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Trois jours avec une IA comme coach de vie : utile, flippant ou complètement surfait ?

03 décembre 2025
Par Florence Santrot
Trois jours avec une IA comme coach de vie : utile, flippant ou complètement surfait ?
©Image générée par IA

Les assistants dopés à l’intelligence artificielle promettent d’organiser nos vies, d’éclaircir nos journées et même d’améliorer nos habitudes. Mais peuvent-ils vraiment jouer le rôle d’un coach de vie personnalisé ? Pendant trois jours, j’ai confié mes routines, mes objectifs et mes doutes à une IA. Voici ce qu’elle a su faire… et ce qu’elle n’a jamais pu comprendre.

L’idée de demander à l’intelligence artificielle de devenir mon coach est partie d’un constat banal : entre le travail, les projets, les papiers administratifs et les envies de mieux faire (courir plus, procrastiner moins, respirer davantage), mon cerveau ressemble parfois à un onglet Google Chrome avec 56 pages ouvertes (chiffre sans doute sous-évalué). L’IA promet exactement l’inverse : structurer, prioriser, motiver. Alors, j’ai tenté l’expérience.

Je lui ai donné mon rythme – lever à 7 h, objectif de run un jour sur deux, vélotaf un jour sur deux, télétravail l’autre journée, pause déjeuner à 13 h, objectif de fin du travail à 18 h 30. Et trois objectifs très terre-à-terre : moins procrastiner, réduire ma charge mentale administrative et intégrer une petite routine de flexibilité quotidienne.

Ce que l’IA doit savoir avant de coacher qui que ce soit

Première leçon : une IA coach a besoin d’un minimum d’informations pour ne pas raconter n’importe quoi. Elle m’a demandé mes priorités, mes contraintes, mes horaires, mon énergie du moment. Rien d’envahissant, mais suffisamment pour comprendre mes journées. J’ai refusé les données trop sensibles – médicales ou de géolocalisation, par exemple –, mais pour le reste, j’ai joué la transparence.

Sur cette base, l’IA – en l’occurrence ChatGPT – a construit un « cadre » :

  • microplanification matinale,
  • un exercice de flexibilité de 5 à 10 minutes,
  • une micro-tâche administrative par jour,
  • des rappels ciblés,
  • un check-in l’après-midi,
  • un petit bilan le soir.

Simple, carré, presque militaire. Et surtout : prêt à être ajusté en fonction de mes retours.

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Jour 1 : où l’IA organise ma vie mieux que moi

Dès le premier matin, l’IA joue son rôle avec un enthousiasme déconcertant. Elle découpe ma journée en blocs, fixe trois priorités professionnelles (pas quatre, pas deux : trois, « pour limiter la charge mentale ») et insère discrètement dix minutes d’étirements juste après la douche. La motivation est là et, surtout, je n’ai qu’à me laisser porter sans réfléchir. Puis elle me glisse une microtâche administrative : prendre ce rendez-vous médical auquel je pense depuis six mois. Ça m’a pris 5 minutes montre en main… Rien de spectaculaire, mais diablement efficace.

Au fil de la journée, elle ajuste. Je suis en retard ? Elle reformule le planning. Une urgence tombe ? Elle réorganise. Et surtout, elle rappelle. Absolument tout. Une version polie, infatigable et très bienveillante d’un chef de projet personnel.

Jour 2 : où l’IA se révèle bluffante

Au deuxième jour, je comprends pourquoi ces assistants ont autant de succès. L’IA n’oublie rien. Jamais. Elle repère mes tendances à décaler une tâche (« Tu avais prévu de commencer ce dossier à 10 h… »), propose des alternatives (« Si tu n’as pas l’énergie pour écrire, fais plutôt la recherche documentaire »), encourage (« Tu as déjà progressé aujourd’hui »), et note mes micro-améliorations. C’est parfois un peu infantilisant, mais ça fait du bien aussi.

Côté habitudes, elle excelle : elle s’adapte à mon alternance course/vélo, bureau/télétravail et suggère finalement une miniroutine de mobilité douce après les sessions prolongées d’écran le soir, avant d’aller se coucher. Rien d’invasif, mais suffisamment présent pour m’éviter d’ignorer mes objectifs. Bref, sur l’organisation et les habitudes : carton plein.

©SWKStock/Shutterstock

Jour 3 : où l’IA montre ses angles morts

Troisième jour. Je remarque les limites. L’IA ne voit rien. Ni la fatigue réelle, ni l’irritation, ni la lassitude. Elle dépend entièrement de ce que je formule. Si je ne dis pas « Je suis stressée », elle ne le devine pas. Pas de microsignaux, pas de non-verbal. Un matin froid, gris et humide qui donne envie de rien ? Elle continue : « Voici ton plan du jour ! » avec la même gaieté algorithmique un peu surjouée. On aimerait bien un peu d’empathie, mais c’est illusoire venant d’un algorithme…

Côté coaching, la profondeur fait défaut. L’IA peut encourager, mais pas question de creuser le « pourquoi », la peur derrière la procrastination ou la raison pour laquelle telle tâche m’angoisse. Elle compense par des phrases génériques, propres et bien intentionnées – parfois proches du mème motivationnel Pinterest. La relation de confiance, elle, reste impossible à créer. Utile, oui. Inspirante, non.

Ce que l’IA sait mieux faire qu’un coach humain avec ses « superpouvoirs » :

  • elle est infailliblement ponctuelle,
  • elle a une mémoire parfaite,
  • elle suit les objectifs sans s’épuiser,
  • elle motive sans jamais juger,
  • elle met de l’ordre là où je lui déverse en vrac (horaires, objectifs, tâches à réaliser, etc.).

Un outil redoutable, mais… sans le côté humain nécessaire

Pour une organisation du quotidien, c’est un outil redoutable, mais il faut quand même prendre le temps de tout lui expliquer : telle tâche devrait me prendre tant de temps, telle mission ne peut se faire qu’entre telle et telle heure (horaires d’ouverture d’une administration ou d’un magasin, par exemple). C’est parfois un peu fastidieux, mais l’IA apprend vite. La question que je me pose quand même est si, à un certain point, quand elle aura trop d’infos, elle ne va pas commencer à s’emmêler les pinceaux… C’est en tout cas ce qui arrive si on l’abreuve de documents trop longs à gérer, par exemple.

Autre chose : elle ne ressent rien. Jamais. Elle comprend mon « état » uniquement par le prisme de projections statistiques. Elle ne voit pas ma posture, mon expression faciale. Elle ne perçoit pas le ton de ma voix, mon absence d’énergie. Un coach humain va détecter tout un tas de signaux non verbaux. Une IA, non. Et puis, il n’y a pas non plus vraiment cette construction de confiance qui se construit sur le long terme. Elle suit un plan à la lettre, voilà tout.

Verdict : l’IA coach de vie existe… mais seulement à moitié

Après trois jours, le bilan est clair : l’IA fait un excellent travail d’assistante. Elle structure, rappelle, organise, soutient, adapte, fluidifie. Elle clarifie le quotidien d’une façon presque magique. Mais un coach ? Pas vraiment. Elle ne tisse pas de lien, ne sent pas les émotions, ne capte pas l’essentiel derrière les mots. Et surtout, elle n’aide pas à devenir autonome – elle remplace une partie de l’effort mental, ce qui est confortable, mais glissant. En réalité, l’IA n’a pas transformé ma vie sur ces trois jours, elle l’a juste rendue un peu plus fluide, un peu mieux ordonnée. Un peu mieux que n’aurait pu le faire une appli de to-do bien gérée, mais pas plus. Pour le reste, il faut encore compter sur l’humain.

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