La survie du festival emblématique est plus qu’incertaine alors que les principaux acteurs du secteur annoncent un boycott de l’édition à venir.
Le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (FIBD) est dans la tourmente. Depuis quelques jours, des dizaines d’auteurs, d’autrices – dont certain·e·s récompensé·e·s les précédentes années –, de groupes et de maisons d’édition du milieu annoncent un boycott total de la prochaine édition, à venir en janvier 2026.
Le mouvement prend de l’ampleur et pourrait bien mettre en péril la tenue de la prochaine édition. On revient sur les raisons et les conséquences de cette situation inédite.
⚠️ BREAKING !! ⚠️
— COMICSBLOG.fr (@COMICSBLOGFRA) November 11, 2025
Un festival "en danger de mort" : artistes et maisons d'édition (dont Urban Comics) boycottent le #FIBD2026 | https://t.co/jdF0yaoCIL pic.twitter.com/oThmIQqC0a
Une direction critiquée
L’Association du Festival d’Angoulême est gérée depuis 2008 par la société 9eArt+ et par son représentant Frank Bondoux. Depuis quelques années, néanmoins, de vives critiques se sont fait entendre à l’encontre de 9eArt+. La parole se libère et de nombreuses personnes évoquent une entreprise toxique et humiliante en interne, une gestion opaque des comptes du Festival, une sélection et une mise en avant induites par des questions commerciales, des collaborations hasardeuses avec d’autres entreprises (dont Quick, l’année dernière) et, surtout, le licenciement d’une employée du Festival d’Angoulême alors que cette dernière avait dénoncé une agression sexuelle et un viol.
En janvier 2025, les différents acteurs et actrices (auteur·rice·s, dessinateur·rice·s, maisons d’édition, journalistes, festivaliers et festivalières) du Festival d’Angoulême ont repris ces critiques, demandant des comptes à l’association du FIBD d’Angoulême et à 9eArt+.
Également mise en cause, la présence continue et répétée depuis de nombreuses années de la société, sans que d’autres organismes ne puissent être mandatés pour s’occuper de la gestion de l’Association du Festival d’Angoulême, présidée par Delphine Groux, et qui comptait même fusionner avec 9eArt+, rendant la place de Frank Bondoux immuable.
Face aux contestations, le Festival d’Angoulême a annoncé un appel à candidatures en 2025, pour prendre la gestion du Festival à partir de 2028. Après une sélection et une mise en concurrence également critiquées – et ne respectant pas, visiblement, certains engagements de diversité pris par l’association –, le FIBD a annoncé le 8 novembre 2025 le mandataire pour les prochaines années à compter de 2028 : 9eArt+, reconduit en dépit des critiques et des affaires.
Le boycott se met en place
Face à cette (re)nomination de 9eArt+, de nombreux auteur·rice·s et journalistes ont pris la parole sur les réseaux sociaux, annonçant un boycott pur et simple de l’édition 2026 avec le hashtag #nofibd2026. Le 10 novembre, 20 lauréats et lauréates du Grand prix (Florence Cestac, Régis Loisel, Philippe Dupuy, Charles Berbérian, Martin Veyron, Art Spiegelman, Jean-Claude Denis, François Boucq, Chris Ware, Franck Margerin, Jacques Tardi, François Schuiten, Baru, Blutch, Willem, Lewis Trondheim, Riad Sattouf, Hermann Huppen, Max Cabanes, Anouk Ricard, Posy Simmonds et Julie Doucet) signent une tribune dans L’Humanité et demandent un changement rapide et immédiat de l’organisation du Festival. Puis, à mesure que les heures passent, les grands groupes de BD, ainsi que les éditeurs indépendants, annoncent se retirer du Festival et boycotter cette édition 2026. Dargaud, Delcourt, Casterman, 404Graphics, Le Lombard, Kana, Urban Comics, Cornélius ne participeront pas au prochain Festival d’Angoulême.
La situation est inédite : on se dirigerait vers une édition 2026 sans auteur·rice·s, sans dessinateur·rice·s et sans maisons d’édition. Du côté des dirigeants, Delphine Groux critique dans Charente Libre ce boycott et ne comprend pas les raisons d’un tel mouvement : « Ras le bol du Bondoux bashing. Ils veulent quoi ? Que [Bondoux] parte maintenant ? Au nom de quoi ? Il a bien fait son travail. Il a eu des résultats. Je ne vois pas où est le problème. » Frank Bondoux, lui, a déclaré : « Je ne serai pas délégué général en 2028. Je ne me succéderai pas à moi-même. »
Joint au téléphone, Franck Bondoux déclare : "Je ne serai pas délégué général en 2028. Je ne me succéderai pas à moi-même. Pas même ma fille, qui n'a jamais eu vocation à ça. Elle n'est pas Pénélope Fillon."
— Jérôme Lachasse (@jeromelachasse.bsky.social) 8 novembre 2025 à 15:22
Un début de changement ?
Dans la nuit du mercredi 12 novembre au jeudi 13 novembre, l’association du FIDB a plié face aux menaces de boycott et a annoncé que la société 9eArt+ serait écartée à partir de 2028 et qu’un nouveau processus de sélection aurait lieu pour le choix du prochain mandataire. Dans un communiqué de presse, l’association rend « caduques les résultats de l’appel à concurrence » et constituera « un comité de pilotage destiné à lancer un nouveau processus de sélection » qui « devra offrir des gages de transparence et de coconstruction à la fois dans la méthode et dans la prise de décisions ».
Reste à savoir si les appels à boycott cesseront ou si les éditions du Festival d’Angoulême jusqu’en 2028 (date d’échéance du contrat actuel avec 9eArt+) seront marquées par les absences importantes de nombreux acteurs et actrices du milieu.