France Télévisions diffuse ce 1er décembre un polar français en quatre épisodes. Court, efficace, mais sans bouleverser les codes du genre, il s’empare d’une affaire de disparition en apparence simple pour aborder des enjeux de société plus larges.
Dans l’Hérault, sur la route du pèlerinage catholique parmi les plus célèbres au monde, une adolescente disparaît un après-midi d’hiver. Aucune trace, aucun témoin : seulement un vide et une onde de choc qui secoue le petit village de Saint-Guilhem, au pied du chemin d’Arles. Cinq ans plus tard, une vidéo ressurgit et rouvre une plaie jamais vraiment refermée. C’est ainsi que commence la nouvelle minisérie La disparue de Compostelle, produite par France Télévisions et diffusée ce 1er décembre sur France 2. Un polar en quatre épisodes, jouant davantage la carte de la réflexion et de l’émotion que de la nouveauté.
Quelle est l’histoire de La disparue de Compostelle ?
De prime abord, le titre laisse croire à une enquête itinérante le long des routes du pèlerinage. En réalité, la série ne quitte le village que pour quelques scènes, à Montpellier. Ce caractère resserré nourrit une mise en scène qui transforme ruelles humides et vieilles bâtisses en espace de suspicion, baigné dans des couleurs froides et une atmosphère hivernale. L’esthétique générale confère au récit une tension lourde et mélancolique, à mi-chemin entre réalisme rural et huis clos psychologique.

La réouverture de l’enquête sur la disparue – Emma Vivian – active les ficelles traditionnelles de l’investigation menée par Jeanne, cheffe de brigade déterminée à trouver la vérité tout en jonglant avec ce qui la dépasse. Une touche contemporaine, avec l’intelligence artificielle et les deepfakes, tente d’actualiser la mécanique policière, la confrontant à une criminalité qu’elle ne comprend pas encore totalement.
Tel un roman d’Agatha Christie et selon les codes classiques du cold case, tous les personnages deviennent successivement suspects, parfois au prix de regards trop appuyés et d’une bande-son un peu trop dramatique. Une intrigue parallèle, liant le mari détenu de la protagoniste et ses deux fils à une affaire de drogue, ajoute une lourdeur inutile, détournant le récit principal sans l’enrichir.
Un chœur de femmes
Si la série touche, c’est moins par l’enquête que par ce qu’elle révèle des vies féminines qu’elle traverse. D’abord celle de Christine (incarnée par Cécile Rebboah), mère d’Emma, brisée par cinq ans sans horizon, incarnation de cette douleur muette des proches qui continuent de vivre sans réponse.

Il y a aussi Dominique (Anouk Feral), prise au piège d’un mari violent et d’un déni protecteur, symbole des violences conjugales ; Léa Romblin (Carole Bianic), une maire tenant son village à bout de bras, indispensable quand tout s’effondre, mais trop vite tenue pour responsable ; ou encore Alice Nogarède (délicieusement interprétée par Nicole Calfan), une mère atteinte d’Alzheimer, dont l’humour involontaire apporte une respiration ironique face à un mal qui détruit autant le souffrant que l’entourage. Et, bien sûr, Emma, enfant devenue fantôme, pièce manquante qui relie toutes les autres.

Mais surtout, il y a Jeanne. Olivia Côte (Les Cylades, Pupille) compose une protagoniste d’une justesse rare, sans héroïsme forcé ni posture martyrisée. Gendarme de son propre village, mère en crise, fille d’une femme qui sombre dans la maladie, figure d’autorité féminine trop souvent contestée par les habitants, elle avance sans armure avec cette obstination qu’ont certaines de tenir pour tout le monde. C’est dans cette tension, entre force et épuisement, que la série trouve sa complexité.
Un cold case imparfait, mais profondément humain
Malgré quelques efforts remarqués sur la mise en scène, La disparue de Compostelle n’échappe pas aux écueils du polar français : rebondissements parfois prévisibles, personnages secondaires trop rapidement dessinés et volonté un peu trop visible de susciter l’émotion.

En revanche, elle convainc lorsqu’elle se concentre sur les femmes et sur la manière dont un territoire façonne – abîme ? – leurs trajectoires. Le village est le véritable moteur du récit : un espace d’entraide et de contrôle, d’affection et d’emprise. Le dénouement, plutôt efficace malgré une accumulation de retournements, confirme cette lecture.