Entretien

Océane Cardoso pour Au fil des jours : “J’ai voulu revenir au plus important pour une autrice, travailler sa plume”

18 octobre 2025
Par Robin Negre
Océane Cardoso.
Océane Cardoso. ©Océane Cardoso

À l’occasion de la sortie de son recueil de nouvelles Au fil des jours, L’Éclaireur s’est entretenu avec l’écrivaine Océane Cardoso.

Depuis quelque temps, la jeune romancière Océane Andréa Cardoso s’est créé une véritable identité. Suivie par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux (@oceandreaa), elle partage sa passion pour la course et sa vie à New York, dans une ambiance décontractée et inspirante.

Récemment, Océane Andrea s’est lancée dans un nouveau projet : l’écriture et la sortie, en auto-édition, d’un recueil de nouvelles. Pendant un mois, l’écrivaine s’est astreinte à écrire chaque jour une histoire sur un thème différent. En résulte aujourd’hui Au fil des jours, un livre dense et complet de 21 nouvelles. Entretien.

Océane Cardoso.©Océane Cardoso

Le projet est né d’un challenge, celui d’écrire quotidiennement, pendant un mois, sur des thèmes différents. Comment cette envie vous est-elle venue ?

Je m’étais lancée il y a près d’un an dans l’écriture de mon premier roman. L’écriture s’est très bien passée, puis je suis passée à la relecture, à faire mes petites corrections toute seule. Il y avait des choses que j’aimais, mais cette partie-là me plaît moins. Je voulais m’auto-éditer, mais je n’avais personne à qui passer mon manuscrit pour avoir des retours et retravailler dessus. C’était à moi de le faire toute seule. J’ai donc tout relu, tout reconnecté, avec des passages que je voulais modifier.

Je trouvais que l’un des gros points sur lesquels je pouvais m’améliorer concernait les descriptions. J’étais tellement embêtée par ce qu’il y avait à changer que j’ai voulu prendre une pause, pour revenir au plus important pour une autrice : travailler sa plume. Ce qui compte le plus pour moi, c’est ma créativité, pouvoir construire des mondes. J’ai donc voulu me challenger pour écrire avec des styles différents sur des sujets différents.

Le recueil de nouvelles est-il le résultat brut de ce challenge ou y a-t-il eu, après coup, un autre travail d’édition, de relecture et de modification ?

Il n’y a que 21 histoires, dix sont passées à la trappe. Non pas que je ne les aimais pas, mais cela aurait fait un peu trop. Certaines me plaisaient moins, avec des thèmes parfois redondants. J’ai préféré ne pas les mettre. Sinon, je n’ai retravaillé aucun texte. Tous les sujets sont tels quels. J’ai embauché une traductrice et correctrice pour corriger et traduire de l’anglais au français, car j’écris en anglais, mais je n’ai retravaillé aucun texte.

Vous avez relu les histoires après la sortie du livre ? Si oui, cela vous a-t-il permis d’en redécouvrir certaines, de vous surprendre vous-même ?

Absolument ! Ce qui est intéressant, c’est la différence entre l’écriture d’un roman et l’écriture de nouvelles. Avec un roman, tu vis avec tes personnages tous les jours, pendant plusieurs mois. Tu connais tous leurs travers et leur histoire. Là, quand tu passes seulement une journée avec des protagonistes, c’est plus simple de les oublier. On oublie des détails qu’on a créés ou certaines facettes des personnages.

En relisant le recueil, certaines histoires qui me touchaient moins lors de l’écriture me retournent un peu plus maintenant. D’autant plus que j’ai pu enfin partager ça avec des personnes qui ne font pas partie de mon cercle familial ou amical. Des lecteurs me disent que telle ou telle histoire leur rappelle un moment de leur vie. Cela me fait découvrir des choses sur mes écrits que je n’aurais pas pu imaginer, c’est vraiment sympa.

Dans son autobiographie Écriture, Stephen King conseille d’écrire et de lire quotidiennement si l’on souhaite devenir écrivain. Il fait également un parallèle entre le style de chacun et celui des auteurs que l’on aime particulièrement. Avec une vingtaine de nouvelles et des styles différents, avez-vous eu l’impression d’extérioriser tous les auteurs et autrices vous ayant marquée, pour, au final, trouver votre propre style à chaque fois ?

Tout à fait, surtout que le but était de toucher à des genres que moi-même je lis pas ou peu, ou qui ne sont pas forcément dans mon registre habituel. C’est très important pour moi d‘avoir ma propre plume. Est-elle complètement unique ? Non, évidemment, on sera toujours influencé par les auteurs qu’on aime. Pour une des histoires, la quatrième de couverture d’un polar, j’ai essayé autant que possible d’être unique, mais je suis une fan de Joël Dicker, donc il y aura toujours des liens qu’on a envie d’apporter dans ses écrits.

