Quand on écoute « Espace Temps », le premier album solo de Maska, on se dit que le rappeur de la Sexion a fait ce disque tout autant pour faire plaisir à ses fans que pour lui-même. Clairement, il avait besoin de s’ouvrir le bide et de tout mettre sur la table une bonne fois pour toute. Car nous somme en face d’un homme qui souffre, ou du tout moins, qui a beaucoup souffert, d’un homme abîmé par une vie qui ne l’a pas épargné.
Maska, c’est le « Blanc » de la Sexion d’Assaut. Surnommé ainsi par ses camarades du groupe phare du rap actuel, ce n’est pourtant pas sa seule particularité. Plus politique, plus dur, peut-être plus street que les autres membres de la Sexion, il se démarque par un rap plus hardcore, plus nerveux et des couplets incisifs et tranchants. Moins en vue sur les morceaux dancefloors du groupe, il n’a pas la vibe d’un Maître Gims ou l’envie de faire la fête d’un Black M. Si, évidemment, il y participe avec plaisir, son rap, lui, est moins destiné à secouer son booty. Il s’adresse à des organes qui se situent plus haut : le cœur et la tête. Finalement, quand on écoute Espace Temps, le premier album solo de Maska, on se dit que le rappeur de la Sexion a fait ce disque tout autant pour faire plaisir à ses fans que pour lui-même.
Clairement, il avait besoin de s’ouvrir le bide et de tout mettre sur la table une bonne fois pour toute. Car nous somme en face d’un homme qui souffre, ou du tout moins, qui a beaucoup souffert, d’un homme abîmé par une vie qui ne l’a pas épargné. Résultat, cet album est autant une thérapie qu’un exutoire. S’il ne cache pas grand-chose de sa vie, de son passé, Maska ne s’attendrit pas sur son sort, ne s’excuse pas, il raconte, un point c’est tout. C’est donc à l’auditeur d’en tirer ses propres conclusions et la plus évidente est que ce mec a morflé beaucoup, trop certainement. Qu’il est sensible, écorché vif, toujours à fleur de peau malgré la gloire, le succès et l’argent. Que le mal qui le ronge est tellement profond qu’il sera dur voire impossible à soigner. La mort de ses proches, les trahisons, les « coups de pute », le danger qu’il a frôlé tellement de fois, tout cela est enfoui dans les tréfonds de son âme et de son cœur. Sa souffrance suinte de presque tous les morceaux ou presque et loin d’être rebutante, elle nous enveloppe pour nous montrer que l’on peut riche et célèbre et être un homme comme les autres. Que le succès et l’argent ne servent pas obligatoirement de baume apaisant sur d’aussi profondes blessures.
On retrouve ces sentiments dans beaucoup de titres, mais là où c’est le plus prégnant, c’est certainement dans Tout le mal, un testament qui fait froid dans le dos. Résultat, Maska est perclus de questions et sa tête est un champ de mines dans lequel il se débat tant bien que mal et tente toujours de survivre. D’un côté, il y a un titre comme J’implose où clairement, il n’y réussit pas et de l’autre Relativise, où la lumière perce les ténèbres. La synthèse de tout cela tient certainement dans le morceau Ying Yang dans lequel « Le Blanc » reconnaît la dualité de sa personnalité et les difficultés qu’il éprouve par moments à canaliser son côté noir et violent qui semble parfois totalement le dominer. Il a des enfants, il est posé, mais il reste sous tension. Idem dans Profiter de ma life, plus dansant, avec un BPM élevé où c’est plus léger MAIS une phrase vient rappeler que rien n’est jamais aussi simple : « Profiter de la life oui, mais avant que tout ne s’éteigne ».
Attention Maska n’élude jamais ses responsabilités dans cette situation. Il sait parfaitement qu’il est un personnage complexe et ambivalent plein d’amour pour sa mère, ses enfants, ses proches (Mama, Rien sans mes autres), mais plein de haine, parfois de lui-même, même s’il assume le fait d’avoir voulu vivre la rue pour réussir en étant Prêt à tout : à vendre de la drogue, à être violent… Ce n’est que plus tard qu’il comprendra que cette voie n’est pas forcément la bonne, mais surtout que cela peut être la seule pour des gens poussés à bout par la misère et le système (Prie pour moi). Car s’il ne renie rien, Maska est lucide, il sait aussi que la situation sociale de notre pays peut pousser les gens à faire des choses que la morale réprouve, juste pour survivre : il ne glorifie pas la rue, jamais, mais comprends. Il connaît trop les difficultés auxquelles il faut faire face pour se permettre de condamner. Alors, il souffre. Sauf que lui, au vu de sa situation, refuse de souffrir en silence. Sans être un pamphlet politique et sociétale, le disque de Maska dresse un constat largement négatif, malheureusement, pour les gens qui composent cette fameuse « France d’en bas » selon l’expression consacrée, où rien n’est vraiment fait pour aider à leur élévation.
Alors forcément, si ses compères du Wati-B apportent des vibes (Dadju, Stan E, Abou Fall) sur certains refrains, si certains morceaux ont des touches reggae, ont des BPM qui s’élèvent, l’ensemble est assez dark avec des prods épurés qui collent bien aux lyrics. Finalement, le constat de Maska est assez lucide, tant sur lui-même que sur la situation actuelle et, forcément, en toute cohérence, la musique qui l’accompagne n’est pas celle qu’on le retrouvera dans les clubs. Ce n’est pas le but de cet album qui est plutôt là pour nous faire réfléchir tout en mettant en avant un rappeur sous-estimé de la Sexion. Maska n’a pas la folie créatrice de Maître Gims, on l’a dit, mais il est technique, il écrit bien et surtout, il écrit vrai, presque avec son sang. Ce mec a tout simplement des choses à dire ! En un mot, il est totalement authentique et ça transparaît dans un album de qualité que l’on n’attendait pas forcément à ce niveau. Un vrai beau disque, une vraie réussite.