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Captain America le héros qu’il nous faut ?!

19 août 2014
Par Mangatore
Captain America le héros qu'il nous faut ?!
©DR

A la question du titre de cette chronique on va réponde ici même histoire que vous gagniez du temps : ma réponse est oui et je vous explique pourquoi dans la suite, avec un bon coup de bouclier dans la face des fausses idées et autres raccourcis autour de ce personnage phare de Marvel, la Maison des idées…

Avec désormais deux films éponymes à son actif – sans parler de ses apparitions dans The Avengers – le personnage de Captain America s’installe confortablement, et non sans panache, dans les salles de cinéma du monde entier. Deux films crédibles, à la fois funs, distrayants, et pas du tout honteux au regard du comic book des origines. Evidemment je suis plutôt un amateur indulgent de ce genre de grosse production pop-cornesque, et j’ai aussi appris à bien faire la part des choses entre le médium papier et des adaptations forcément éternellement en de-ça. Je considère perso que Spider-Man 3 et X-Men 3, sans parler de Daredevil (dans sa version studio, le Director’s Cut sauvant un peu le film), mériteraient un cours de natation avec requins blancs pour les scénaristes, producteurs, réalisateurs et autres malfaisants d’Hollywood ayant participé à ces horreurs. Quant aux deux films The Amazing Spider-Man, la décence me force à les passer sous silence (on parle de ici de crime de lèse-arachnide messieurs-dames !). J’ai des tendresses (coupables, mais j’assume !) pour les Quatres Fantastiques 1 & 2, et même pour les deux Ghost Rider, qui ont le double mérite de bien passer avec les pizzas de fin de semaine et de distraire les gamins… Bon, ok les méchants de Ghost Rider font aussi peur que des cosplayers Twilight et Nicolas Cage est comme toujours inégal dans sa prestation, mais oh hé, la moto est jolie quand même ! Non ? si !

Mais passons les autres films et revenons à Cap’… Je ne vais pas vous raconter en long et en large l’histoire du personnage version papier, de sa naissance en 1940-41 (in Captain America Comics #1 édité par Timely Comics, le futur Marvel), issu de la plume de Joe Simon et des crayons de Jack – pas encore the King Kirby, jusqu’à ses incarnations récentes et décapantes* (The Ultimates ; Civil War ; et très récemment en VF dans les revues Marvel Icons/Heroes/Stars). Vous avez internet, un cerveau et des petits doigts, donc go to Wikipédia !

 L'homme au bouclier étoilé     Cap' in action

 Et c’est reparti comme en 40 ! Heu oui mais non…

Je me contenterai plutôt dans la présente chronique d’évoquer certains aspects du héros aux couleurs de l’Amérique, pour mieux battre en brèches quelques idées reçues. Alors attention je préviens d’avance (ô internaute de mauvaise foi !) non pas que certains reproches qu’on puisse lui faire ne soient pas fondées, mais il est bien évident qu’en 70 années d’aventures le bon Captain a forcément évolué et qu’on aurait dangereusement tort de rejeter en bloc un super-héros fascinant à plus d’un titre.

Captain America, et son nom est transparent là-dessus, c’est l’Amérique. Et là en France déjà, quand on a dit ça, on a tout dit pour certains… Et bien oui, Cap, de son vrai nom, Steve Rogers, c’est un américain. Un militaire de surcroit. Un super-soldat né d’un projet gouvernemental (le « projet Renaissance ») et qui s’en va ardemment défendre son drapeau et la liberté all over the World, yes ! Un boy-scout US qui dès la première couverture, fin 1940, décoche un coup de poing à Hitler en personne (à ce moment pourtant l’Amérique ne participe pas encore au conflit !).

Captain America Comics #1Captain America Comics #1 par Jack Kirby et Joe Simon

 Entrée en scène tonitruante pour Captain America et Bucky pour une couverture de légende

Propagande ? oui, bien sûr, mais comme nombre de comics à l’époque. A ceci près que la portée symbolique du personnage est transparente et que ce concept de base qui lui collera à la peau (littéralement avec ce costume aux couleurs de l’Oncle Sam !) le portera contre toute attente bien au-delà du conflit de 39-45.

