Avec les deux premiers films de la saga À couteaux tirés, Rian Johnson a créé la surprise et imaginé un univers très original. Le troisième épisode, proposé par Netflix à partir de ce vendredi 12 décembre, Wake Up Dead Man, était donc attendu au tournant. Critique.
C’est un peu l’histoire de deux hommes qui se réinventent. Après les très spectaculaires Looper (2012) et Star Wars : les derniers Jedi (2017), Rian Johnson s’est lancé dans la saga feutrée et élégante À couteaux tirés, mettant en scène, à la manière des classiques d’Agatha Christie, un détective chargé de démêler des meurtres inextricables. Et dans le rôle du facétieux et charismatique Benoit Blanc, le cinéaste a convoqué l’immense Daniel Craig, qui a passé plus de dix ans sous les traits de l’agent 007.
Produit par Netflix, la saga bénéficie d’un budget confortable et attire l’attention de millions de spectateurs, sur fond de revival du polar et du cosy mystery. Mais après deux films plébiscités par la critique, il fallait encore réussir un troisième volet extrêmement attendu. Alors, pari réussi pour Wake Up Dead Man ?
Ambiance gothique et meurtre à l’abbaye
Après l’ambiance étouffante d’un manoir bourgeois dans le premier film et l’île fantasque du milliardaire excentrique de Glass Onion (2022), Benoit Blanc se retrouve ici convoqué dans le décor tamisé et gothique d’une paroisse rurale au fin fond de la Nouvelle-Angleterre. Dirigée de manière lugubre par le très contesté révérend Wicks (Josh Brolin), la congrégation a vu nombre de ses fidèles déserter l’Église. Le coup de grâce semble s’abattre sur les lieux quand Wicks est assassiné, dans ce qui semble être un meurtre impossible, rapidement attribué à une force surnaturelle, potentiellement le Diable en personne.
Blanc se retrouve convoqué sur place pour démêler une affaire dans laquelle tout parait pointer vers la culpabilité d’un jeune prête charismatique (Josh O’Connor), en conflit ouvert avec Wicks. Mais il s’agit d’un film À couteaux tirés, après tout, et Blanc lui-même sait pertinemment à quel point les apparences sont trompeuses. Le film nous embarque pour 2h20 de mystères mêlant trésor caché, rivalités anciennes, secrets ecclésiastiques et révélations fracassantes. Le tout servi par un casting une nouvelle fois monumental (Mila Kunis, Glenn Close, Jeremy Renner…).
On est frappé par la manière dont, pour la troisième fois, Johnson est parvenu à garder une cohérence d’ensemble dans le ton de la saga tout en changeant complètement le contexte. Wake Up Dead Man est beaucoup plus intimiste et calme que les deux films précédents, et moins tourné vers l’humour. Le réalisateur a préféré se concentrer sur une ambiance gothique et brumeuse, donnant un air de gravité à l’ensemble et permettant à Craig de livrer une prestation moins facétieuse et plus profonde. On admirera au passage le travail d’orfèvre de Rick Heinrichs, connu pour ses décors sur de nombreux films de Tim Burton, et la photographie impeccable de Steve Yedlin (Carrie, Looper, Star Wars…).
Une excellente fin de trilogie… Et une étape pour la suite ?
Depuis ses premières projections presse en septembre dernier, Wake Up Dead Man met tout le monde d’accord : Rian Johnson finit d’installer avec ce film un univers riche, extrêmement bien ficelé tout en restant grand public. Le meurtre de cette troisième aventure de Blanc est probablement le mieux ficelé de toute la trilogie, et la conclusion du film est particulièrement haletante. C’est aussi le long-métrage qui met le plus nettement en scène le personnage de Daniel Craig, qui n’intervient pourtant qu’après plus de 40 minutes d’une mise en place particulièrement subtile. Loin du retrait un peu ironique que le détective affichait dans les deux films précédents, il semble ici plus impliqué, plus humain, et se livre davantage (la faute à une ambiance religieuse plus propice aux confessions, sans doute !).
Après six ans de production, la licence a à la fois trouvé un rythme de croisière et réussi à livrer une conclusion à une première trilogie qui se tient très bien elle-même. La franchise À couteaux tirés aurait pu s’arrêter sur cette excellente copie, et devenir un des cycles de films policiers les plus importants de ce début de siècle. Il semble néanmoins que Rian Johnson ne soit pas prêt à en rester là. Surtout après l’immense succès critique de ce troisième film et le fait que Netflix ait désormais pleinement intégré les aventures de Benoit Blanc à sa stratégie de fin d’année.
Si rien n’a encore été officialisé, Johnson et Craig ont tous deux confirmés suite aux premières projections de Wake Up Dead Man qu’un quatrième film pourrait voir le jour. Du moins « tant que Craig trouve du plaisir à incarner Benoit Blanc ». Le réalisateur a également révélé que des brouillons de suite étaient d’ores et déjà en chantier. Et si l’on en croit la performance exemplaire de l’acteur britannique dans ce troisième volet, ce dernier semble bien parti pour vouloir rempiler !
