’Oscar du meilleur film étranger en 1963. Il faut dire que, contrairement à l’accueil critique français, celui de la presse américaine est tout simplement dithyrambique. Encore aujourd’hui cité par bon nombre de cinéastes contemporains (étrangers) comme l’une de leurs influences majeures, le film a progressivement sombré dans l’oubli, en tout cas sur le territoire français, abrégeant dans le même temps la carrière d’un cinéaste important. Après Les Dimanches de Ville d’Avray, Serge Bourguignon ne tournera en effet que deux longs métrages, l’un aux États-Unis, La Récompense en 1965, l’autre en France avec Brigitte Bardot, À cœur joie en 1967. Les bienfaits du temps œuvrant à redonner en général leurs lettres de noblesse aux chefs d’œuvre méconnus, le film a bénéficié d’une ressortie en salles en 2010 et se voit à présent gratifié d’une belle édition vidéo par le biais de Wild Side.

L’occasion est donc trop belle de (re)découvrir ce film singulier, dont la narration tient réellement de l’équilibrisme et réserve son lot de belles surprises. Enveloppés dans un noir et blanc merveilleux (et dire que Serge Bourguignon voulait tourner en couleur, chose que son budget ne lui a heureusement pas permis !) nos deux « amoureux » seront malheureusement vite rattrapés par une société viciée, rongée par l’excès de prudence, d’incompréhension, et la suspicion la plus crasse. Hardy Krüger (qui sortait tout juste du rôle de l’Allemand dans Un Taxi pour Tobrouk) et la jeune Patricia Gozzi incarnent sans ambigüité cet amour sincère, tandis que Nicole Courcel hérite d’un rôle d’une noblesse folle, passant de la compassion quasi-aveugle à la compréhension la plus bienveillante.

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C’est l’occasion pour Serge Bourguignon de filmer des séquences à la lisière de l’onirisme, notamment toutes celles suivant les deux personnages lors de leurs longues balades autour des étangs. En transformant les reflets des cailloux jetés dans l’eau en échos sonores (voir la séquence du lac gelé, qui annonce l’impasse à venir), il symbolise le monde fermé dans lequel ces deux êtres se sont plongés à cœur perdu. Il confère à ces dimanches passés ensemble une candeur poétique en tout point remarquable, qui s’achève le soir de Noël avec, pour cadeau, un prénom enfin révélé. Certainement l’une des plus belles idées de scénario jamais montrées au cinéma…

Dans cette édition vidéo, on trouve un entretien avec Serge Bourguignon de 40 minutes fort instructives (quoiqu’étrangement montées) durant lesquelles le réalisateur livre bon nombre d’anecdotes sur la carrière de son film et son propre parcours. En bonus, on pourra également découvrir le court-métrage Le Sourire, qui reçut la Palme d’or du Meilleur Court Métrage à Cannes en 1960 et qui nous rappelle que ce cinéaste « oublié » était aussi et avant tout un grand documentariste. À l’image de la thématique boudhiste au cœur de son film court, Serge Bourguignon, également sculpteur et peintre, tient des propos remarquables d’honnêteté et de dignité, semblant ne conserver aucune aigreur, bien au contraire, du modeste sort que le destin lui a réservé. Une bien belle histoire de cinéma on vous dit…

Les dimanches de Ville d’Avray, film de Serge Bourguignon disponible en DVD et en Blu-ray

Article rédigé par
Pieric
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