Critique

I Love Peru : Raphaël Quenard en roue libre

09 juillet 2025
Par Pablo Baron
Raphaël Quenard dans “I Love Peru”.
Raphaël Quenard dans “I Love Peru”. ©Le Pacte

Raphaël Quenard est de retour dans un docufiction burlesque. Entre ego surdimensionné, dialogues absurdes et chagrin amoureux, Quenard fait son cinéma.

Après la sortie très prolifique de son livre Clamser à Tataouine, Raphaël Quenard est de retour sur grand écran avec un documentaire sélectionné, contre toute attente, à Cannes Classics. Coréalisé avec son complice de toujours, Hugo David, I Love Peru est le second projet de ce duo, succédant au court-métrage L’acteur, dans lequel son ami filmait les coulisses de Chien de la casse, pour lequel Raphaël Quenard avait remporté le César du meilleur espoir masculin en 2024.

Plus abouti et truculent que leur précédent, ce nouveau projet joue sans cesse avec la frontière du vrai et du faux, retraçant le parcours et l’ascension de Raphaël Quenard dans le petit monde du cinéma français. Le documentaire a fait parler de lui avant même sa sortie en salles, et pour cause : le comédien est apparu sur le tapis rouge de Cannes accompagné d’un condor à taille humaine, une image cocasse qui a électrisé le tapis rouge cannois. 

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Entre Hugo David et Raphaël Quenard, le courant passe bien et vite. Devant un tel énergumène, le jeune Hugo saisit rapidement que son ami pourrait être l’objet de son premier long-métrage. Les premières images dévoilent l’enfance du réalisateur, banale, mais peu éloignée de celle de son comparse. Si l’un désire la lumière, l’autre souhaite la mettre en scène. Devant l’œil amusé et fasciné du réalisateur, Raphaël Quenard ne cesse de proposer des idées de projets totalement barrés auprès d’acteurs en vogue : Éric Judor pour faire Éric et Raphi, François Civil pour une comédie romantique zoophile ou encore Marina Foïs pour l’incarner car « ils ont la même coupe ».

Néanmoins, le comédien parvient à enchaîner les films à succès et mène une carrière fulgurante (Yannick, Je verrai toujours vos visages, Chien de la casse…), jusqu’à s’éloigner de ses proches et de son ami Hugo – pour finir seul face à son succès. Mais un jour, Raphaël lui téléphone pour lui proposer de l’accompagner au Pérou : il s’est rêvé en condor, ce mythique volatile d’Amérique du Sud, et désire s’y rendre pour trouver des réponses à la crise existentielle qu’il traverse. Malgré le manque de nouvelles, Hugo accepte, y voyant enfin l’occasion de finir son documentaire.

Raphaël Quenard dans I Love Peru. ©Le pacte

Quenard, roi du selfie existentiel

La deuxième partie du film, qui se déroule donc au Pérou, permet au spectateur de mieux cerner la relation entre le réalisateur et notre héros. En plein chagrin amoureux, Raphaël Quenard a proposé à son ami de l’accompagner, car sa petite-amie dont il s’est séparé n’est pas venue. Hugo devient ainsi le témoin, ou plutôt le faire-valoir, de Raphaël, servant à capturer ses états d’âme et ses loufoqueries (à toujours prendre au dernier degré, si l’on veut s’en amuser).

Tantôt comique tantôt lourdingue, Raphaël fait tout pour attirer l’attention : il théorise des inepties en mangeant le meilleur burger de sa vie, défend la culture péruvienne après s’en être moqué, se lamente de tristesse après avoir délaissé sa copine pendant des mois… Bref, on assiste à un vrai numéro de pitre qui ne cherche qu’à susciter l’attention. Son ego atteint parfois des sommets : lorsqu’il reçoit un César, il n’hésite pas à répéter que sa réussite est « historique ». Le comble de ce narcissisme se devine sûrement à travers cette image : lorsque Raphaël est filmé en train de se filmer en selfie en ayant un fou rire forcé. Une quête quasi obsessionnelle de lumière que son « ami » réalisateur s’efforce de capter en permanence. 

Teaser de I Love Peru.

Hugo David chasse sans doute de son esprit sa posture de « bouche-trou » et se console en se disant qu’il parie sur le bon cheval. Et ça fonctionne : Raphaël Quenard dans son show, avec ses pensées rarement plus profondes qu’elles n’en ont l’air, guidées par un millième degré et un ego à toute épreuve, nous fait rire. Quant à sa quête existentielle qui va l’amener à se transcender auprès d’un pseudo-chaman, elle n’est crédible à aucun point de vue et c’est le but : tous les moyens sont bons pour qu’on regarde Raphaël Quenard.

La réflexion sur le métier d’acteur ou sur l’art est à mille lieues de ce que le film pouvait laisser sous-entendre. En fin de compte, I Love Peru ne parle ni du métier de comédien ni de cinéma. Il parle de Raphaël Quenard. Il faut l’aimer pour apprécier ce délire d’autodérision narcissique. Sinon, on regarde un homme jouer à être profond devant une caméra qui ne le quitte jamais. Ce « mockumentaire » au faible budget est tourné caméra à l’épaule, pour toujours être au plus proche de son personnage. Le montage nerveux permet au spectateur de ne jamais s’ennuyer, la fin du film restant cependant assez chaotique sur le plan esthétique et scénaristique. Raphaël Quenard fait face au condor, muni d’un fusil, prêt à en découdre. C’est, en somme, une fin à l’aspect bâclé qui est aussi absurde que le film lui-même.

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