Riad Sattouf plonge dans ses archives et réédite sa série La vie secrète des jeunes, parue dans les pages de Charlie Hebdo de 2004 à 2014. Voici trois bonnes raisons de redécouvrir le premier tome de cette œuvre de jeunesse.
1 Riad Sattouf déchiffre les codes de la jeunesse des années 2000
Des jeunes qui imaginent leur jeu vidéo d’apocalypse devenir réalité (Que feraient-ils pour survivre ?), un jeune couple qui se dispute au McDo, des parents qui se comportent comme des enfants et des enfants qui agissent comme des adultes… Avec la curiosité d’un anthropologue, Riad Sattouf observe et décrypte les mœurs de la jeunesse.
Dans La vie secrète des jeunes, il prend un malin plaisir à les tourner en dérision. Cette obsession continue d’habiter l’ensemble de son œuvre. Dans sa saga à succès L’arabe du futur, il lève le voile sur son enfance à cheval entre deux cultures : la France, du côté de sa mère, et la Syrie, du côté de son père. Dans Les cahiers d’Esther, le dessinateur dévoile sa capacité à comprendre la jeune génération, en mettant en scène le quotidien d’une jeune fille, du CP jusqu’à sa majorité. Riad Sattouf excelle également au cinéma. Dans Les beaux gosses (2009), qui projette l’acteur Vincent Lacoste sur le devant de la scène, il expose la puberté dans ce qu’elle a de meilleur, mais aussi, et surtout, de pire.
Mais, dans La vie secrète des jeunes, Riad Sattouf met le doigt sur autre chose. Sur chaque planche, le dessinateur capture une saynète, observée soit dans la rue, dans des fast-foods ou dans le train. Une prise de vue instantanée de la jeunesse des années 2000, puisque ces histoires courtes sont d’abord parues dans le journal Charlie Hebdo de 2004 à 2014, avant d’être publiées par les éditions L’Association en 2007. Aujourd’hui, Riad Sattouf réactualise sa série, désormais publiée dans sa maison d’édition Les Livres du futur, en l’augmentant avec de nouvelles histoires.
2 Retrouver le Riad Sattouf des débuts
Riad Sattouf a 26 ans lorsqu’il lance La vie secrète des jeunes dans Charlie Hebdo. Son objectif, à l’époque ? Faire des livres d’humour trash. L’hebdomadaire est alors le parfait sanctuaire pour expérimenter. Toujours inspiré par la vraie vie et ses observations du quotidien, il retranscrit tout sur ses planches. Des jeunes femmes qui discutent librement de sexualité dans les transports en commun, des ados prépubères qui bavent sur les filles dans la rue…
La vie secrète des jeunes sert aussi de sas de décompression au dessinateur. Timide dans la vraie vie, il prend sa revanche sur certaines situations absurdes dont il est victime au quotidien. Comme au bureau de poste, lorsque l’employé est incapable de retrouver son colis égaré, dont Riad Sattouf se moque gentiment de l’incompétence. C’est cathartique, pour le dessinateur comme pour les lecteurs. Riad Sattouf met aussi en scène les rencontres avec ses lecteurs, lors des festivals, qui le connaissent grâce à sa rubrique. Certains lui confient leurs doutes quant à la véracité de certaines histoires, tant elles sont loufoques. Mais tout est vrai, même cette jeune femme, à l’allure chic, qui sort un immense fil de morve de son nez dans les transports.
Déjà absurdes, les situations racontées deviennent cartoonesques sous le trait de crayon de Riad Sattouf. Lorsqu’il achève sa rubrique à Charlie Hebdo, Riad Sattouf a 36 ans. Dix ans d’expérimentation qui vont faire grandir l’univers graphique du dessinateur
3 Réhabiliter le comic strip
Courtes, absurdes et incisives, les planches de La vie secrète des jeunes vont droit au but. C’est la force du format de la planche unique, autrement appelé comic strip. Aux balbutiements du 9e art, avant l’arrivée des albums, la bande dessinée paraît sous forme d’histoires courtes, de quelques cases, dans les journaux. Rassembler les planches de La vie secrète des jeunes dans une nouvelle édition, c’est remonter le temps et rendre hommage aux prémisses du 9e art. D’autant qu’à son arrivée à Charlie Hebdo, Riad Sattouf est le seul à y amener de la bande dessinée.
En se replongeant dans ses archives, le dessinateur lève alors le voile sur l’élaboration de sa rubrique et ses méthodes de travail. Pour trouver le format adéquat, il expérimente jusqu’à trouver le « gaufrier » : deux colonnes et huit cases. L’histoire doit être courte tout en interpellant instantanément les lecteurs. Si la place est réduite, Riad Sattouf parvient à y mettre toute sa patte. Sans perdre en humour et en légèreté, le dessinateur dénonce frontalement le sexisme, le racisme ou encore le mépris de classe. Dans la rue, le métro, le train ou dans des fast-foods, Riad Sattouf est à l’affût des interactions qui l’entourent. Redécouvrir La vie secrète des jeunes en 2025, c’est une invitation à être plus attentif au monde pour, nous aussi, savoir rire du quotidien.