Critique

Pro Pacem, le message de paix de Jordi Savall

21 décembre 2012
Par Frédérique
Pro Pacem, le message de paix de Jordi Savall
©dr

Voici un livre disque comme Jordi Savall en a le secret, dans lequel les textes ont au moins autant d’importance que les musiques. En cette fin d’année, le musicien catalan souhaite en effet nous délivrer un message de paix, transmis aussi bien par des musiques d’époques, de contrées et de traditions différentes que par des textes de plusieurs penseurs contemporains eux aussi d’horizons très variés…

Depuis toujours, Jordi Savall est ouvert aux cultures et aux modes de pensée non occidentaux. Son travail sur les musiques anciennes s’est toujours nourri des échanges et des interractions entre l’Orient, l’Asie et l’Occident. Puisant dans le riche catalogue Alia Vox, le musicien catalan offre un panorama de musiques pour la paix avec pour fil conducteur la prière Da pacem Domine (Seigneur donne nous la paix), mises en musique aussi bien en grégorien que par Gilles Binchois au 15e siècle, ou par le musicien contemporain Arvo Pärt (une commande de Jordi Savall après les attentats de Madrid du 11 mars 2004), en passant par Rolland de Lassus ou Josquin des Prés. A cette trame viennent se greffer des invocations hébraïques, des récitations du Coran, des chants sépharades, un Ave Maria chinois et quelques pièces instrumentales composées sur des thèmes religieux.

Mais Jordi Savall a tenu à faire du livret, traduit en huit langues, non seulement un message de paix universel, mais aussi une réflexion sur les moyens de parvenir à cette paix et de la conserver. Pour ce faire, il a donc fait appel à des artistes et intellectuels de différentes origines et de différentes disciplines.

Il s’agit tout d’abord du texte Art et Société, extraits d’entretiens et d’une autobiographie du peintre et plasticien catalan Antoni Tàpies, qui signe l’illustration de couverture ainsi que trois reproductions de peintures inédites dédiées à la paix.

Le texte le plus fourni, Les savoirs nécessaires à l’éducation du futur, du philosophe et sociologue français Edgar Morin, extraits de son livre Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, donne des pistes de réflexion sur la place de l’individu dans la société, la promotion d’une nouvelle éthique du genre humain, la préservation et le développement de la démocratie dans les sociétés modernes.

Vient ensuite Paix et Interculturalité du père Raimon Panikkar. Ce philosophe et théologien de mère catalane et chrétienne et de père indien de religion hindoue s’était donné pour tâche la promotion du dialogue interreligieux hindou-chrétien.

La sociologue, écrivaine et féministe marocaine Fatema Mernissi, propose un approfondissement de son discours prononcé à l’occasion du Prix Prince des Asturies qu’elle a reçu en 2003. Son texte, Le cow-boy ou Sinbad, est une réflexion sur la globalisation.

Le mot de la fin revient à Antonio Guterres, Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés avec Les nouveaux défis liés aux déplacements forcés.

Hormis la prééminence du texte écrit sur la partie musicale, qui surprend même quand on connait déjà les livre-disques de Jordi Savall, on peut certes objecter à ce genre de projet le manque d’enregistrements nouveaux. Pour Jordi Savall, la nouveauté réside ici dans la cohérence du message au moyen de textes et de musiques très diverses dont le point commun, hormis le Da pacem Domine, est une réflexion sur la paix prenant sa source dans plusieurs traditions culturelles et religieuses. Aux côtés des ensembles Hesprerion XX et XXI, de la Capella Reial de Catalunya et de musiciens invités, nous retrouvons la voix toujours aussi émouvante de Montserrat Figueras qui nous a quittés il y a tout juste un an.

Article rédigé par
Frédérique
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