Grand gagnant de la troisième saison de Nouvelle École, Youssef Swatt’s a enflammé la scène du Rose Festival le samedi 31 août. Quelques heures après ce concert explosif, il nous a invités dans sa loge pour un échange à son image : bienveillant et très posé.
Le 21 juillet dernier, Netflix diffusait la finale de la saison 3 de Nouvelle École, que vous avez remportée. Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis ce jour ?
Beaucoup de choses ! Tout est allé très vite, je crois que je ne réalise pas encore totalement tout ce qui m’arrive. Il me faudra du temps – et du recul – pour tout assimiler. Ma carrière a pris un vrai tournant depuis la diffusion de Nouvelle École et beaucoup de choses se sont concrétisées du jour au lendemain.
J’ai néanmoins eu la chance de m’y préparer, car la finale a été tournée il y a plusieurs mois. J’ai essayé d’anticiper ce moment où tout allait changer, mais il y a quand même un paquet de choses auxquelles je n’avais pas pensé, comme l’exposition médiatique, les réseaux sociaux ou encore les chiffres – les stats qui s’affolent, que ce soit les écoutes ou le nombre de followers. Tout est allé très vite.
J’ai vraiment tenu à me déconnecter pour me préserver. J’ai scruté toutes mes notifs durant quelques jours, mais ça m’a rapidement fait vriller et je ne dormais plus, donc j’ai décidé de couper mon téléphone et de garder une vie tout à fait normale. L’autre grande nouveauté, c’est le fait qu’on me reconnaisse dans la rue. On m’arrête pour me parler et me demander des photos, mais les gens sont très gentils et bienveillants, donc je profite au max et je me fais des potes partout, en Algérie, en Italie, à Marseille et même dans des coins perdus [rires] !
Lors de la finale très serrée et digne d’un épisode de Netflix, Aya Nakamura a reconnu votre talent, mais s’interrogeait sur votre capacité à retourner une salle en embarquant le public avec vous. Aujourd’hui, je pense que les spectateurs du Rose Festival peuvent lui affirmer qu’elle avait tort…
Je monte sur scène depuis une dizaine d’années, j’ai fait des centaines de concerts dans ma vie, du petit rassemblement de 30 personnes, aux fêtes de voisins, à des énormes shows de rap, en passant par des grosses salles et des festivals avec des milliers de spectateurs. Je pense que je peux dire que j’ai tout expérimenté. J’avais toujours des choses à prouver, parce que je faisais souvent des premières parties et on ne me connaissait pas toujours, mais j’étais déjà bien rodé à la scène en arrivant dans Nouvelle École. Je ne suis pas venu avec l’objectif de m’améliorer sur ce point, car c’est mon truc. Mon challenge était ailleurs. Il était sur les morceaux, la musicalité, les textes, les thématiques ou encore les refrains.
Justement : quels morceaux préférez-vous jouer sur scène ?
En ce moment, c’est Je t’en veux. Il n’est pas encore sorti, je le joue seulement avec mes musiciens ou sur scène, comme aujourd’hui au Rose Festival. Je le kiffe particulièrement, parce que c’est un morceau sur lequel tout le monde pleure [rires] ! Autant le dire tout de suite : je fais de la musique pour faire pleurer les gens. C’est mon mantra principal. J’adore quand je vois le public sauter et s’éclater, mais ce que je préfère, c’est quand ça chiale. Tu viens au festival, tu as payé ta place, je vais te faire pleurer. C’est ma partie préférée du job [rires].
Aujourd’hui, vous avez été rejoint par James Loup sur la scène. Êtes-vous toujours en contact avec les autres candidats ?
Oui, on est toujours en contact. En réalité, on s’est tous super bien entendus sur le tournage ; c’est quelque chose qu’on ne vit qu’une seule fois dans sa vie et qu’on ne peut pas oublier. On est unis par un lien spécial. On a tous été dans la même pièce durant des heures, on passait nos soirées ensemble, on mangeait ensemble… C’était une colonie de vacances, mais de vacances assez particulières [rires] ! Ça nous a soudés à vie, on continue à beaucoup se voir et se parler, notamment sur un groupe WhatsApp dans lequel on se balance des vannes, on s’envoie des TikTok marrants et on se partage des parodies des autres candidats. Ça part dans tous les sens.
Des featurings seraient-ils en préparation ?
Je prépare effectivement quelques surprises en studio avec des talents de Nouvelle École. J’ai hâte que ça sorte.
Vous avez été influencé par des artistes comme IAM, Youssoupha ou encore Psy 4 de la rime. Dans le télécrochet de Netflix, Aya Nakamura soulignait le fait que le rap connaît une transformation depuis quelques années, et que vous vous rattachez plus au mouvement “à l’ancienne”. Qu’en pensez-vous ?