On ne parlera pas après-guerre des dérives anti-rouges (allant de pair avec un racisme anti-asiatique très violent et paranoïaque), qui culmineront avec la Guerre Froide. Détail ironique, la nemesis de Cap, à savoir le vilain Crâne Rouge, qui était un nazi pendant la Seconde Guerre Mondiale, devient un odieux communiste quelques années plus tard (ceci dit son physique était bien pratique). Et, plus proche de nous, que dire encore de la version réac instaurée par le décapant et provocateur scénariste britannique Mark Millar lors de son passage sur The Ultimates (une version alternative des Vengeurs, dans un univers Marvel lui aussi alternatif, et censé rameuter de nouveaux lecteurs – et que je vous recommande fortement au passage !). Je me rappelle encore de la vanne anti-français de ce brave Captain version Ultimates* (ce qui avait heurté la sensibilité de certains lecteurs français d’ailleurs… rohhh !).

Captain America The Movie    Captain America versus the Leopard Woman

                         Bien heureusement pour lui, il n’y a pas que des nazis dans le comics Captain America !

Même si Marvel a tout fait depuis le début pour qu’on le croit, Captain America n’est pas le premier héros patriotique de l’histoire du Comic book. On pense à The Shield et autres qui ont largement inspiré la création de Simon et Kirby. Eux-mêmes, après avoir claqué la porte de Timely-Marvel – pour plus tard y revenir bien sûr !** – n’auront de cesse de reprendre, voire pasticher, au sein de la concurrence d’alors le super-héros au bouclier étoilé.

 The Guardian au sein de la Newsboy Legion     Fighting America

En voulant concurrencer, jusqu’à la parodie assumé, leur propre création Simon et Kirby offriront nombre de personnages à forte teneur patriotique

 

Le bouclier justement, parlons-en. Saviez-vous qu’il ne fût pas rond au départ mais bel et bien triangulaire, à l’image de celui ornant le costume de The Shield justement, jusqu’à que les ayants droits (MLJ) menacent Timely Comics de procès et qu’on décide d’opter pour une forme circulaire. De plus il était en départ en adamantium (nom d’un métal imaginaire d’une résistance extraordinaire, le même qui compose le squelette du mutant griffu Wolverine !), puis finalement pour des histoires de chronologie Marvelienne, dans un mélange d’acier et de vibranium (autre métal célèbre de l’univers Marvel). Il gagna au passage la capacité de rebondir contre n’importe qu’elle matière, et ne fût véritablement indestructible qu’au cours des années 60. 

The Shield  Le film respecte l'hitorique du bouclier, cool ! Cap' et son tout premier bouclier

En vérité la raison d’être de base d’un Captain America c’est de combattre les ennemis de l’Amérique (et en période creuse on sait que ce pays sait très bien s’en inventer si besoin). Alors bon, est-ce qu’on reproche à Tintin de se mêler d’affaires qui ne le regardent pas ? C’est un reporter à la base, hein ! Reprocher à Captain America d’être un patriote pro-actif c’est juste un raccourci un peu trop facile pour être honnête.

A noter tout de même qu’au moment de l’affaire du Watergate sous le gouvernement Nixon, refusant désormais d’être l’image et le symbole d’un pays qu’il juge alors corrompu, le héros se fera simplement appeler « The Captain ». Choix scénaristique qui en dit long sur l’idée que se font d’eux-mêmes les américains, et sur l’idéalisme chevillé au corps même de ces créatures de papier. Plus au service de la Nation et du peuple que de l’Etat et des dirigeants – du moins dans l’esprit !

