Passé par le Festival de Cannes 2025, L’inconnu de la grande arche est désormais projeté dans toutes les salles de cinéma. L’occasion de découvrir un film étonnant sur l’importance de la création artistique, à l’image de ce qu’avait pu offrir The Brutalist en début d’année.
En février dernier, The Brutalist arrivait sur nos écrans. Dans ce chef-d’œuvre, Adrien Brody prêtait ses traits à un architecte hongrois rescapé des camps de concentration, cherchant aux États-Unis un nouvel El Dorado. Tout en filmant le parcours semé d’embûches de cet artiste à travers l’Amérique des années 1950, le réalisateur Brady Corbet offrait un long-métrage symbolique, presque métaphysique, sur la puissance de l’art et le jusqu’au-boutisme de ses artisans.
Avec L’inconnu de la grande arche, il y a un peu de ça. Les sévices des camps polonais en moins. Par ailleurs, la grandeur du pays de l’Oncle Sam à la sortie de la guerre a été remplacée par les années 1980 sous Mitterand. C’est d’ailleurs ce dernier qui, dans le film de Stéphane Demoustier (Borgo, Allons enfants…), lance un appel d’offres en vue d’un vaste chantier au cœur du quartier de La Défense, à Paris.
Le lauréat du concours n’est autre qu’un professeur et architecte danois, Johan Otto von Spreckelsen (Claes Bang), un anonyme, âgé de 53 ans, dont le projet d’Arche fascine. Propulsé à la tête de ce pharaonique chantier, notre héros va cependant se heurter à la complexité du réel et aux aléas politiques. Ceux-ci pourraient, en effet, remettre en question la construction du « Cube », mais surtout mettre en péril sa vision.
L’art par dessous tout
En racontant l’histoire peu connue, mais vraie, de Johan Otto von Spreckelsen, Stéphane Demoustier donne non seulement à découvrir un récit fascinant sur l’un des plus grands monuments de la capitale française, mais invite surtout le spectateur à découvrir un parcours passionnant sur la puissance de l’art et les convictions de ses artisans.
C’est notamment en cela que le film rappelle le long-métrage de Brady Corbet. Si le ton est plus léger, voire parfois absurde, chez Stéphane Demoustier – notamment grâce à la prestation étonnante de Xavier Dolan dans le rôle de l’urbaniste Jean-Louis Subilon –, les deux cinéastes interrogent à travers leurs héros la figure de l’architecte et la prépondérance d’une vision artistique.

Toutefois, au-delà de l’investissement personnel et artistique des personnages d’Adrien Brody ou de Claes Bang, Stéphane Demoustier interroge les conséquences et la volonté politicienne autour d’un projet. Le cinéaste montre ainsi qu’il n’y a pas de création sans véritable volonté politique, sans véritable figure dédiée à des chantiers de grande ampleur. Le réalisateur évoque aussi l’impact du réel sur les idées et l’art, du concret sur l’immatériel, dans une œuvre de fiction inspirée ironiquement, cependant, d’une histoire vraie.
Côté casting, le réalisateur a fait confiance à Claes Bang, un acteur danois connu du grand public pour avoir notamment incarné Dracula dans la minisérie éponyme de Netflix, ou encore pour avoir joué dans le drame fantastique The Northman (2022) de Robert Eggers. Ici, le comédien originaire de Copenhague troque des rôles sombres et musclés pour un registre plus sobre et profond.
Tout en intériorité, l’artiste ne manque cependant pas de charisme face à ses deux comparses : l’énergisant Xavier Dolan, d’un côté, et le nerveux Swann Arlaud, de l’autre. À ses côtés, on retrouve également Sidse Babett Knudsen (Borgen) en épouse déterminée à ce que le projet de son mari aboutisse.
Servi par des dialogues savoureux, L’inconnu de la grande arche réunit un casting intéressant et inattendu. Tout comme son histoire, cette distribution désarçonne. Acteurs et actrices nous séduisent dans la manière dont ils donnent corps à ce récit passionnant. Qui aurait cru que la construction de la Grande Arche de la Défense pouvait être aussi rythmée et amusante ?

Présenté dans la catégorie Un certain regard au Festival de Cannes, L’inconnu de la grande arche est désormais disponible dans les salles obscures depuis le 5 novembre. En racontant l’histoire de ce monument iconique de La Défense, Stéphane Demoustier rend non seulement hommage à son architecte, mais déploie un propos passionnant sur l’art. Si le long-métrage n’a pas l’ampleur scénique ou poétique, ni même la torpeur viscérale de The Brutalist, il partage avec lui un propos commun sur l’urbanisme et la création artistique face au réel. Et il n’en fallait pas plus pour nous convaincre.