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Pourquoi la pop-punk de Good Charlotte refuse de mourir

08 août 2025
Par Thomas Ducres
Le groupe Good Charlotte est de retour.
Le groupe Good Charlotte est de retour. ©Good Charlotte/Warner Music

Cheveux bourrés de gel, bracelets en cuir et refrains pour skateurs aux cœurs brisés : les Américains de Good Charlotte avaient tout pour rester coincés dans les années 2000. Et pourtant, 20 plus tard, les frères Madden annoncent un huitième album enregistré en France, Motel du Cap. Comment le groupe de jeunes vieux a‑t‑il réussi à traverser le temps sans se coincer le dos ? Réponse en trois actes, entre débuts explosifs, fausse retraite et résurrection inattendue. 

La vidéo s’est peut-être glissée dans votre fil d’actualité : deux ados mal dégrossis interprétant leur nouvelle chanson sur la scène d’un campus universitaire, dans le Connecticut, pour une foule d’étudiants très clairsemée. Le groupe en question ne s’appelle pas encore MGMT et le titre, c’est une démo de Kids. Nous sommes alors en 2003 et personne ne peut encore se douter que le duo vient de donner naissance à ce qui sera LE tube de 2007. Pour Good Charlotte, c’est un peu pareil, sauf que pour les frères Madden, personne n’était hélas là pour filmer leur premier concert.

MGMT sur le campus de leur université en 2003.

30 personnes dans la cave

Nous sommes en 1996, dans le Maryland. Dieu vient de donner la foi à Ophélie Winter et apparemment, il y avait du rab’ pour Good Charlotte. Face à une trentaine de curieux, ils exécutent leur premier live dans le sous-sol d’un ami et c’était, dixit le guitariste Benji Madden, catastrophique : « on était vraiment nuls, je regardais par terre tout le temps ».

Mais ces débuts semblables à ceux des Ramones n’empêcheront pas le groupe influencé par Green Day et les Beastie Boys de rayonner sur les chaines musicales du début des années 2000, quand le genre emo faisait encore la loi sur MTV. Trente ans plus tard, et alors que plus personne n’oserait sortir avec un look Avril Lavigne, comment expliquer la longévité de ce groupe qu’on croyait condamné à perdre ses cheveux ?

The Anthem de Good Charlotte.

11 millions de disques et une « pause »

Si les Américains natifs d’un bled de 80 000 habitants ont réussi à prendre le wagon emo-pop-punk au bon moment, il faudra attendre l’album The Young and the Hopeless en 2002 pour que les frères Madden touchent le jackpot : les tubes The Anthem et Lifestyle of the Rich and the Famous permettent à Good Charlotte d’écouler 3,5 millions d’albums rien qu’aux USA. Un succès trop gros à porter qui les voit se couper de leur base fidèle aux principes du « do it yourself ».

Désormais millionnaires avec 11 millions de disques vendus, les membres de Good Charlotte incarnent plus difficilement le statut des jeunes rockeurs prêts à se geler les cheveux avec un tube de glu volé au supermarché du coin.

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Retraite sabbatique 

Fatalement, ce qui devait arriver arrive : comme pour d’autres groupes pop‑punk de la même génération (Sum 41, Simple Plan, etc), la machine à tubes s’essouffle et le cinquième album Cardiology (2010) sonne comme un arrêt cardiaque : le groupe annonce en septembre 2011 qu’il va faire une pause. Une façon polie d’annoncer une séparation, temporaire ou non. La raison ? La machine serait devenue trop grosse pour eux, selon une interview accordée à Louder. Le groupe, le « bébé » qu’ils avaient autrefois conçu dans une cave, ne leur appartiendrait plus et servirait davantage à d’autres qu’à eux-mêmes. Rideau.

« On a fait une pause avec Good Charlotte parce qu’on avait vraiment l’impression que c’était notre bébé. En quatre ou cinq albums, on avait l’impression que ce n’était plus à nous ; c’était devenu la propriété de tout le monde » 

Benji Madden
Interview pour Louder

Pendant cette pause (2011–2016), Joel et Benji vont néanmoins fonder MDDN, un label et une plateforme de management destinée à accompagner, coacher et produire de jeunes artistes selon leurs envies et leurs règles propres. Bien joué : cette initiative va les positionner en véritables parrains de la scène pop‑punk en prolongeant leur influence du haut de leur piédestal. À la manière de Jack Black dans Rock Academy (2003), les voici devenus doyens du pop-punk prêts à passer le témoin à une nouvelle génération.… mais pas encore assez vieux pour finir à l’Ehpad des Sex Pistols.

Good Charlotte.©Jen Rosenstein/Warner Music

Un nouveau retour grâce à la France

Outre le come-back inévitable de 2016 avec un nouvel album (le bien nommé Youth Authority), les membres de Good Charlotte ont pris du plomb dans la tête. Car si l’on ne s’attardera pas trop sur le suivant (Generation Rx, 2018), les Américains semblent s’être baignés dans la fontaine de la maturité : finis les disques à répétition, stop aux tournées intenses et bonjour à Motel du Cap, qui sort ce 8 août, inspiré par un concert privé donné en 2023 à l’Hôtel du Cap-Eden‑Roc d’Antibes, pour le mariage de la belle-sœur de Joel Madden.

Rejects de Good Charlotte.

Il s’agit du premier disque studio depuis sept ans pour le groupe qu’on a plusieurs fois cru mort et enterré mais reboosté par ses collaborations – sur ce nouvel album on retrouve Wiz Khalifa, Charlie Puth ou encore le chanteur country Luke Borchelt. Et apparemment, les fans apprécient le retour aux sources : le premier single, Rejects, mêle l’ADN pop‑punk originel et l’auto-dérision d’un groupe qui accepte de vieillir (voir le clip où les jeunes musiciens de Good Charlotte semblent juger leur version quadra).

Quant à Stepper, il inspire des commentaires aux internautes en forme de belle conclusion : « les années 2000 ne sont jamais parties. Elles ont juste arrêté de se dresser les pics de cheveux à la colle ». D’une vieille cave sombre à un hôtel luxueux de la Côte d’Azur : belle trajectoire pour cette vieille Charlotte, toujours aussi good.

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