Décryptage

L’enregistrement électrique de disques a 100 ans : retour sur la naissance de l’industrie musicale moderne

26 novembre 2025
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L’enregistrement électrique de disques a 100 ans : retour sur la naissance de l'industrie musicale moderne
©Domaine public

Il y a 100 ans, les premiers enregistrements électriques de disques musicaux permettaient la naissance d’une industrie musicale appelée à évoluer au gré des ruptures technologiques.

Si les premiers enregistrements sonores expérimentaux datent des années 1860, dans le sillage de l’invention du phonautographe de Scott de Martinville, il a fallu des décennies avant de produire en série des enregistrements sonores commerciaux. Les premiers enregistrements de chansons ou de discours vendus dans le commerce nécessitaient des appareils lourds et des processus d’enregistrement mécaniques. Au début du XXᵉ siècle, impossible donc de généraliser le processus. La production de série de disques était extrêmement coûteuse… Et les clients peu nombreux.

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En effet, les premières générations de gramophones étaient réservées à une clientèle d’élite capable d’investir dans des produits à la fois coûteux et volumineux, accompagnés d’un système complexe de ressorts et de manivelles pour actionner la lecture de disques aux formats non standardisés. Et, il faut le rappeler, à la qualité de restitution peu optimale. Un embryon d’industrie du disque se forme néanmoins, mais des firmes comme Odéon, qui commence à enregistrer de la musique classique et des chansons populaires en 1906, ne s’adressent alors qu’à des amateurs fortunés de nouvelles technologies.

Publicité de 1902 pour un gramophone.©Gallica/Domaine public

Vers un premier boom de l’industrie musicale

Dans les 20 premières années du XXᵉ siècle, une succession rapide d’inventions facilite la vie des musiciens et de leurs producteurs : on passe des volumineux et peu fiables microphones à carbone aux microphones à condensateurs, puis à ruban. La miniaturisation des cornets acoustiques et le perfectionnement de la manufacture des pièces permettent de produire des appareils de lecture plus petits et plus solides. Et, surtout, l’invention de la triode en 1906 permet d’envisager une restitution plus fidèle des flux sonores de manière électrique.

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C’est la triode qui permet la diffusion d’une nouvelle technologie : la radiodiffusion, permettant à partir des années 1910 de diffuser largement des signaux sonores. Dès le début des années 1920, la radio entre massivement dans les foyers occidentaux, permettant la diffusion à grande échelle de musique et la rediffusion de chansons, y compris dans les familles encore trop pauvres pour acquérir un coûteux phonographe. La demande s’accroît et de nombreuses compagnies de disque se créent, majoritairement aux États-Unis, au Canada, en France et en Allemagne.

Phonographe à cylindre Pathé construit en 1903.©BNF/Domaine public

Malgré ces inventions, l’enregistrement de disques reste alors fastidieux. Certes, les enregistrements sur cylindre métalliques (peu fiables et extrêmement difficiles à conserver) laissent petit à petit la place aux premiers disques plats en résine. Mais l’enregistrement est complexe, nécessitant de placer les chanteurs et les instruments à quelques centimètres de cornets reliés à des diaphragmes à aiguille chargés de graver les disques. Un dispositif onéreux, contraignant et rendant quasiment impossible l’enregistrement d’orchestres, qui explique aussi la très faible qualité d’enregistrement des disques avant 1925. Cependant, une quinzaine d’années après l’invention de la triode, plusieurs inventeurs vont changer la donne et permettre un enregistrement entièrement électrique.

La révolution de l’enregistrement électrique

Si les premières expérimentations ont lieu vers 1906, c’est bien les procédés innovants mis au point par Western Electric en 1924 qui vont changer la manière de produire de la musique. Alors que le disque 78 tours en cire s’impose pour longtemps comme le format dominant, les premières machines reliées à des microphones électriques font leur apparition et attirent l’attention des maisons de disque Victor et Columbia.

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Plus besoin de se placer à proximité immédiate d’un cornet : les musiciens peuvent désormais jouer face à des micros reliés à des aiguilles vibrant au rythme des pulsations électriques restituées fidèlement par des systèmes d’amplis. Le processus est beaucoup plus fluide, pratique et surtout qualitatif : le son enregistré n’a alors jamais été aussi proche du son joué. Le procédé de Western Electric crée une véritable ruée vers l’or : l’enregistrement devient soudainement très abordable… De même que la duplication en série de disques !

Là où le processus de gravure des cylindres de cire et des premiers 78 tours était un calvaire pour les ouvriers de la musique, celui des disques électriques est nettement plus simple : on construit un électroforme métallique du master enregistré, que l’on presse sur des matériaux relativement solides (de la gomme-laque, puis de la résine et, plus tard, des polymères de plastique). La production peut désormais s’effectuer à la chaîne et la distribution se faire à un coût réduit. Ces processus vont également permettre l’apparition des premiers films parlants en 1927, en synchronisant des enregistrements de disques avec des bobines de film.

1948 : la véritable démocratisation du disque

Les disques des années 1930 resteront néanmoins limités par un autre problème de taille : l’impossibilité d’enregistrer plusieurs chansons sur un même support. Les disques 78 tours ne proposaient souvent que trois à cinq minutes de musique par face, pour la simple et bonne raison qu’il n’était pas possible d’ajouter des sillons supplémentaires sur les galettes sans les fragiliser ou diminuer drastiquement la qualité du rendu. Quant aux techniques alternatives d’enregistrement du son, comme les bandes magnétiques, elles sont hors de prix pour le grand public avant les années 1950.

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Il faudra une nouvelle série de ruptures technologiques pour trouver le format du futur : la miniaturisation des pièces électriques, la naissance du transistor, les débuts de l’électronique moderne… Et les progrès de l’industrie des produits pétroliers sur fond de conflit planétaire. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’industrie du disque ralentit fortement en Europe… Les maisons de disques américaines se retrouvent dans l’impossibilité de se procurer de la gomme-laque (importée d’Asie) et partent à la recherche de solutions alternatives. Celle qui finira par remporter la partie au milieu des années 1940 est le polychlorure de vinyle (un dérivé du pétrole), développé par Columbia Records et permettant notamment la gravure de sillons beaucoup plus petits.

Le « disque vinyle », commercialisé en masse à partir de 1948, écrase rapidement toutes les autres solutions : les disques sont plus légers, plus solides, contiennent jusqu’à 20 minutes de musique par face et permettent une restitution du son beaucoup plus fidèle. C’est la fin des parasites et des grésillements, omniprésents sur les 78 tours, et le début d’un tout nouveau format qui va permettre de caser jusqu’à une douzaine de chansons d’un même artiste sur un seul objet : le concept d’album musical est né.

Pee-Wee the Piccolo, un disque pour enfants commercialisé début 1949, serait le premier 45 tours de l’histoire.©Domaine public

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