Pour son premier long-métrage, Pierre Mazingarbe ausculte les liens familiaux à travers une comédie judiciaire nerveuse. Porté par le duo électrique Louise Bourgoin-Muriel Robin, La pire mère au monde transforme une affaire banale en récit captivant.
Dès les premières minutes, La pire mère au monde impose son tempo. Montage rapide, voix off frontale, Louise de Pileggi raconte sa trajectoire sans chercher à séduire. Substitut du procureur brillante, redoutée plus qu’aimée, elle s’adresse au spectateur comme à un témoin direct. Le film est lancé, sans préambule inutile. On y entre immédiatement, happé par un rythme qui ne se relâchera pas. Cette énergie doit beaucoup à la conception très graphique que revendique Pierre Mazingarbe, venu de la bande dessinée. Elle se lit dans les mouvements de caméra, les ruptures de montage, mais aussi dans une manière de faire dialoguer les scènes entre elles, sans temps mort.
Un personnage qu’on adore détester
Louise de Pileggi n’est pas aimable. Le film le sait et ne cherche pas à l’adoucir d’emblée. Fan absolue de son père disparu, figure tutélaire dont elle veut égaler la carrière, elle entretient avec sa mère Judith une relation gelée depuis 15 ans. Arrogante, brillante, efficace, Louise avance à coups de certitudes. Pierre Mazingarbe assume ce choix : ce sont précisément les origines de cette dureté que le récit va patiemment détricoter. Louise Bourgoin donne au personnage une arrogance presque inconfortable, qui rend son évolution d’autant plus crédible.

La mécanique scénaristique est simple, mais efficace. Pour espérer devenir procureure générale après le départ de son supérieur, Louise doit accepter une mutation qu’elle vit comme une rétrogradation : vice-procureure dans une petite juridiction, à Nogent-le-Creux – soit le tribunal où sa mère travaille comme greffière. Les voilà donc contraintes de collaborer sur une affaire à première vue dérisoire : un chien qui a attaqué son maître et a été abattu.
Un sujet universel et marquant
Le long-métrage emprunte tour à tour à la comédie et au polar, sans jamais choisir définitivement son camp. Les dialogues, mordants, souvent drôles, font naître ce rire légèrement crispé que provoquent les retrouvailles familiales ratées, les silences trop lourds, les non-dits qui affleurent. En arrière-plan, le portrait d’une justice française exsangue, particulièrement dans les petites villes, où l’on doit composer avec le manque de moyens. Mais, petit à petit, l’enquête avance, Louise creuse, et avec elle remontent des secrets plus encombrants que prévu.

Face à Louise Bourgoin, Muriel Robin impose une Judith tout en retenue, à la fois ironique et blessée. Leur duo fonctionne à merveille, électrique sans jamais forcer l’affrontement. Autour d’elles, les personnages secondaires – notamment incarnés par Florence Loiret Caille, Gustave Kervern ou encore Sébastien Chassagne – trouvent naturellement leur place. La pire mère au monde réussit là où il se montre le plus ambitieux : faire d’une affaire judiciaire mineure le miroir d’un lien mère-fille poisseux, indestructible, universel. Et rappeler qu’on ne se débarrasse jamais vraiment de sa famille.