Proton publie un rapport accablant soulignant l’importance de développer des alternatives européennes aux géants du numérique américains.
La souveraineté numérique est un sujet brûlant, dans un contexte de repli nationaliste prononcé de l’autre côté de l’Atlantique. Malheureusement, le rapport de Proton illustre le dilemme qui se pose en Europe : comment privilégier des solutions locales, lorsque l’écrasante majorité des entreprises du continent mobilisent des outils et des logiciels américains ? Le spécialiste de la confidentialité en ligne appelle à un sursaut pour reprendre en main notre destin numérique.
74% des entreprises cotées dépendent de la tech étasunienne
D’après l’étude menée par Proton (réalisée en décodant les registres DNS des plus grosses entreprises du marché), 74% des entreprises cotées en bourse dépendent de services technologiques basés aux États-Unis. En particulier, ce sont les messageries qui sont au centre du problème : Slack, Microsoft Teams, Google Chat… autant d’applications depuis lesquelles les décisions business, mais aussi les données personnelles des salarié·es transitent au quotidien.
« La souveraineté numérique est une illusion lorsque l’infrastructure de l’Europe est contrôlée depuis l’étranger », note Proton dans son rapport. Pourtant, l’hexagone n’est pas le pays le plus à plaindre en la matière. Le meilleur élève d’Europe est la Bulgarie, avec une dépendance aux USA estimée à 16%. À l’inverse, l’Islande serait dépendante à 97% de services étasuniens. La France, elle, est présentée comme dépendante à 66% de produits américains.
C’est plus que nos voisins Allemands (58%), mais beaucoup moins que le Royaume-Uni (88%), ou même que la Suisse — pays de résidence de Proton —, avec 68%.
Comment agir pour la souveraineté numérique européenne ?
Ce document, en réalité un support de lobbying notamment destiné à encourager les abonnements à Proton Business, illustre combien cette dépendance à la tech américaine rend les entreprises européennes vulnérables. Dans un contexte de course débridée pour l’IA, avec des entreprises qui ne respectent même pas les barrières à l’entrée, Proton explique que les données des entreprises européennes pourraient être utilisées pour entraîner des intelligences artificielles.
Plus concret : les tensions géopolitiques actuelles, notamment celles entourant les droits de douanes, font peser une pression sur les entreprises européennes dont elles se passeraient bien. Plus pragmatique encore, Proton écrit carrément qu’en acceptant cette dépendance : « vous [les entreprises] alimentez une fuite des cerveaux hors d’Europe » et « vous limitez l’innovation européenne ».
Tout un discours qui mène ensuite naturellement les lecteurs et lectrices à découvrir combien Proton est une solution européenne qui œuvre contre le statu quo et qui nous intéresse moins ici. Néanmoins, l’exposé de l’entreprise suisse a le mérite de chiffrer un constat que n’importe qui était déjà en mesure de faire : où sont les big tech européennes ? Même si cet exercice de lobbyisme peut paraître un peu grossier, force est de constater que seul Proton semble aujourd’hui prendre le taureau par les cornes, et développer des outils à même de concurrencer Google. Mais il s’agirait maintenant d’éviter de troquer un monopole par un autre.