C’est à Captain America, malgré sa réputation d’être une figure monolithique (c’est bien connu, ils sont primaires dans l’armée !), que l’on doit le développement narratif de la notion d’identité secrète. Jusqu’à présent les autres super-héros semblaient ne faire qu’un avec leur costume et pouvoirs. Même s’il ne fût pas le tout premier à présenter cette configuration, Simon et Kirby poussèrent plus avant la question de l’identité secrète du personnage en mettant d’avantage en contrepoint le simple soldat Steve Rogers. Il y a donc désormais un homme derrière le masque et c’est d’ailleurs ce qui rend en partie le personnage attachant passée la problématique du costume. Sans vous en dire trop si vous le découvrez dans sa version cinéma (qui semble avoir eu le bon goût d’atténuer certains aspects kitsch de la licence d’origine en jouant habilement d’un retro-futur de bon aloi, mais généralement pas très grand public), il semblerait bien que le personnage de Steve Rogers, l’homme sous le masque donc, possède l’étincelle d’humanité dont sont faits les vrais héros.

        Capitain America pose pour l'affiche du film, si si !     Poster promotionnel Captain America the First Avenger

Il y a eu au moins chez Marvel une volonté de coller à l’iconographie du personnage, bien bien bien…

C’est également la figure d’une époque plus manichéenne (en apparence plus simple), qui ne comprend pas forcément le monde moderne qui l’entoure… Car en fait ce qui fait la force (et par là même la longévité) de ce héros de l’univers Marvel, c’est paradoxalement ce que certains lui reprochent : son origine et le pourquoi de sa création. Or qu’est-ce qui justifie (en dehors de l’aspect vétéran) le fait que Cap soit présent depuis 70 ans au sein des séries de l’éditeur ? (et souvent en tant que leader d’équipe !)

Les scénaristes ont rapidement compris l’intérêt d’avoir à disposition un personnage issu de l’âge d’or des comics (et de la Seconde Guerre Mondiale), quasi-inaltérable, immédiatement reconnaissable, et  qui allait pouvoir vivre des aventures contemporaines décalées à même de fournir quantité d’histoires hautes en couleurs. Captain America c’est un peu comme une partie de l’Histoire des USA qui ne s’arrêterait jamais, la madeleine de Proust d’un Continent tout entier qui a fait basculer l’issu de la Seconde Guerre Mondiale du côté du Bien. Mais c’est aussi le personnage de Steve Rogers qui est mal à l’aise dans une époque qu’il ne comprend pas, et qui ne le comprend plus. Ironiquement on peut ainsi détester Captain America pour les mêmes raisons que ceux qui l’apprécient. Tout simplement parce que l’Amérique libératrice d’après 1945 s’est muée en empire interventionniste, et que le Captain America des années 2000 est un anachronisme tout autant qu’une figure nostalgique.

C’est aussi pour cela qu’un personnage aussi fascinant, pour peu qu’on s’y attarde, qu’on lise donc des comics et qu’on se documente un peu, mérite amplement d’être suivi par le public qui l’a découvert en salle. Captain America c’est l’Amérique telle qu’elle devrait-être, telle qu’elle le fût parfois à certains moments de l’Histoire. Celle de l’esprit de ses Pères Fondateurs, pas celle de l’American Way of Life et de la camelote à crédit.

Mon ultime recommandation : n’écoutez pas les anti-américains primaires qui déjà sortent du bois de l’inculture pour crier au super-héros fascisant… Evadez-vous, rêvez au-dessus de vos moyens, aimez les super-héros pour ce qu’ils sont, et n’oubliez pas qu’après tout : « It’s just comics books ! ».

 Marvel Classic 3     Ultimate Captain America

Les deux incarnations les plus connues du Captain America en France… pas pour les mêmes raisons

* A un ennemi qui leur demande de se rendre, Captain America en tant que leader des Vengeurs, répondait « Y a pas écrit la France ! ». Pour info le propos a été retiré par Panini en France lors de la sortie du trade paperback. Je ne commenterai même pas… (achetez les comics en fascicules !).

** Dans l’industrie du Comic Book il y a beaucoup de claquements de portes, de transferts surprises, etc. Scénaristes et dessinateurs passant d’une écurie à l’autre dans un perpétuel mouvement pendulaire, quand ils ne coupent pas radicalement les ponts pour monter leur projet perso (du creator-owner donc !).

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