[Rentrée littéraire 2025] Pauline Dreyfus signe chez Grasset un roman où la destinée d’une famille viticole, prise entre guerres et industrialisation, devient le miroir des fractures d’une France en mutation.
Il suffit parfois d’un pont pour bouleverser un équilibre. Celui qui relie Saint-Amand à Champagne, jeté sur la Seine à la fin du XIXe siècle, unit deux rives et sépare deux mondes. C’est dans cet espace de passage que Pauline Dreyfus installe son nouveau roman. Un pont sur la Seine, publié le 27 août chez Grasset dans le cadre de la rentrée littéraire, offre une fresque familiale très attendue.
Deux villages, deux destins
À Saint-Amand, le vignoble des Vernet fait figure de fierté. Le patriarche rêve de transmettre ses ceps à ses fils, mais l’histoire s’invite à table. Georges préfère l’usine et Lucien tombe au front en 1914. Ce qui devait être une continuité devient une fracture : entre viticulture et industrie, passé et progrès, les Vernet incarnent une France du XXe siècle en transition.
L’amour, aussi, fissure les certitudes. Lorsqu’une fille de Saint-Amand s’éprend d’un ingénieur de Champagne, la colère gronde. De guerre en guerre, Pauline Dreyfus fait résonner les drames familiaux avec ceux de la Nation. Le pont, censé rapprocher, devient ligne de front, rappel que relier ne signifie pas toujours unir.
L’autrice et ses thèmes
Diplômée de Sciences Po, journaliste de formation, Pauline Dreyfus s’est imposée dans le paysage littéraire avec Immortel, enfin (2012), portrait acéré de Paul Morand à l’Académie française, couronné par le prix des Deux Magots.
Elle poursuit, depuis, une œuvre où la société française est scrutée dans ses contradictions : mondanité face à la guerre dans Ce sont des choses qui arrivent (2014, prix Mémoire Albert-Cohen), satire des cercles littéraires en Mai 68 avec Le déjeuner des barricades (2017), ou encore coulisses politiques de Georges Pompidou dans Le Président se tait (2022).
Sa plume s’attache aussi aux grandes figures. Elle a consacré un essai à Robert Badinter (2009), une biographie à Paul Morand (2020, prix Goncourt de la biographie et prix de l’Académie française) et un récit à Colette (2023). Avec, chaque fois, le même art de sonder les zones grises et d’éclairer les contradictions des êtres et des époques.