Critique

Soprano veut imposer sa vision du monde, la Cosmopolitanie belle, diverse et variée

07 octobre 2014
Par Grégory
Soprano veut imposer sa vision du monde, la Cosmopolitanie belle, diverse et variée
©dr

L’avantage avec Soprano, c’est qu’on sait que l’on va passer un bon moment. Soprano est toujours connecté à la réalité, il est de ces artistes qui vivent avec les gens à qui ils parlent et dont ils parlent, qui sont bien ancrés dans leur époque. Forcément, il sait ce qui marche, il sait ce qui plaît, il sait quoi écrire, il sait choisir ses prods en fonction de la tendance. Voilà pourquoi Sopra tombe quasiment toujours juste.

L’avantage avec Soprano : on sait que l’on va passer un bon moment. Pourquoi ? Tout simplement parce que depuis le début de sa carrière, le rappeur marseillais, en solo ou en groupe avec les Psy4 de la Rime, ne s’est jamais raté. À chaque fois, ses albums sont bons. Plus ou moins selon les goûts et les couleurs, mais bons dans l’ensemble. Jamais, Sopra ne s’est totalement « troué ». La raison est simple : Soprano est toujours connecté à la réalité, il est de ces artistes qui vivent avec les gens à qui ils parlent et dont ils parlent, qui sont bien ancrés dans leur époque. Bon, c’est plus ou moins simple en réalité, mais c’est un fait. Forcément, il sait ce qui marche, il sait ce qui plaît, il sait quoi écrire, il sait choisir ses prods en fonction de la tendance. Voilà pourquoi Sopra tombe quasiment toujours juste. On peut aimer ou pas ce qu’il fait mais ce constat est indéniable.

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Pour Cosmopolitanie, son quatrième album solo, il ne déroge pas à cette règle quasi intangible. Au contraire, il la pousse à son maximum et il signe ce qui est certainement son album le moins rap, au sens musical du terme. L’influence est hip-hop, il n’y a aucun doute, ce ne pourra jamais être autrement pour Sopra, mais le Marseillais sait qu’aujourd’hui, le rap se nourrit de plein d’influences différentes qu’il s’approprie avec brio : électro, trip-hop, R&B, dance, dubstep, autant de tentatives et de mélanges réussis. Le mélange n’est-il pas le fondement même de la Cosmopolitanie ? Booba dit souvent qu’un titre est réussi s’il peut passer en clubs. Que Sopra se rassure, il en a quelques-uns sous le coude. Comme techniquement, il est capable de rapper à une vitesse impressionnante, il tient parfaitement la route sur des beats au BPM particulièrement élevé comme sur Cosmo, Ils ne nous connaissent pas, Fresh Prince, Le Pain, Danse ce soir – Midnightude, Même pas un peu, Bomb… Autant de morceaux dansants qui ne dépareilleraient pas si la prod était signée par un beatmaker à la mode aux Etats-Unis.

 

Mais il peut aussi se contenter d’un simple breakbeat arrangé de cordes pour signer le titre qui introduit l’album, justement intitulé Prélude où Sopra se (re)présente: il explique où il en est à l’instant T, ses positions par rapport à Dieu, sa famille, la rue, la musique et pourquoi il évolue de cette façon… Nanti de ce précieux repère, on peut donc se lancer dans l’album. Certains titres avec des prods dansantes sont parfois aussi légers dans les textes comme le nostalgique Fresh Prince ou Le Pain où il est question de rêve à grande échelle.

Mais, parce qu’il y a un mais évidemment, ce n’est pas si simple que cela. Cosmo a beau être remuant, il explique en grande partie la pensée de Sopra et les thèmes qu’il défend depuis des années : la diversité, l’unité, le mélange. Autant de thèmes incompatibles avec le discours des élites décrit dans Ils ne connaissent pas qui expliquent aussi la barrière entre les deux France, celle au pouvoir et celle qui subit le système. Comme quoi rythme et fond peuvent tout à fait se marier. Sous les traits d’un clown, Sopra se demande aussi pourquoi tout le monde fait toujours semblant et endosse un costume qui n’est pas le sien : vivez, ne faites pas semblant : voilà le message ! Il prône logiquement le vivre juste et le fait d’être en phase avec soi-même voilà pourquoi, le mélancolique anonyme fait le deuil de ce sentiment dans le très beau Mélancolie qu’il conte comme la séparation d’un couple.

L’amour d’ailleurs, il en est beaucoup question dans ce disque dans un triptyque de titres Ti Amo, Même pas un peu, Mr et Mme Smith auxquels on peut ajouter celui qu’il a écrit pour sa dernière petite fille, Luna. Sopra y parle de l’amour sous toutes ses formes, de l’amour passion et soudain, à l’amour d’un couple usé par les années mais qui ne peut se résoudre à se séparer. C’est beau et touchant et surtout le fait d’un homme d’expérience qui aurait été incapable d’écrire de tels textes il y a encore quelques années. On a donc la preuve que Sopra a grandi, mûri, évolué. Mais, il n’en oublie pas un certain aspect social et politique dans quelques tracks. Dans Hello, il dénonce les atrocités des guerres qui secouent le monde aujourd’hui et, se glissant dans la peau d’un enfant, attend de plus en plus impatiemment la paix qui ne vient pas et qui risque de mourir avec lui… Le monde donc, mais la France aussi avec Justice par exemple. Soprano a beau la chercher, il ne l’a voit pas et encore moins dans les quartiers d’où il est originaire. Pour mieux essayer de la cerner et de l’attraper, il la personnifie, mais rien n’y fait, la justice n’est pas là, elle est tout simplement « portée disparue ».

Enfin, enfant de Marseille, Soprano ne pouvait pas passer sous silence la situation plus que difficile et violente qui sévit dans la cité phocéenne. C’est tout le sens de Kalash Roses qui décrit la souffrance d’une mère qui vient de perdre son fils et son incompréhension face à un état de fait de plus en plus instable et inextricable.

Finalement, mis à part quelques morceaux, tout se tient dans le disque de Sopra qui est totalement cohérent. Le rappeur reconnaît la dureté de la vie et ne cherche surtout pas à la dissimuler, il veut juste la combattre à coups de bons sons et de sentiments positifs comme l’unité, le mélange et la diversité. Alors oui, la Cosmopolitanie, ce n’est peut-être pas encore le paradis, mais Sopra le montre bien, c’est ensemble que l’on réussira à créer quelque chose qui y ressemble…

Soprano est en tournée (le Cosmo Tour), pour ses prochains concerts, c’est ici

 

Soprano – Cosmopolitanie disponible en CD et CD Edition limitée avec poster

Article rédigé par
Grégory
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