Ce roman graphique est véritablement une pure merveille de sensibilité, mais aussi d’humour !
Les illustrations simples et sans fioritures laissent véritablement la place à l’histoire et aux sentiments. « La tête en l’air » de Paco Roca, est un album émouvant aux larmes sur la vieillesse, la déchéance, la maladie, mais aussi sur l’amitié et l’espoir.
Dans la postface de cette bande dessinée, Paco Roca, auteur espagnol, explique qu’il s’est tout d’abord inspiré d’Ernest, le père de son ami Diego atteint de la maladie d’Alzheimer. Il a également pris des notes concernant les parents d’autres amis. Il a aussi passé du temps dans des maisons de retraites où il a rencontré des personnes âgées résidentes mais aussi du personnel d’encadrement (auxiliaire de vie, infirmier…). Tout cette « matière » l’a inspiré pour écrire et dessiner l’album Rides paru en France en 2007 et qui est aujourd’hui réédité sous le titre de la tête en l’air toujours aux Editions Delcourt. Il a été traduit en 10 langues différentes. Cet album est préfacé par Jirô Taniguchi qui le qualifie de « chef-d’oeuvre ».
L’histoire, c’est celle d’Ernest, un homme qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Après une énième crise, son fils chez qui il habite se rend compte qu’il ne peut plus prendre soin de lui. Il décide de l’admettre dans une résidence du troisième âge.
Paco Roca – La tête en l’air © Delcourt
Au début, Ernest est quelque peu décontenancé par cette vie en collectivité, mais il s’y acclimate assez bien, et se lie d’amitié avec Emile, son colocataire de chambre. Emile est là depuis un moment, il fait visiter la résidence à Ernest en racontant l’histoire de chaque pensionnaire. C’est aussi un filou qui rackette « gentiment » Madame Simone, toujours à la recherche d’un téléphone afin que ses enfants viennent la chercher pour l’emmener.
Car même si c’est Ernest le protagoniste principal, ce sont tous les habitants de la maison de retraite les « héros ».
La maladie d’Alzheimer s’installe peu à peu effaçant petit à petit les souvenirs d’Ernest, Emile le sollicite le mieux qu’il peut afin de ralentir la maladie. Un matin, un clash a même lieu entre eux quand Ernest perd sa montre alors qu’il est sûr de l’avoir posée sur la table de nuit. Dans son expression, on comprend qu’il soupçonne Emile de l’avoir dérobée. Ce n’est qu’à la fin que l’on découvre ce qui est réellement advenu de cette montre…
Parmi les pensionnaires, on rencontre aussi Alphonse un ancien animateur radio qui répète tout ce qu’il entend, Madame Simone toujours à la recherche d’un téléphone, Madame Rose qui « croit qu’elle est dans l’Orient-express à destination d’Istanbul », Adrienne qui récupère tout ce qu’elle peut d’échantillons et qui les donne à son petit-fils quand il vient la voir « au cas où », elle sera d’ailleurs de la partie pour la super virée de nos deux amis (mais je ne vous en dis pas plus), Georgette et Marcel, un couple de personnes âgées dont le mari souffre d’Alzheimer et qui renvoit à Ernest l’image de la dégenérescence, car c’est Georgette qui fait manger Marcel, lui étant déjà dans un autre monde et dans un état assez apathique, Monsieur Eugène, un ancien sportif… Des personnages attachants et touchants.
La vie se déroule paisiblement pour Ernest dans cette maison de retraite, mais la maladie le gagne de plus en plus, même si Emile fait tout pour l’aider comme lorsqu’il met des étiquettes sur chaque vêtement d’Ernest afin que celui-ci se rappelle comment il doit s’habiller, les mots lui échappant peu à peu… Mais il n’y a pas d’échappatoir, c’est toujours la maladie qui l’emporte…
Ce roman graphique est véritablement une pure merveille de sensibilité, mais aussi d’humour et d’amitié !
Les illustrations simples et sans fioritures laissent véritablement la place à l’histoire et aux sentiments. Un album émouvant aux larmes sur la vieillesse, la déchéance, la maladie, mais aussi sur l’amitié et l’espoir.
Une bande dessinée qui fait également réfléchir sur un thème de société : la maladie d’Alzheimer, mais aussi sur ces personnes âgées dont certaines sont abandonnées dans des maisons de retraites attendant toute la semaine « la » visite hebdomadaire, voire mensuelle de leur famille… Certaines personnes deviennent de plus en plus dépendantes à cause de la dégénérescence sénile, des pertes de mémoire, de la perte de tous leurs souvenirs, de l’oubli d’elles-mêmes.
Un bel hommage de Paco Roca, un auteur au talent indéniable qui grâce à sa sensibilité, sans misérabilisme, met en avant ces personnes âgées souvent oubliées mais qui font ou ont fait parties de nos vies… Merci Paco Roca.
Paco Roca – La tête en l’air © Bac Films
Le 30 janvier 2013, la tête en l’air sortira au cinéma sous la forme d’un film d’animation en 2D, durée:1h29 mn. Le réalisateur Ignacio Ferreras a également écrit le story board et co-scénarisé l’histoire avec Rosanna Cocchini et Paco Roca. Ce film est distribué par Bac Films, mais il est malheureusement prévu dans très peu de salles.
Pour en savoir plus: www.pacoroca.com (site en espagnol)