C’est un super exercice d’une façon générale. J’avais un peu peur sur certains thèmes, comme la romance, qui est moins mon style de lecture, mais au final, c’est souvent ces thèmes-là, sans base, qui deviennent plus agréables à écrire, sans préjugés. C’est une bonne façon pour apprendre à se connaître.

En lisant les nouvelles, on découvre le thème de l’histoire en arrivant à la fin, alors que le titre peut être déroutant au premier abord. Est-ce volontaire de ne donner le thème qu’à la fin ?

C’était important pour moi que personne ne rentre dans une histoire avec un préjugé. Par exemple, pour le thème Cœur brisé, quelqu’un pourrait avoir un préjugé et ne pas lire l’histoire, alors qu’au final, elle va vers autre chose. C’était important pour moi que tout le monde se laisse tenter par les nouvelles. 

Océane Cardoso lors d’une séance de dédicaces.©Océane Cardoso

L’immersion est immédiate : au bout de quelques phrases, on est emporté dans chacune des histoires. Était-ce particulièrement conscient lors de l’écriture ?

Je n’essaie pas de le faire consciemment. Quand j’écris, j’ai souvent une phrase, un mot, un objet, un personnage ou un trait de caractère en tête, et je construis autour de ça. Le cerveau humain aime bien le mystère. Quand j’écris, je ne sais pas où je vais . Je pense donc que le lecteur est pris dedans, comme moi. Je ne décris pas trop physiquement les personnages, je préfère décrire les façons de penser, la personnalité, ce qui fait qu’on peut s’attacher très vite aux protagonistes et y voir quelqu’un qu’on reconnaît dans son entourage.

Le recueil offre une grande variété de personnages. Des femmes, des hommes, des adultes plus ou moins jeunes… Est-ce aussi un challenge de se mettre à la place de toutes sortes de personnes ?

Totalement. Je suis quelqu’un de très empathique et, pendant longtemps, je l’ai pris comme un point faible. Aujourd’hui, je m’en rends compte : en tant qu’écrivaine, c’est une grande force. Il faut se mettre dans la peau d’autres personnes, voir le positif et le négatif dans les vies de chacun. Comme le dit Stephen King, quand on écrit, c’est une sorte de magie, car on se parle par télépathie entre lecteurs et auteurs, et on vit des vies qu’on n’aurait pas vécues si on ne les avait pas écrites ou lues.

Je n’ai donc pas envie de me restreindre en écrivant simplement des histoires avec des femmes de 25 ans, 35 ans ou juste des femmes en général. On met forcément une partie de soi dans les personnages, même si c’est une simple étincelle. Pour un recueil comme celui-ci, cela aurait été très redondant de ne mettre qu’un seul type de personnage.

C’est de la fiction, majoritairement, mais il y a quelques éléments de votre vie qui reviennent. Est-ce le plus difficile à écrire ?

Ces éléments-là ramènent le plus d’émotion… J’ai écrit des histoires complètement fausses – ce n’est pas moi, ce ne sont pas des membres de ma famille, ni mes amis –, mais le sujet peut être très proche de ma vie et, dans ce cas-là, ça crée beaucoup d’émotions. La première histoire, par exemple, sur une relation mère-fille, est très proche de moi. La dernière histoire aussi, mon grand-père avait Alzheimer.

Ce n’est pas une histoire que j’ai vécue, mais un semblant d’histoire. Je ne suis pas le personnage, je n’ai pas les mêmes proches, ce n’est pas exactement la même scène, mais c’est inspiré d’une scène qui s’est passée dans ma vie, donc c’est très fort. Et il y a deux passages biographiques, ce sont les histoires avec les anniversaires.

Dans lesquelles le personnage se nomme d’ailleurs Océane… 

Ce sont les deux seules, oui. Avec ce challenge, je voulais toucher à tout. Moi qui m’étais dit, à la base, que jamais je n’écrirais quelque chose de biographique ou des mémoires, cela constituait aussi un challenge de le faire. Écrire sur soi-même, c’est parfois plus difficile, effectivement. Il faut prendre du recul et expliquer ce qu’on ressent. C’est compliqué, c’est un autre exercice. Il faut aussi savoir le mettre sur papier en l’expliquant pour les yeux d’un autre. C’est très intéressant à faire.

À mesure qu’on lit le recueil et qu’on découvre les nouvelles, on se surprend à repenser à des histoires découvertes quelques pages auparavant. Elles restent en tête pendant la lecture. Est-ce que, lors de l’écriture, ce phénomène est apparu ? Est-ce que des histoires reviennent sans pouvoir s’en détacher, après les avoir écrites ?