Je suis tout à fait d’accord avec elle : la musique change, elle évolue – et heureusement. C’est très important que ça bouge, que les artistes osent innover et proposer de nouvelles choses. Ce qui est cool, c’est que le rap devient très hybride aujourd’hui ; il se mêle avec plein de styles différents. Il y a beaucoup de prises de risques et on voit des artistes avec des profils vraiment très diversifiés, ce qui était peut-être moins le cas avant.
C’est génial, mais je pense aussi que le “rap classique” ne se perdra jamais. Le seul fil rouge n’est pas le type de prod, ni le texte, mais le fait de pouvoir toucher ceux qui écoutent nos morceaux. La musique a toujours eu cette vocation, et ça ne changera pas. Elle connaît des cycles et je pense qu’est venu le temps du nouveau rap à l’ancienne, je me ferai un malin plaisir d’y participer.
Qu’est-ce qui vous inspire et vous anime dans l’écriture de vos morceaux ?
Tout ce qui se passe autour de moi. J’ai déjà écrit beaucoup de chansons qui parlent de ce qui se passe à l’intérieur de ma tête, donc j’ai envie de parler des autres maintenant. Je m’inspire de tout : des discussions avec des potes, d’une interview avec un ou une journaliste, d’un concert, d’un livre que j’ai lu, d’un film que j’ai regardé, d’une rencontre qui se passe bien, d’une rencontre qui se passe mal, de la tristesse, de la joie… Tout peut être un moteur pour l’écriture. J’essaie plus en plus de me projeter, de me mettre dans la tête des autres pour parler de choses que je n’ai pas forcément vécues, mais qui cachent une histoire intéressante.
Le Rose Festival est à l’initiative de deux artistes toulousains, Bigflo et Oli. Si vous pouviez, vous aussi, créer votre propre festival en Belgique, à quoi ressemblerait-il ?
Première règle : il n’y aurait pas d’horaire. Je suis un gros festivalier, j’adore ça, mais je déteste quand il est 3 heures du matin et qu’on doit rentrer. Mon festival s’appellerait “Le Twenty-4-Seven” (24/7). Tu viens quand tu veux, tu poses ta tente, tu vas dormir quand ça te chante, mais il y aurait de la musique tout le temps. On préviendrait les voisins, on leur ferait des petits mots, mais il y aurait du son 24h/24, et ça ne s’arrêterait jamais.
On distribuerait aussi gratuitement de l’eau plate à tout le monde. C’est quelque chose qui coûte cher – surtout en France –, donc je la rendrais complètement accessible aux festivaliers. Quant à la bière, il y aurait une formule d’abonnement. J’ai peut-être une idée à un million d’euros, donc je n’ai pas envie qu’on me la vole [rires] !
Concernant la programmation, j’ai envie de quelque chose d’éclectique. Il y aurait Billie Eilish en tête d’affiche, Youssoupha, Son Lux, plein de DJ, de la danse, des débats… C’est bon, ça m’a chauffé, je vais rentrer pour bosser sur ce Twenty-4-Seven festival. Le pitch est simple : sept jours de fête d’affilée.
Mis à part ce Twenty-4-Seven, pour lequel on signe directement, quels sont vos projets ?
Les concerts ! Je suis en plein dedans, j’enchaîne beaucoup de dates. Je profite au maximum, parce que ce sont des moments hors du temps. J’essaie aussi de préparer de nouvelles chansons, d’être en studio, d’écrire. Mon cahier des charges des 12 prochains mois, c’est donc ça : faire des concerts et sortir des chansons. J’ai aussi bien envie de partir en vacances, me faire kiffer, manger et profiter de toutes ces choses très cool de la vie.
J’ai aussi lu que vous écriviez beaucoup de pensées et de fictions. Le développement d’une série ou d’un film pourrait-il s’inscrire dans vos nouveaux projets ?
Ça m’a toujours tenté. Quand j’ai commencé à écrire, j’imaginais des histoires plutôt que des morceaux. J’aimerais beaucoup me lancer dans de nouvelles formes d’écriture, comme des livres ou des films, mais je les sacralise beaucoup trop. Non pas que je néglige la musique, mais le rap est plus spontané pour moi. J’aime trop l’imperfection dans les chansons que j’écris. Par contre, l’imperfection dans un bouquin me traumatiserait.
Je ne pourrais pas me pardonner d’écrire une histoire bancale, donc je passerais des années à me prendre la tête avant de me sentir prêt. J’espère que je le serai un jour, mais c’est un projet trop important pour moi. Si je devais écrire un livre, je pense qu’on ne me reverrait pas durant plusieurs années. Je me mettrais trop la pression.
Et de quoi parlerait ce livre ?
Je ne sais pas encore. J’ai envie d’avoir une idée de roman de ouf. Un livre qui fait pleurer les gens.
Décidément, vous voulez vraiment nous faire pleurer !
C’est mon job [rires] ! Certains sont faits pour faire danser, mais moi, je suis dans la catégorie des chasseurs de larmes.