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Adolescence : comment Elon Musk a alimenté une polémique infondée sur la série Netflix

26 mars 2025
Par Sarah Dupont
“Adolescence” contient quatre épisodes d'environ une heure.
“Adolescence” contient quatre épisodes d'environ une heure. ©Netflix

En quelques jours, une simple réaction d’Elon Musk a suffi à propager une rumeur autour d’une série Netflix à succès. Au cœur de la controverse : une confusion entre fiction et faits divers, nourrie par un tweet sensationnaliste et amplifiée sans vérification.

Depuis son arrivée sur Netflix le 13 mars, la mini-série britannique Adolescence s’est imposée comme l’un des plus grands succès de la plateforme, cumulant plus de 24 millions de vues en une semaine. Racontée en plans-séquences, l’histoire suit Jamie, 13 ans, soupçonné d’avoir tué une camarade de classe.

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La série explore avec rigueur les mécanismes de harcèlement scolaire et la violence intrinsèque chez les jeunes britanniques. Mais derrière cette fiction à la réception critique largement positive, une polémique a vu le jour, impliquant le milliardaire Elon Musk.

Une rumeur née d’un tweet

Le 20 mars, Ian Miles Cheong, commentateur malaisien aux positions réactionnaires et connu pour avoir été banni de plusieurs plateformes, affirme sur X (anciennement Twitter) qu’Adolescence s’inspire directement d’un fait divers : l’attaque au couteau survenue à Southport en juillet 2024.

Selon lui, les créateurs auraient « changé l’origine raciale du véritable meurtrier, qui était noir ou migrant », pour en faire un « garçon blanc », accusant la série de diffuser une « propagande anti-blanche ». Elon Musk, propriétaire du réseau, a réagi en écrivant simplement « Wow », contribuant à la viralité du message sans en questionner la véracité.

©Netflix

Le tweet de Cheong, vu plus de 4,8 millions de fois, a été largement relayé et commenté. Pourtant, ses affirmations sont fausses. D’une part, Adolescence n’est pas basée sur l’affaire de Southport ni sur un cas unique. D’autre part, le tournage de la série avait déjà débuté en mars 2024, soit plusieurs mois avant les événements de Southport, survenus le 29 juillet. Cet attentat a coûté la vie à trois adolescentes et blessé dix femmes et enfants, lors d’un atelier de danse.

Une désinformation documentée

Suggérer qu’Adolescence s’inspire de ce crime relève de la désinformation. Les créateurs l’ont d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises : l’œuvre s’inspire de faits divers multiples et de rapports sur les violences adolescentes, et non d’un crime en particulier. Elle cherche à exposer une réalité systémique, non à transposer un fait isolé.

La critique de la « manosphère », cette nébuleuse d’influenceurs antiféministes qui s’adressent aux jeunes garçons, y est d’ailleurs centrale. Le personnage principal, Jamie, est présenté comme une victime indirecte de ces réseaux, radicalisé par les discours en ligne. Aucune scène ne se déroule dans un bus, contrairement à ce qu’affirme Cheong, et aucun élément du scénario ne correspond à l’affaire de Southport.

L’effet Musk : une amplification sans filtre

Ce n’est pas la première fois qu’Elon Musk est accusé de relayer des contenus mensongers. Sa réaction minimaliste a été perçue comme un soutien implicite à la théorie raciste de Cheong. Loin d’être anodine, cette amplification est jugée dangereuse par plusieurs journalistes et observateurs.

Spécialiste de la désinformation chez BBC News, Shayan Sardarizadeh met en garde contre les fake news que le PDG de Tesla relaie sans interroger. « La quantité de bêtises virales publiées sous forme d’actualités sur cette application, souvent amplifiées par Elon Musk, est ahurissante », peut-on lire sur sa page X.

Des milliers d’internautes ont tenté de rétablir les faits sous le tweet initial, dénonçant une manipulation de l’information et le détournement d’un objet fictionnel à des fins idéologiques. Car au fond, Adolescence n’est pas un fait divers mis en images, mais une œuvre de fiction nourrie de réalités sociales. C’est précisément cette nuance que les discours viraux, même en trois lettres, risquent d’effacer.

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