Le réalisateur, acteur et critique de cinéma Peter Bogdanovich, nommé à huit Oscars pour La Dernière Séance (1971), s’est éteint le 6 janvier à l’âge de 82 ans, après avoir longuement oeuvré à la mémoire du cinéma.
Après des débuts en tant que critique de cinéma, Peter Bogdanovich devient metteur en scène avec La Cible (1968), puis rencontre un triomphe avec La Dernière Séance (1971), nommé huit fois aux Oscars, que certains iront jusqu’à comparer avec Citizen Kane (1941), de son grand ami Orson Welles. Le film révèlera notamment au grand public Jeff Bridges et Cybill Shepherd, dans cette chronique adolescente dans le Texas des années 1950 tournée en noir et blanc (sur le conseil de Welles lui-même). Ses deux films suivants, On s’fait la valise, Docteur ? (1972) et la Barbe à Papa (1973) seront également de francs succès. « Je suis dévasté. C’était un grand et merveilleux artiste. Je n’oublierai jamais la première de La Dernière Séance (…) Je me souviens de la fin [de la projection], le public s’est levé tout autour de moi pour applaudir pendant au moins quinze minutes (…) », s’est remémoré avec émotion le réalisateur Francis Ford Coppola (Apocalypse Now, Le Parrain, Dracula). À cette époque, Coppola est sur le toit du monde grâce au succès du Parrain et n’hésite pas, comme les autres, à jouer des coudes avec ses pairs. La rivalité amicale entre Bogdanovich et la nouvelle garde hollywoodienne (Friedkin, Spielberg, Scorsese, etc.) illustre alors l’innocente arrogance, la vigueur et le talent de ces jeunes réalisateurs qui ambitionnent de révolutionner le cinéma de leur temps.
En tant qu’acteur, Bogdanovich s’est illustré dans Les Anges sauvages (1966) de Roger Corman aux côtés de Peter Fonda et Nancy Sinatra, puis dans des films d’Orson Welles – Bogdanovich travaillera notamment à ressusciter De l’autre côté du vent, le grand film inachevé de Welles -, d’Agnès Varda, de John Cassavetes et plus tard de Noah Baumbach, Sofia Coppola ou encore dans la série Les Soprano (HBO) de David Chase. Après des premiers films à succès, la carrière de Bodganovich en tant que réalisateur s’érode peu à peu, entre flops (Daisy Miller, Enfin l’amour), drame personnel (Dorothy Stratten, sa compagne, est assassinée par son mari avant la sortie de Et tout le monde riait, où elle devait apparaître aux côtés d’Audrey Hepburn) et banqueroute. Réfugié à New York, il restera jusqu’à la fin de sa vie un éminent cinéphile, à l’origine de nombreuses publications – Les Maîtres d’Hollywood (Capricci, 2018) – visant à entretenir la mémoire de grands cinéastes tels qu’Howard Hawks, Alfred Hitchcock, John Ford et, d’entre tous, Orson Welles, dont il fut l’indéfectible disciple.