Après les NFT, l’immobilier dans le metaverse fascine autant qu’il rend perplexe. À quoi servent ces terrains virtuels et à quoi ressemble le marché aujourd’hui ? Faut-il y investir ?
Le métavers étant perçu comme l’un des prochains grands tournants du Web3, notamment pour remplacer les réseaux sociaux, entreprises ou célébrités cherchent déjà, logiquement, des moyens d’y investir et de gagner de l’argent. En attendant la généralisation de ces plateformes et l’arrivée des utilisateurs et de fonctionnalités innovantes, investir dans l’immobilier virtuel est déjà tendance. Un emballement qui a n’a pas tardé à faire exploser les prix.
À quoi ça sert ?
Comme dans la vraie vie, l’achat de terrain dans le métavers permet d’y construire un bâtiment. Il ne s’agit pas à proprement parler d’habitations, mais de lieux pour représenter une marque ou créer des expériences – qui seront bien sûr monétisées – pour les visiteurs. Pour l’instant, il s’agit surtout pour les acquéreurs d’occuper le terrain et d’attirer l’attention sur sa marque. Nombreux sont aussi ceux qui investissent en espérant pouvoir louer le terrain ou le revendre à un prix plus élevé quand il y aura plus d’utilisateurs. Pure spéculation, donc.
Pour acquérir l’un de ces terrains, il suffit de se rendre sur des sites qui vendent des NFT, comme Opensea. Des agences immobilières spécialisées commencent également à se développer, comme l’Agence Voxel et Metaverse Property, même si peu d’offres sont disponibles sur leur site. Il est nécessaire de posséder des cryptomonnaies pour se lancer dans un tel investissement.
Un marché concentré sur quatre acteurs
Aujourd’hui, l’immobilier virtuel se vend principalement dans quatre métavers : The Sandbox, Decentraland, Cryptovoxels et Somnium Space. À eux quatre, ils totalisent près de 270 000 terrains et leurs ventes en 2021 ont atteint 500 millions de dollars (455 millions d’euros). The Sandbox se démarque très nettement, puisqu’il représente plus de 60 % du marché et c’est la plateforme où les parcelles sont les plus chères : selon une étude, leur prix a été multiplié par 300 entre décembre 2019 et janvier 2022.
Cette augmentation des prix est directement liée à une quantité de terrains qui est volontairement limitée : il y en a 160 000 sur The Sandbox et 90 000 sur Decentraland. Et, comme pour l’immobilier dans la vraie vie, les prix varient selon la zone où le terrain se situe, mais aussi selon ses voisins. Par exemple, un terrain sur The Sandbox coûte en moyenne 11 000 dollars, mais ceux situés à côté du manoir virtuel du rappeur Snoop Dogg ont été valorisés à plus de… 400 000 dollars.
L’achat d’immobilier virtuel reste aujourd’hui le fait d’une minuscule minorité, puisque la totalité des investissements ne viennent que de 25 000 portefeuilles crypto. Les marques et les célébrités préfèrent s’y intéresser tôt – quitte à ce que ça fasse un flop – plutôt qu’arriver après leurs concurrents. D’autant plus que les études les plus optimistes prévoient une croissance importante : le marché du métavers pourrait passer de 47,7 milliards de dollars en 2020 à 829 milliards de dollars en 2028.
Des investissements risqués
Là où l’immobilier réel et virtuel s’opposent, c’est qu’un prêt immobilier à long terme est possible dans le monde réel parce que le bien est encore censé être là dans 20 ans. Dans le métavers, encore très récent, il est bien difficile de prédire ce que ce phénomène deviendra dans les années à venir. Si une plateforme ferme, les terrains seront perdus. Cela expliquerait pourquoi les terrains sur The Sandbox se vendent bien alors qu’ils sont plus chers : il est perçu comme le métavers le moins susceptible de disparaître.
Autre risque, le web3 en général est dérégulé, décentralisé, ce qui veut dire qu’il y a peu de recours possibles en cas d’arnaque. Enfin, la rareté des terrains est fabriquée de toutes pièces par les plateformes. Rien ne les empêche, techniquement, d’en ajouter autant que souhaité si un jour les métavers deviennent populaires. Naturellement, cela pourrait avoir des conséquences sur les prix.
Quant au risque de bulle spéculative, il inquiète même les plateformes, comme l’explique le fondateur de Somnium Space Artur Sychov : « Tandis que l’intérêt envers l’immobilier virtuel a augmenté ces six derniers mois, il est clair que la plupart des gens ne comprennent pas complètement les usages possibles de ces terrains. Une valeur monétaire réelle devrait être uniquement attachée à des biens virtuels qui ont une utilité réelle pour leurs propriétaires, sinon il y aura un énorme risque de bulle spéculative qui causera du tort aux consommateurs et aux entreprises. »