Entretien

Cuisiner maison, transmettre, partager… Thierry Marx et Louise Petitrenaud présentent la recette du Bon

31 décembre 2025
Par Pauline Weiss
Louise Petitrenaud et Thierry Marx présentent la nouvelle version du magazine “Bon”.
Louise Petitrenaud et Thierry Marx présentent la nouvelle version du magazine “Bon”. ©Samuel Kirszenbaum

Deux générations, mais un même amour du goût. Thierry Marx, chef multi-étoilé, s’associe à Louise Petitrenaud, présentatrice et consultante en gastronomie, pour la nouvelle formule du magazine Bon, que le chef cuisinier avait d’abord lancé en 2021 afin de raconter autrement l’univers de la gastronomie. À l’occasion de la sortie en kiosque de la nouvelle version du trimestriel, disponible depuis mi-novembre, le tandem partage sa vision de la transmission, du rôle de l’alimentation et de son lien indiscutable avec le bien-être.

Pourquoi avoir changé la formule de Bon ?

Thierry Marx : Le déclic a été simple : il fallait davantage ouvrir le regard. Nous voulions sortir d’un discours parfois trop intellectuel ou trop dogmatique autour du bio, du bien, du mal. L’idée était de revenir à quelque chose de plus essentiel : parler du bon, le mesurer, le ressentir. L’arrivée de Louise Petitrenaud s’est imposée naturellement. Elle incarne une jeunesse bienveillante, curieuse, avec un regard parfois différent et moins formaté sur la gastronomie.

« Le vivant, c’est la gastronomie. »

Thierry Marx

Aujourd’hui, on est saturés de conseils et d’injonctions, et le moindre rayon de soleil compte. Sortir ce numéro à l’approche des fêtes n’est pas anodin, on se demande tous : c’est quoi, un bon réveillon ? C’est une bonne volaille, une omelette bien faite, du plaisir partagé. Ce magazine n’a pas vocation à donner des leçons. Il est là pour rappeler une chose simple : le positif fait du bien.

Louise Petitrenaud : Ce que j’admire le plus chez Thierry Marx, ce sont ses convictions, et je crois que nous partageons cette envie très forte de défendre le beau et le bon. La gastronomie, ce n’est pas seulement manger pour être rassasié. C’est le visuel, l’humain, la rencontre, la manière de raconter un plat, mais aussi les combats portés : le respect des agriculteurs, la qualité des cantines scolaires, la valorisation des terroirs.

Quand avez-vous observé l’émergence de cette idée qu’il faut “se faire du bien” avec l’assiette ?

T. M. : Il y a plus de 25 ans, en travaillant avec le monde agricole. Avec Bleu-Blanc-Cœur [Association créée en 2000 pour “améliorer la qualité nutritionnelle et environnementale de l’alimentation”, ndlr], notamment, nous nous sommes dit : “Commençons par le bon.” Une bonne terre, sans intrants chimiques, produit une bonne plante et une bonne alimentation animale nourrit mieux l’humain.

À force de vouloir être dans le top, les étoiles, les classements, on perd parfois le sens. Mais je vois une jeunesse qui revient à une gastronomie sincère. Quand des jeunes s’intéressent au pâté en croûte ou à l’œuf en meurette, je me dis qu’on a gagné quelque chose. Ils sont nés avec le digital, mais ils cherchent le vivant, l’humain. Et le vivant, c’est la gastronomie.

Et vous, Louise, qui faites partie d’une autre génération ?

L. P. : Je ne pense pas que ce soit nouveau. Mes grands-parents avaient un potager, attendaient que les fruits mûrissent, faisaient leur compost. Ce bon sens a toujours existé, mais il s’est peut-être un peu perdu avec les supermarchés et l’industrialisation. Aujourd’hui, on parle davantage de santé, de saisonnalité, du lien entre alimentation et corps. Je n’aime pas opposer un avant et un après. Je crois que les gens ont toujours essayé de faire bien. On avait simplement moins d’outils pour comprendre.

