Critique

La délicatesse d’Agnès Obel

30 septembre 2013
Par frrc
La délicatesse d’Agnès Obel
©dr

Arrangements soyeux, sonorités boisées, timbre chaleureux, Agnès Obel poursuit ses voluptés sur un deuxième album irisé d’atmosphères vibrantes et classieuses…

Insuffler du silence entre les notes. Épurer la phrase musicale jusqu’à n’en retenir que ses plus intimes particules élémentaires. Agnès Obel rejoint les musiciens qui ne gardent de la matière sonore que ses effluves premières. Un simple piano ou les cordes d’un violon suffisent à construire un univers intemporel imprégné de flagrances à la fois subtiles et immédiatement attachantes.

Conservant une approche pop de la visée mélodique, assimilant l’héritage du classique, Agnès Obel fait partie d’une longue lignée d’artistes dont on peut situer le point d’ancrage dans les œuvres de Rachel’s, groupe culte des années 90, et qui se poursuit aujourd’hui avec des compositeurs instrumentaux tels que Carlos Cipa, Richard Moult ; ou bien encore tous ceux gravitant autour des labels underground Fluid Audio et Facture (Christoph Berg, Sqanto, Olan Mill…).

Mais dans cette niche musicale qui flirte rarement avec les charts et fait souvent peu parler d’elle, le succès de la chanteuse danoise (un demi-million d’exemplaires vendus de son premier album Philharmonics), a de quoi surprendre. Cette reconnaissance doit beaucoup à la voix d’Obel. Ses intonations incarnées agissent comme une caisse de résonnance qui emporte la musique bien au delà des territoires habituels du genre. On pourrait évoquer à son propos un cousinage éloigné avec Sophie Moleta, Jesse Sykes ou Ane Brun. Agnès Obel navigue pourtant seule. Il y a dans ses poses, le timbre de sa voix, quelque chose de brumeux et de lyrique à la fois qui se soustrait à toute identification trop claire. Comme si la chanteuse aimait à s’entourer d’un mystère quasi insondable. Un mystère qui n’est pas prêt de se dissiper avec la sortie de ce deuxième album.

Aventine commence les réjouissances par une suite d’accords au piano qui rappelle les oeuvres de Dustin O’Halloran. C’est un bonheur d’écouter Agnès Obel s’immerger ainsi, avec autant de réussite, dans la composition instrumentale (et ce n’est pas l’épilogue de The Curse, ou bien les morceaux Tokka ou Fivefold, qui vont nous faire penser le contraire).

La suite du disque est à l’image de Philharmonics, mais on sent chez Obel une plénitude absolue dans sa maîtrise artistique. La voix suit des lignes d’intonations habiles et très douces sans jamais laisser l’auditeur perplexe ou détaché. Bien au contraire. On a le sentiment de faire corps avec quelque chose d’immatériel et de très beau. Parfois même à la limite du tangible. Si les anges de Michel-Ange pouvaient chanter, il n’est pas hasardeux de penser qu’ils auraient la voix d’Agnès Obel. Le somptueux morceau Fuel To Fire pourrait servir de bande son idéale à une visite de la Chapelle Sixtine.

Pour le reste, la musique franchit elle aussi un niveau encore supérieur. Le titre Aventine est un peu le barycentre symbolique de cette mise en hauteur. Aidée par Anne Muller (violon & violoncelle) et Mika Posen (Timber Timbre); les arpèges viennent enrichir d’une vibration et d’un rythme nouveaux les atmosphères déjà contemplées sur Philharmonics. Ici le violon, l’alto ou le violoncelle occupent désormais une place centrale. Que les cordes soient pincées, grattées ou jouées à l’archet, on sent une osmose parfaite entre les 3 musiciennes. Le talent d’Agnès Obel est de lier tout cela (la dimension minérale et éthérée du piano –parfois jusqu’à l’abstraction d’une simple note (Dorian)- les profondeurs graves du violoncelle, les courbes romanesques du violon) sans jamais s’écarter de l’ambition mélodique.

Au final on sort de l’écoute d’Aventine un peu comme on se relève d’un songe éveillé; étourdi et enivré. Agnès Obel possède de toute évidence cette capacité à habiller la musique d’élégances et de voluptés. Un art de draperies invisibles qui enveloppe les sens et adoucit l’âme. La musique d’Agnès est belle. Tout simplement.

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