Le Phénix revient avec un nouvel album, touchant et impertinent, consacré à l’enfance. Avec une pochette signée par Zep, Les Mômes et les enfants d’abord comptera 12 chansons inédites. Trois ans après Toujours debout, Renaud signe un retour attendu. L’occasion de se pencher sur son prolifique parcours.
Un univers artistique hérité
Renaud est un personnage à part de la chanson française, poète ouvrier, chanteur à texte, artiste engagé, il cumule les casquettes. Presque logique, finalement quand on fouille dans sa généalogie. En effet, on se rend compte que, très jeune, toutes les composantes de son univers artistique sont très vite présentes. Son père, qui écrit des romans, lui donne le goût de l’écriture, sa mère, originaire du Nord, lui inculque les valeurs de sa région qu’il magnifiera, beaucoup plus tard, dans Germinal, son grand-père paternel s’engage dès les années 30 dans le communisme. Les fondations sont donc profondes et bien posées.
Des idoles importantes
En plus de ses imposantes influences familiales, Renaud découvre les yéyés, les Beatles, mais aussi la chanson populaire française représentée, entre autres, par Georges Brassens. Adolescent plus intéressé par la politique que par les études, Renaud se passionne forcément pour les chanteurs engagés que sont Hugues Aufray (sa première idole), Bob Dylan, Joan Baez ou encore Leonard Cohen.
Choqué par les attentats de l’OAS à Paris, il se rapproche de l’extrême-gauche, milite contre la guerre au Vietnam et la bombe atomique. En 1968, Renaud n’a que 16 ans, mais c’est sur les barricades du Quartier Latin qu’il fête son anniversaire. Rapide, l’engagement de Renaud est aussi profond et le suivra toute sa vie. C’est aussi en 1968 qu’il fait ses premiers pas dans la musique et le spectacle en écrivant des chansons à tendance révolutionnaire qui font fureur auprès des étudiants en colère. Un an plus tard Renaud quitte l’école, mais poursuit son apprentissage des mots en dévorant la littérature de Vian, Prévert ou Maupassant…
Les débuts de chanteur
S’il chante toujours, c’est juste pour les filles ou ses amis. Motard, il préfère traîner avec ce que l’on appelle alors les loubards, les blousons noirs qui essaiment la capitale. Finalement, comme souvent, c’est une rencontre qui va tout changer. En vacances, Renaud se lie d’amitié avec Patrick Dewaere qui le fait rentrer dans la troupe du Café de la Gare à Paris. Il y côtoie Coluche, Miou-Miou et Romain Bouteille. Renaud pense alors avoir trouvé sa vocation, il sera comédien.
En difficulté, malgré quelques petits rôles, il se met à chanter dans la rue, des chansons du Paris populaire qu’il affectionne et recommence à écrire. Pour séduire le public, il va directement le chercher là où il est, dans la foule. Il se décide pour celle du Café de la Gare où le public patiente dehors avant de découvrir le premier spectacle de Coluche. C’est là que le producteur du comique, Paul Lederman, le remarque. Il jouera toujours au Café de la Gare, mais sur scène, en première partie de Coluche. C’est là qu’en 1975, deux producteurs, qui le découvrent, le persuadent de faire un disque. Ce sera Amoureux de Paname.
Malgré quelques concerts et un succès d’estime qui lui vaut d’être engagé à la Pizza du Marais, il continue de vouloir devenir acteur. Pourtant, il enchaîne rapidement avec un deuxième album, Laisse béton, qui sort en 1977 et qui révèle son côté loubard en blouson noir.
Le succès
Troisième opus en 1979, Ma gonzesse où il se fait plus sensible et montre ses capacités d’autodérision. Finalement, le succès viendra avec Marche à l’ombre, son quatrième long format, dur, noir et cynique dont la chanson éponyme sera un de ses premiers énormes tubes. Avec le Retour de Gérard Lambert, Renaud s’éloigne de son personnage de loubard et entame une transition musicale et personnelle qui trouvera son aboutissement dans Morgane de toi en 1983. Ce disque ouvre une période féconde et particulièrement réussie. Renaud embrase les scènes de l’Hexagone et enfonce le clou en 1986 avec Mistral gagnant avec lequel il gagne la reconnaissance totale du public, mais aussi celui de ses pairs. Bizarrement, c’est à ce moment où Renaud est tout en haut qu’il commence sa descente aux enfers. La dépression le touche de plein fouet, accentuée par la perte d’êtres chers comme Gainsbourg ou Coluche à qui il dédie son opus suivant, Putain de camion. La suite est moins rose…
Montées et descentes
Si ses disques restent de qualité, ils n’obtiennent pas les retours escomptés. L’homme, lui, s’engage toujours un peu plus dans la lutte politique et réalise son rêve en tenant le rôle titre dans le film « Germinal » de Claude Berri tout en s’essayant à d’autres projets comme un disque de chansons tirées du folklore du Nord ou l’écriture d’un conte pour enfants. Malgré cette boulimie, Renaud est un homme malade. Dépressif, il est nostalgique du temps qui passe et de la perte de certains de ses idéaux. Résultat, il s’enferme dans une période de silence entre 1995 et 2002. Alcoolique, solitaire et cynique, Renaud y perd Dominique, son grand amour en même temps que l’inspiration. Le renard a fait un trou et a détruit Renaud. Là encore, une rencontre va tout changer, celle d’une jeune chanteuse, Romane Serda.
Pour elle, il arrête de boire et se met à réécrire et à chanter. Cela débouche sur Boucan d’enfer en 2002, un opus noir et sans 
concession qui remporte pourtant un franc succès. C’est aussi le retour du militantisme pour Renaud qui s’investit pour favoriser le retour d’Ingrid Betancourt, le combat contre la corrida où la réintroduction des ours dans les Pyrénées. Cela se traduit évidemment dans son disque suivant, Rouge sang, beaucoup plus engagé. Depuis, à part un disque de reprises de chansons irlandaises et des best of, Renaud n’a plus rien sorti, replongeant dans la dépression et l’alcoolisme coupant court à tout velléités artistiques.
Mais ça, c’était avant. Avant que ses amis Cabu et Wolinski soient réduits au silence par des balles, avant que Grand Corps Malade ne le pousse à réécrire, avant que Renaud lui-même ne se mette à croire à un improbable come-back. Avant qu’il ne retourne en studio, enregistre Toujours Debout, et entame son « Phénix Tour ».
L’enfance à l’honneur
En cet automne 2019, Renaud nous revient avec Les Mômes et les enfants d’abord, un album de 12 titres dans lequel il « parle à la place des enfants ». Celui-qui nous rassure également sur sa « parfaite santé » a choisi Zep pour illustrer sa pochette ainsi que ses chansons. Rendez-vous le 29 novembre pour un retour en enfance !