Thierry Marx, dans votre édito, vous écrivez que “manger, c’est aussi transmettre et comprendre le monde”. Que voulez-vous absolument transmettre ?

T. M. : Un réflexe. Il faut se dire : “Je vais me faire à manger, bien me nourrir, et nourrir correctement mon écosystème.” Dans le pouvoir d’achat, il y a aussi le pouvoir de décider, décider de mieux manger, de protéger sa santé. Les jeunes nous disent qu’ils ont besoin de repères et ces repères passent par la terre, l’assiette, le corps, mais aussi par le plaisir. Dans mon bouillon [Le Bouillon du Coq, à Saint-Ouen-sur-Seine, ndlr], je vois des jeunes de 18 ans dépenser 25 euros pour être ensemble plutôt que de manger seuls ailleurs. Ce sont des signaux très forts.

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Prépare-t-on un magazine comme on prépare un plat ?

L. P. : Absolument, à partir du moment où l’on est animé par des convictions. Chaque échange avec Thierry est nourri par ce qui nous fait vibrer. Parler d’un plat qui nous a marqués crée immédiatement un lien : il y a toujours un souvenir, une odeur, un goût partagé. Ce magazine, c’est du partage.

T. M. : C’est un geste, une réflexion. Brillat-Savarin disait : “L’homme mange, l’homme d’esprit seul sait manger.” En cultivant la curiosité, on élève l’esprit, on développe son sens critique. On cesse de suivre des injonctions qui ne nous ressemblent pas. Avec ce magazine, on veut aimer les bons plats, mais aussi les bons mots. Sans posture morale, sans donner de leçons. Juste avec de la bonne humeur et du plaisir.

En 2026, quels ultimes conseils donneriez-vous pour réapprendre à bien manger, à manger bon ?

T. M. : Ma ligne de conduite depuis quelques années, c’est de dire : “Faites maison, faites-vous plaisir.” Un œuf dur est prêt en 10 minutes. Une poignée de lentilles, en 25 minutes. Vous avez le temps de vous faire une salade, ne tombez pas dans la facilité du plat déjà cuisiné par d’autres avec des ingrédients que vous ne maîtrisez pas. Et l’éducation au goût doit être aussi l’éducation à la culture physique.

L. P. : Ne jamais avoir honte de ne pas savoir. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Ce qui compte, c’est ce que l’on ressent : est-ce que ça procure du plaisir, une émotion ? Il faut oser poser des questions, à son maraîcher, son poissonnier, son boucher, demander pourquoi on mange des tomates en été et pas en hiver, pourquoi tel morceau est plus adapté à telle recette.

Tout le monde n’a pas eu accès à ces connaissances et ce n’est pas inné. Les artisans et producteurs n’attendent que ça : transmettre. D’ailleurs, sur les marchés, chez les producteurs, on fait toujours goûter. Le bon, le beau, c’est une histoire de rencontre. Comme celle que je vis aujourd’hui avec Thierry.

Avez-vous fait des découvertes culinaires en 2025 ou (re)découvert un produit ?

L.P. : Le café. Grâce aux nombreux coffee shops, j’ai découvert les différentes méthodes d’extraction, comme le V60. Je n’avais aucune culture du café avant, et aujourd’hui, j’ai un vrai plaisir à comprendre, goûter, comparer.

Quelques jours avant la nouvelle année, quel est votre conseil bien-être pour passer un hiver serein ?

L. P. : Je dirais qu’il faut conscientiser les moments, être présent, ne pas toujours se projeter. J’essaie de savourer ce que chaque saison a à offrir : la lumière douce, les plats de partage, les moments chez soi. Cuisiner fait énormément de bien, c’est une forme d’introspection, presque de méditation. J’aime aussi écouter mon corps, m’intéresser à la naturopathie, boire des tisanes, comprendre ce qui nous fait du bien, sans culpabiliser, simplement avec attention et douceur.

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