Attendu le 24 septembre dans les salles obscures françaises après sa présentation au Festival de Cannes, Classe moyenne dresse le portrait mordant et terriblement irritant de notre société contemporaine grâce à une troupe d’acteurs épatante. Critique.
Présenté à la Quinzaine des cinéastes durant le Festival de Cannes 2025, Classe moyenne signe le retour derrière la caméra d’Antony Cordier. Pour son nouveau long-métrage, le réalisateur de Gaspard va au mariage (2018) a choisi de disséquer la lutte des classes à travers un quatuor épatant.
D’un côté, Laurent Lafitte et Élodie bouchez (que le metteur en scène avait déjà dirigée dans Happy Few) incarnent un couple de bourgeois étriqués. Le premier est un grand avocat parisien, tandis que son épouse fantasque est une actrice en perte de vitesse. De l’autre, Ramzy Bedia et Laure Calamy interprètent les Azizi, les gardiens responsables de la villa luxueuse des premiers, qui entendent tirer profit d’une dispute avec leurs employeurs.

Pour filmer ce carnage, Antony Cordier a choisi le cadre pittoresque du sud de la France. Un décor paisible qui contraste avec la folie du long-métrage et celle de ses personnages, parmi lesquels on retrouve également Garance (Noée Abita), une apprentie comédienne, et son petit-ami Mehdi (Sami Outalbali) invité à passer à l’été dans la maison secondaire de sa belle-famille. Ce dernier, symbole du transfuge de classe, va jouer les intermédiaires entre les deux familles. Mais, à force de vouloir bien faire, Mehdi va se retrouver piégé et la situation va rapidement s’envenimer.
Pas de quartier
Si l’on croyait le sujet de la lutte des classes épuisé, avec Classe moyenne, Antony Cordier démontre le contraire. En effet, le réalisateur parvient à offrir une comédie jouissive, acerbe, par moments même absurde, dans un huis clos qui fait ressortir les pires instincts humains.

En tête : Philippe Trousselard, incarné par un Laurent Lafitte délicieusement détestable qui carbure aux locutions latines à outrance et se vante d’être un fin gourmet. Le comédien prête ici ses traits à un avocat méprisant et personnifie la bourgeoisie dans ce qu’elle a de plus brutal et de plus hypocrite. Il ressort de cette interprétation un véritable plaisir de jeu ; un bonheur presque sadique pour l’ancien pensionnaire de la Comédie-Française, qui trouve ici l’un de ses meilleurs rôles et renoue avec une certaine forme de théâtralité.
Car, au-delà des dynamiques de groupe mordantes, Classe moyenne repose également sur des dialogues aussi fins que savoureux, brillamment trouvés et subtilement exécutés. Ainsi, là où la dernière partie du film piétine en repoussant les limites de la comédie, la démonstration générale apparaît, quant à elle, plus ingénieuse grâce à l’interprétation de sa troupe.

Élodie Bouchez, dans la peau d’une actrice sur le retour, amuse par sa légèreté et une condescendance déconnectée, tandis que Laure Calamy, souvent à plein régime, trouve une partition plus nuancée, mais toujours aussi puissante. Face à elle, Ramzy Bedia, adepte d’un humour absurde depuis à son duo iconique aux côtés d’Éric Judor, déploie ici une nouvelle gamme de jeu. L’acteur incarne Tony Azizi, un gardien à la tête dure, pétri de jalousie, dont les instincts paternels vont être mis à rude épreuve à partir du moment où Philippe offre un nouvel iPhone à sa fille Marylou (Mahia Zrouki).
Analyse sociale
Dans Classe moyenne, tout le monde en prend pour son grade. Sans émettre de jugement, Antony Cordier dresse un portrait au vitriol des êtres humains, quel que soit leur statut. Car, au-delà de la critique de la bourgeoisie, ce sont les relations humaines (et les dynamiques capitalistes), dans ce qu’elles ont parfois de plus ignoble, que cible le réalisateur.
Outre la lutte des classes, le réalisateur dissèque les grands principes de notre société contemporaine, entre transfuge de classe, méritocratie et désir de s’extraire de sa condition. Il en ressort un sondage presque psychologique de nos comportements ; une direction intéressante qui perd cependant de sa profondeur à la fin du film.
En effet, en flirtant avec la farce, le long-métrage perd un peu de l’impact de son propos. Classe moyenne n’en reste pas moins une comédie sociale mordante. Porté par un rythme soutenu et reposant également sur le comique de gestes – on retiendra un massacre de farcis et quelques vidanges de la cave à vin dans la piscine –, le film peut surtout compter sur le talent de sa troupe d’acteurs et d’actrices, dirigée avec brio. Les personnages, écrits avec saveur, personnifient les angoisses d’une lutte hiérarchique, entre oisiveté, envie et torpeur, le tout dans un carnage jouissif, loin de la plus grande des classes.
Classe moyenne, d’Antony Cordier avec Laurent Lafitte, Élodie Bouchez, Laure Calamy et Ramzy Bedia, 1h35min, en salle le 24 septembre.