La rentrée littéraire bat son plein ! Une catégorie de livres tire son épingle du jeu : les romans étrangers.
De l’Écosse à l’Italie, en passant par les États-Unis, les auteurs et les autrices non francophones ont un regard singulier sur le monde, que leurs traductions dans l’Hexagone permettent d’approcher au plus près. Voici notre sélection de cinq d’entre eux dans le cru 2024 !
| Les Merveilles, de Viola Ardone
Après Le Train des enfants et Le Choix, Viola Ardone continue de nous plonger dans l’Italie du XXe siècle avec Les Merveilles, qui figure parmi les quatre finalistes du Prix du roman Fnac. Cette histoire se concentre d’abord sur Elba, une jeune fille qui est née dans une structure d’enfermement que l’on a coutume d’appeler un hôpital psychiatrique, à Naples. Mais Elba s’y trouve parce que sa mère y est détenue depuis le moment de sa grossesse. Ainsi, Elba grandit dans ces lieux et ne connaît que ces murs qu’elle aime à appeler « le monde-à-moitié ». Mais à l’époque où l’histoire se tient, une loi impose la fermeture des hôpitaux psychiatriques, effaçant par la même occasion la notion de culpabilité que pouvaient avoir ces personnes.
Porté par le psychiatre Fausto Meraviglia (qui s’imposera comme une figure paternelle pour Elba), le récit de Viola Ardone montre cette période de transition entre deux mondes. Elba s’impose alors très vite comme un personnage captivant à plus d’un titre, que l’on suit pour ce qu’elle représente : une certaine idée de l’émancipation. Des années 1980 à 2019, Les Merveilles est un formidable roman sur la famille, mais aussi sur l’amour maternel, malgré la séparation.
| Bien-être, de Nathan Hill
Les livres sur l’amour fleurissent à chaque rentrée littéraire. Toutefois, des romans comme celui de Nathan Hill ne courent pas les librairies. À la fois drôle et éclairant, Bien-être est le portrait d’un couple que l’on découvre dans les années 1990. Jack se rend à Chicago avec le rêve d’être artiste. Elizabeth, quant à elle, y arrive pour devenir une scientifique. Leurs deux milieux ne coïncident pas, mais la rencontre opère. Très vite, l’auteur nous amène 20 ans plus tard.
Le couple a un enfant, Toby, qui semble assez difficile à gérer, et chacun a évolué professionnellement d’une façon plus ou moins satisfaisante. Leur amour, lui aussi, a muté, puisque tous les deux se demandent si quelque chose n’est pas en train d’être rompu. À travers cette fresque amoureuse de plus de 600 pages, Nathan Hill signe l’un des romans coups de poing de cette rentrée littéraire étrangère !
| L’Invisible Madame Orwell, d’Anna Funder
Tout le monde connaît Georges Orwell, également connu sous le nom d’Eric Blair (et qui fait un étonnant retour en cette rentrée littéraire). Mais tout le monde ne sait pas que l’auteur de 1984 possède une biographie parcellaire. La raison ? L’invisibilisation de sa femme, Eileen O’Shaughnessy, qui a pourtant été présente dans les étapes clés de la vie de l’écrivain.
Dans ce livre qui n’est pas véritablement un roman, Anna Funder enquête sur cette figure énigmatique et pourtant omniprésente. Grâce à des lettres, des témoignages et autres documents, elle reconstruit avec méthode ce qu’a pu être l’intimité du couple Orwell et remet à sa juste place Eileen O’Shaughnessy, victime collatérale d’une culture patriarcale établie. Un livre renversant de justesse !
| Les Éphémères, d’Andrew O’Hagan
Direction l’Écosse, avec un auteur largement reconnu au-delà de nos frontières : Andrew O’Hagan. Avec ce nouveau roman, il revisite un pan tragique de sa vie : la perte d’un ami atteint du cancer. Les Éphémères prend d’abord place dans les années 1980, sous Thatcher, dans un milieu ouvrier. On y suit un groupe d’amis qui se rendent à un festival de rock à Manchester. Et il faut dire que la musique est particulièrement présente dans ce livre, au même titre qu’un thème inspirant pour tout le monde : l’amitié.
Les adolescents cherchent ainsi les sensations et suivent pour cela la figure fédératrice de Tully, personnage que l’on retrouvera à la fin des années 2010. À ce moment de sa vie, ce dernier n’est plus l’adolescent téméraire que l’on connaissait, et l’amitié semble très vite défiée par la mort. Les Éphémères est le portrait de plus en plus touchant de ces personnes qui nous aident à surmonter les épreuves comme à vivre les plus beaux moments de nos vies. Des liens forts et universels, qui font de ce roman un livre plus que jamais évocateur.
| Une fille j’ai embrassée, d’Emma Donoghue
Avec son titre énigmatique, Une fille j’ai embrassée fait partie des révélations de cette rentrée littéraire étrangère. Et pour cause, l’autrice irlandaise Emma Donoghue nous décrit un épisode adolescent de celle que l’on surnommait la « première lesbienne moderne » au XIXe siècle : Anne Lister.
À l’adolescence, cette dernière fait la rencontre d’Eliza Raine, et construit avec elle une relation fusionnelle. Cependant, à l’âge de 14 ans, ce lien sera mis à rude épreuve, et Emma Donoghue livre avec brio les tourments et les subtilités d’une émancipation féminine qui ne dit pas son nom. En ayant travaillé sur la correspondance véritable (et inachevée) des deux femmes, l’autrice nous donne à lire un plaidoyer délicat pour l’amour dans tout ce qu’il a de plus beau, de plus vaste, de plus universel.