Le groupe de hip-hop emblématique des années 1990 créait la sensation il y a quelques années en mettant sur le marché un nouvel album vendu à un seul exemplaire. Un groupe de collectionneurs de NFT new-yorkais vient de mettre la main sur celui-ci : montant de la facture, quatre millions de dollars.
L’album le plus cher de tous les temps est-il en passe d’être enfin révélé au public ? Racheté quatre millions de dollars par PleasrDAO, un groupe de collectionneurs de NFT – ces jetons numériques associés à des oeuvre virtuelles, réputés inviolables, qui ont dopé le marché de l’art contemporain depuis le début de la pandémie -, l’album intitulé Once Upon a Time in Shaolin pourrait parvenir aux oreilles des fans les plus avertis plus tôt que prévu. Reste à savoir comment ce groupe de collectionneurs d’œuvres dématérialisées pourra partager l’album, étant donné que le Wu-Tang Clan a originellement scellé un accord interdisant sa commercialisation pendant les 88 prochaines années… Mais pourquoi une telle clause ?
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La statut particulier de cette œuvre est aujourd’hui considéré par certains comme une préfiguration de l’ère des NFT. Composé d’une trentaine de titres, l’album a été conçu à la fin des années 2000 en réaction à la dévaluation de l’art musical par l’essor du streaming et du téléchargement illégal. À l’époque de sa mise aux enchères en 2015, le groupe, inspiré par le modèle du mécénat artistique propre à la Renaissance, veut donner à sa musique une exclusivité similaire aux objets d’art contemporain. L’album, véritable joyau gardé précieusement dans un coffre-fort, est ainsi dissimulé dans une boîte argentée incrustée de bijoux avec un sceau en cire du Wu-Tang Clan. RZA, leader emblématique du groupe, avait alors déclaré au magazine Forbes vouloir révolutionner les codes de l’industrie musicale : « Nous sommes sur le point de sortir une œuvre d’art comme personne ne l’a jamais fait dans l’histoire de la musique [moderne] (…) C’est comme si quelqu’un possédait le sceptre d’un roi égyptien ». Après avoir exposé l’album en mars 2015 à un petit groupe d’amateurs d’art triés sur le volet, Once upon a time in Shaolin est vendu aux enchères pour deux millions de dollars à l’entrepreneur pharmaceutique controversé Martin Shkreli.
Un album passé entre plusieurs mains
Comment PleasrDAO est-il donc parvenu à racheter l’album du Wu-Tang Clan, pour « seulement » le double de son prix d’origine ? La vente aux enchères a été organisée en juillet dernier par la justice américaine pour régler le contentieux de Martin Shkreli, un des hommes les plus détestés d’Amérique. Shkreli avait notamment diffusé des extraits de l’album lors de la victoire de Donald Trump en 2016 et avait plusieurs fois menacé de le détruire. Celui-ci s’était fait connaître du grand public en 2015 pour avoir multiplié par 55 le prix du Daraprim (passant alors de 13,5 à 775 dollars le comprimé), un médicament destiné aux séropositifs. Il sera arrêté fin 2015 par la justice américaine pour fraude en matière de valeurs mobilières. Après coup, les membres du Wu-Tang Clan ont déclaré qu’ils ne connaissaient pas l’identité de leur acheteur et qu’en conséquence ils reverseraient une part significative des revenus engendrés par la vente à des causes caritatives.
Avec ce changement de propriétaire, les fans ont donc bon espoir de découvrir enfin Once upon a time in Shaolin, qui ne peut toujours pas être commercialisé (du moins pas avant l’année 2103, précisons-le) mais peut néanmoins faire l’objet de sessions d’écoute. A moins que ce dernier soit mis en ligne gratuitement par ses acquéreurs, en faisant ainsi un bien public ? Rien n’est moins sûr. Il se pourrait ainsi que l’avenir de l’album le plus cher du monde se joue sur le terrain de la blockchain, cette technologie de stockage et de transmission des données qui bouleverse actuellement le monde de l’art.