Sorti dans un nombre infime de salles, Papamobile suscite un tollé inédit. Le film est au cœur d’une polémique qui interroge la manière dont un projet peut être sabordé dès son lancement.
Sur le papier, Papamobile avait tout de la comédie française populaire. Kad Merad acceptait d’endosser un rôle à contre-emploi : celui du pape – et de son sosie. Aux manettes, Sylvain Estibal, réalisateur récompensé en 2012 par un César pour Le cochon de Gaza.
Le scénario, tourné au Mexique en août 2023, se voulait audacieux et loufoque : un cartel enlève le pape François, avant de découvrir qu’il s’agit d’un imposteur. Pourtant, le 13 août 2025, la sortie en salle s’est révélée quasi invisible, déclenchant une tempête médiatique. On fait le point.
Un film lâché par ses producteurs
Seules sept salles françaises ont projeté le film, à Avignon, Bagnoles-de-l’Orne, Saverne, Douvaine, Évian-les-Bains et Romans-sur-Isère. Aucun cinéma dans les grandes villes ou la capitale. Une « sortie technique », donc, destinée à remplir les obligations administratives tout en limitant les pertes. La promotion a été tout aussi minimaliste : une affiche, une bande-annonce de 30 secondes et aucune campagne nationale.
La raison de cette invisibilité se trouve du côté des producteurs et distributeurs. Le long-métrage s’est retrouvé « abandonné par ses partenaires commerciaux », comme le note France Info. C’est Le Canard enchaîné qui a révélé les dires du coproducteur en personne, Jean Bréhat : « J’avoue, c’est raté, c’est une comédie pas drôle. Ça arrive dans le métier. »

Même son de cloche chez The Jokers, distributeur du film, dont la présidente Violaine Barbaroux confiait à Télérama : « Le montage définitif s’est révélé décevant pour tous, pas seulement pour nous, et pas à la hauteur du scénario, du réalisateur, de ses acteurs et des promesses associées. » Présenté au marché du film de Cannes, Papamobile n’avait trouvé aucun acheteur.
Le réalisateur dénonce un sabotage
Face à ce désaveu public, Sylvain Estibal a dénoncé une sortie sabotée. Il écrit : « Dommage qu’un producteur censé défendre ses projets s’exprime ainsi dans la presse le jour de sa sortie. D’autres qui ont vu le film l’ont trouvé hors norme, fou et amusant, et ne comprennent pas que sa sortie soit ainsi sabordée. »
Le réalisateur insiste sur l’économie contrainte du projet, tourné en 24 jours avec un budget de 1,2 million d’euros, essentiellement privés. Kad Merad, Myriam Tekaïa – coscénariste et actrice principale – et plusieurs techniciens avaient même accepté de réduire leurs cachets pour permettre au film d’exister.
Une comédie “nanar” assumée
Pour Estibal, le manque de moyens est pleinement revendiqué : « Le film a un univers fou et il montre qu’on peut réaliser un film ambitieux, qui ouvre l’imaginaire, avec de petits moyens, sans être une production hollywoodienne », explique Myriam Tekaïa à France Info. Le réalisateur a lui-même défendu « un voyage absurde dans notre époque », abordant religion, narcotrafic et migrations « avec humour et bienveillance ». À ses yeux, l’étiquette de « nanar » ne dévalorise pas le projet, mais souligne son esprit volontairement décalé.
Malgré cette sortie sacrifiée, Papamobile ne disparaîtra pas totalement. Le film, préacheté par Amazon, sera diffusé sur Prime Video en 2026. L’équipe espère qu’il trouvera alors son public et pourra être jugé autrement que par le prisme d’un désamour industriel.