C’est vrai que certaines histoires sont plus fortes que d’autres, même si je les aime toutes. Quand on a une histoire qui marque, c’est d’ailleurs très frustrant de devoir s’arrêter. J’ai fait ce challenge en voulant juste écrire, sans penser me lancer ensuite dans un long récit, mais on peut très vite s’attacher à des histoires et à des personnages.

En tant que personne qui a entre les mains la capacité de développer ça, ça peut être frustrant. J’écrivais des histoires tout en repensant à d’autres, en me disant “Il aurait pu se passer ça après”, “J’aurais pu développer ça”… On fait des liens inconscients.

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Le twist final est toujours percutant, poussant le lecteur à concevoir l’histoire différemment. Comment finit-on une courte nouvelle ? Connaissez-vous les fins dès le début ou les découvrez-vous au fil de l’écriture ?

90% du temps, je ne sais pas où je vais. J’écris, je suis à la place du lecteur, je découvre l’histoire et les personnages : tout défile à la suite et, vers le milieu, je me dis : “Je sais ce qu’il se passe.” Et là, je me mets à écrire pour que ça arrive jusqu’à la finalité. Mais, pour beaucoup d’histoires, je ne le savais pas jusqu’à la dernière ligne, je le découvrais au même moment.

C’est un sentiment de dualité, d’être hors de son corps, mais quand même dedans. C’est moi qui écris, mais, en même temps, je suis spectatrice de ce qui se passe. Comme si j’étais un simple messager pour ces personnages. Pour quelques histoires, je savais que je voulais un twist en intégrant telle ou telle chose. C’est important effectivement de voir les choses sous un autre angle.

Vous vivez à New York actuellement. Est-ce que cela a eu un impact sur votre créativité ?

Complètement. Je pense que j’ai toujours écrit, sauf qu’avant, pour moi, c’était une façon d‘exprimer ce que je ressentais, mais pas sous forme de fiction. New York, c’est une vraie coupure dans ma vie, après avoir vécu longtemps dans un même pays, dans une même ville, dans un même endroit. On y associe forcément des parties de soi. Ici, à New York, c’est une page que je pouvais créer et c’est une ville extrêmement artistique. C’est une ville qui encourage le fait de croire en soi, de poursuivre ce qu’on veut faire et de ne pas se mettre de limite.

C’est ici que m’est venue l’envie de me lancer dans l’écriture. J’ai eu l’idée de mon premier roman en arrivant ici, dès les premiers jours. Ailleurs, je ne sais pas si je l’aurais fait.

Océane Cardoso lors d’une séance de dédicaces.©Océane Cardoso

Vous auto-éditez le livre. Quel travail cela représente-t-il et quels ont été vos sentiments lorsque vous avez reçu le livre terminé ?

C’est indescriptible. C’est un art que je trouve particulièrement beau. Là, c’est une pièce physique qui restera dans le temps, que les gens pourront avoir avec eux. C’est très fort. Un livre, c’est une pièce d’art. Concernant l’auto-édition, au début, j’ai hésité entre le faire seule ou signer en maison d’édition. Signer avec un éditeur, cela a beaucoup d’avantages, en termes de distribution et d’accompagnement, mais j’avais besoin d’être capable de me dire que mon premier livre était mon petit bébé, que j’avais réfléchi à chaque détail.

C’est tellement compliqué de gérer tous les détails, mais, en faisant ça, on se rend compte à quel point c’est une chance d’avoir une maison d’édition. Mais le processus est très satisfaisant, c’est une expérience incroyable.

Quelle est la prochaine étape ? Un roman, un autre recueil ?

J’aimerais me lancer dans une histoire et pouvoir y rentrer complètement. Je n’ai pas encore déterminé de quelle forme il s’agira. Mais je n’ai aucun doute sur le fait que j’éditerai un jour un second recueil. C’est un format que j‘adore, que j’ai découvert avec ce challenge-là. Je pense qu’entre l’écriture de deux romans, c’est agréable. C’est un bon exercice en tant qu’écrivaine.

Et le premier roman ? A-t-il vocation à sortir ou restera-t-il dans un tiroir ?

Je pense que le sujet, l’idée que j’avais, restera, mais je ne suis pas sûre que tout ce que j’ai écrit reste. Même si j’adore les personnages et l’univers que j’ai créé, je ne sais pas si c’est encore d’actualité. Il faudrait que je relise tout pour voir si j’aime encore ce que j’ai écrit ou pas. Je l’ai tellement associé à l’avant que je me verrais bien reprendre le même thème, mais repartir de zéro !

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