[Rentrée littéraire] Avec empathie et délicatesse, Laura Alcoba retrace l’histoire d’une mère qui, un jour de décembre, a noyé ses deux fils dans sa baignoire.
Le premier roman de Laura Alcoba, Manèges (Gallimard, 2007), fait le récit de l’enfance de l’autrice en Argentine, sous la dictature militaire. Il sera suivi par Le bleu des abeilles (Gallimard, 2013), qui raconte son arrivée en France et sa correspondance avec son père prisonnier politique en Argentine, et La danse de l’araignée (Gallimard, 2017), centré sur l’adolescence de l’autrice. Jardin blanc (Gallimard, 2009) est quant à lui inspiré d’un épisode de la vie de l’actrice américaine Ava Gardner et de l’homme d’État et écrivain argentin Juan Perón.
Par la forêt se présente comme une enquête sur « le drame », ou « la tragédie », qui a s’est abattu sur la famille Solano, et prolonge l’exploration de Laura Alcoba du thème de l’exil politique argentin.
Claudio et Griselda se sont rencontrés dans une librairie, en Argentine. Les engagements de Claudio les ont poussés à fuir leur pays pour la France. Ils vivent avec leur trois enfants, Flavia, Boris et Sacha, dans le lycée parisien pour lequel ils sont concierges. En 1984, alors que la petite Flavia a six ans, Claudio retrouve ses deux garçons noyés. Leur mère gît à côté d’eux, trempée, et en état de choc.
Parce que ce qui s’est passé ce jour-là, qui pourrait l’expliquer ?
Laura AlcobaPar la forêt
Pour approcher le mystère qui entoure ce drame, Laura Alcoba interroge Flavia, qui a survécu au massacre – contrairement à ses deux petits frères, elle n’était pas chez elle ce jour-là. Elle rencontre aussi Griselda, dont les souvenirs de cette journée sont flous, mais qui se confie sur son enfance en Argentine, sur sa rencontre avec celui qui deviendra son mari.
En écoutant Griselda, je m’étais approchée d’un gouffre. De l’insoutenable, de l’incompréhensible. De l’effroi.
Laura AlcobaPar la forêt
L’écriture de Laura Alcoba fait des boucles : l’évènement a transpercé le temps, et comme pour s’en approcher, pour approcher sa vérité, l’autrice laisse sa plume s’enrouler autour de lui, accompagnée par les récits des personnages qu’elle rencontre – les principaux concernés, Claudio, Griselda et Flavia, mais aussi l’ancienne maîtresse de Flavia ou l’avocate de Griselda. Elle croise aussi la figure de Médée, bien sûr – celle d’Euripide, celle de Sénèque, et par elle toutes les Médée, toutes ces mères infanticides. Par la forêt est un livre marquant, qui se refuse à donner des réponses, un livre sur l’incompréhensible, sur l’effroi ; et sur ce qui leur survit.
Par la forêt, de Laura Alcoba, 208 p., 19 €. En librairie depuis le 13/01/2022.