Le créateur de The Wire, David Simon, nous replonge au cœur de Baltimore avec We Own This City. Un drame policier réaliste, moins convaincant que son grand frère, à découvrir à partir du 26 avril sur OCS.
20 ans après avoir créé la mythique série The Wire (2002), David Simon est de retour à Baltimore avec We Own This City. Cette fois-ci, le scénariste – qui s’est autoproclamé « l’homme le plus en colère de la télévision » – prend pour cible les policiers de la ville du Maryland. Il revient plus particulièrement sur le scandale de corruption révélé en 2017, qui a frappé la Gun Trace Task Force fondée, à l’origine, pour débarrasser les rues des armes et des criminels.
Basée sur l’œuvre éponyme du journaliste américain Justin Fenton, la série suit les manigances de cette unité d’élite, finalement devenue tout ce qu’elle avait juré de combattre. Violences policières, perquisitions illégales, racket et preuves bancales sont autant de manœuvres utilisées par ces policiers, et mises en lumière à travers la série, dont le titre résonne comme une malédiction, mais aussi un avertissement.
Une série à l’heure du mouvement Black Lives Matter
« La ville nous appartient ». C’est avec ce terrible constat que le show tente de montrer les dérives de la police de Baltimore, à l’heure où le mouvement Black Lives Matter n’a jamais été aussi fort aux États-Unis. We Own This City se situe d’ailleurs au cœur de ce phénomène. L’affaire Freddie Gray est encore vive dans la mémoire des habitants, et Donald Trump s’apprête à rentrer à la Maison Blanche.
Dans la série, Baltimore est le reflet du basculement imminent de la société américaine. Avec une patte naturaliste, que l’on retrouvait déjà dans The Wire, David Simon nous embarque dans sa ville de prédilection afin de montrer l’ambiguïté et la violence de tout un pays. Un choix qui rend We Own This City particulièrement actuelle, en prise avec un sujet brûlant. Les images d’archive, un aspect quasi documentaire et le réalisme fondent la force brute du showrunner et de son univers.
L’héritière de The Wire ?
C’est d’ailleurs cet aspect qui rend We Own This City aussi vibrante qu’historique, à l’image de ce que proposait The Wire au moment de sa sortie. La série que l’on considère comme l’une des plus accomplies du petit écran nous plongeait elle aussi au cœur des institutions de la ville. Elle donnait à voir leurs relations avec les forces de l’ordre locales sur fond de trafic de stupéfiants et d’enquête policière.
Néanmoins, l’échelle de The Wire est différente. Là où la série portée par Dominic West et Idris Elba scrutait chaque sphère de la ville, allant de la lutte antidrogue à l’éducation en passant par la presse locale, la minisérie We Own This City se cantonne à une affaire précise.
En ce sens, sa grande sœur apparaît plus ambitieuse. Mais cela n’a pas empêché David Simon de reprendre plusieurs codes. On retrouve une série chorale, le drame policier, ainsi qu’une importante densité d’action. Le showrunner a également collaboré avec d’anciens partenaires. Il s’est entouré de son co-auteur George Pelecanos, le détective et producteur Ed Burns, ainsi que plusieurs habitués de sa filmographie, dont Jamie Hector et Darrell Britt-Gibson (The Wire), Rob Brown (Treme), ou encore Don Harvey (The Deuce).
Une série imparfaite
Ceci étant dit, tous ces éléments ne suffisent pas à faire de We Own This City la digne héritière de The Wire. Bien qu’il soit difficile de les dissocier, la minisérie apparaît beaucoup plus déroutante. Les allers-retours entre le passé et le présent donnent un sentiment de confusion. À cela s’ajoute un montage fragmenté qui manque de subtilité, dans lequel les timelines se confondent autant que les personnages.
La série prend (trop) son temps pour installer ses enjeux. Il en ressort une longueur frustrante pour le spectateur, car bien que We Own This City soit rythmée, la première partie de saison tire en longueur. Fort heureusement, elle prend plus d’ampleur à partir du troisième épisode. On sent l’intrigue et le scénario avancer, malgré plusieurs scènes de violence aussi insupportables que répétitives.
Si elles martèlent le propos évident de la série, ces séquences ont toutefois le mérite de mettre en avant le comportement des flics ripoux et racistes, incarnés respectivement par Jon Bernthal et Josh Charles. Le premier interprète le sergent Wayne Jenkins, l’une des figures les plus charismatiques du commissariat, qui n’est pas sans rappeler son personnage de The Punisher (2017), le toupet redneck en plus. Le second joue l’intouchable sergent Daniel Herls, sur qui enquête la défenseure des droits civiques Nicole Steele, quant à elle incarnée par l’impeccable Wunmi Mosaku (Lovecraft Country, Loki…).
Autour d’eux évolue une vaste troupe de comédiens, dont le talent est la grande force d’une minisérie actuelle, importante, bien que trop dense pour six épisodes. Il faut aussi saluer l’écriture et le réalisme de We Own This City, mais la dernière création de David Simon nous laisse finalement un sentiment mitigé quant à sa mise en scène et le développement des enjeux. Comme quoi, n’est pas The Wire qui veut.