À l’approche des fêtes de fin d’année, Estéban, alias David Boring, électron libre des Naive New Beaters, revient auprès L’Éclaireur sur sa carrière, sa vie, ses passions, ainsi que ses projets à venir comme passés. Rencontre.
Sans surprise, Estéban est insaisissable. Autant quand il attend qu’on le questionne sur ses trois qualités et ses trois défauts… qu’en termes d’agenda, lui qui est sur tous les fronts en cette fin d’année 2023, entre musique, cinéma et télévision. L’occasion de faire un point sur ces mois passés, sur son présent brillant et sur son futur encore obscur !
Michaël Bensoussan, David Boring ou Estéban, voire Michaël Clair… Plusieurs personnages dans une même enveloppe corporelle. Ça crée de la schizophrénie ?
Non, pas du tout, c’est relax. Michaël Bensoussan, par exemple, a été inventé par Wikipédia. À un moment, je ne peux plus faire grand-chose. Généralement, pour tout ce qui est musique, c’est David Boring. Tout ce qui est cinéma, c’est Estéban. Pour payer les impôts, en revanche, c’est le prénom Michaël.
Estéban est caractérisé par ce que Télérama appelle une “voix traînante, une diction zarbi de fumeur de joints”. Cette voix identifiable vous aide-t-elle dans la composition de vos personnages ?
Disons que je n’ai pas vraiment le choix [rires]… Cette voix me rend un peu identifiable, c’est pratique. Quand j’ai fait Les Grosses Têtes, Ruquier m’a dit : “C’est cool, vu que ta voix est bien reconnaissable, quand on t’entend en audio, on va tout de suite savoir que c’est toi.”
Entre votre père Philippe Clair qui est cinéaste et votre enfance à Los Angeles, qu’est-ce qui vous a le plus amené vers le 7e art ?
C’est plutôt une envie que j’ai depuis tout petit ; avant même de bosser avec mon père. Après ça, on m’a proposé un rôle dans un court-métrage qui s’appelait La Vie parisienne (2012) de Vincent Dietschy. Le court-métrage a bien tourné. Il a eu pas mal de prix et a même été aux César. Cette première expérience m’a mis le pied à l’étrier.
Quel a été le déclic du côté de la musique ?
Là, c’était plus un hasard [rires]. À un moment de ma vie, je ne faisais plus grand-chose et c’est là que j’ai croisé Martin Luther B.B. King et Eurobelix, mes deux acolytes des Naive New Beaters. Eux non plus ne faisaient pas grand-chose à part de la musique dans un petit garage.
« Au final, tu composes de la musique, mais ce n’est pas forcément lié qu’à des inspirations musicales. C’est aussi le style que tu as envie de mettre. »
Estéban
Je leur ai demandé si je pouvais rester avec eux pour chiller, boire des bières, et faire de la musique. Après quoi, on a eu l’idée de monter un groupe. Ça s’est improvisé comme ça et au bout d’un mois seulement, on faisait notre premier concert.
Entre la sortie de votre single Dancing, le film La Fiancée du poète, le doublage de Linda veut du poulet !, ou encore votre rôle dans la série Benoît Gênant Officiel… Vous avez une fin d’année bien chargée. C’est toujours comme cela dans votre quotidien ?
Oui, mais au final, un tournage ce n’est pas non plus énormément de jours. Parfois, j’ai l’impression de glandouiller. Parfois, j’ai l’impression de ne pas voir le temps passer. Malgré ça, j’ai le temps de promener mon chien, de faire du jardinage. C’est cool. Même si je n’ai pas de jardin [rires].
Ça fait toujours un peu flipper les périodes d’attente, mais, en même temps, c’est jamais une glande à 100%. Je suis tout le temps en train de penser à des choses. J’essaie d’avancer sur d’autres projets qui sont sur le feu. Par exemple, il y a une série d’animation sur laquelle je bosse. Ça fait huit ans que j’essaie de la faire, mais je ne perds pas espoir !
Concernant votre rôle dans la série Benoît Gênant Officiel d’Éric Lavaine, vous vous êtes plongé dans le monde de l’immobilier. Comment vous êtes-vous préparé ?
Dans l’agence où nous avons tourné, ils ont une DVDTek avec des programmes de Stéphane Plaza, et un lecteur DVD dédié uniquement au visionnage des émissions de Stéphane Plaza [rires]. Je plaisante, bien sûr. En réalité, nous avons passé deux mois intenses dans une vraie agence immobilière. On était dans des décors un peu glauques. En même temps, c’est un projet assez étrange. Rien qu’en lisant le scénario, je trouvais que c’était abusé, au point d’en être gêné. Ceci étant dit, je trouve ça sympa d’aller vraiment à fond dans ce délire de gêne. Je crois que ça marche. Quand je mate, je suis gêné [rires].
J’y incarne le cousin de Benoît Gênant, qui travaille dans l’agence, mais on ne connaît pas vraiment ses compétences. Il est un peu louche, parce qu’il connaît pas mal de choses par cœur, mais qui ne lui servent pas forcément. Par exemple, il connaît toutes les fonctionnalités d’un four encastrable. C’est un savoir un peu inutile, mais que tu peux, au final, toujours placer dans une discussion.
Au sujet des influences des Naive New Beaters, vous citez Tom Cruise, Richard Branson, ou encore la Californie au sens large. Comment ces références ont-elles influencé votre musique ?
Nous sommes influencés par les choses avec lesquelles nous avons grandi. À l’époque, c’était la conquête spatiale avec Branson, mais il s’est fait un peu doubler depuis [rires]. Au final, tu composes de la musique, mais ce n’est pas forcément lié qu’à des inspirations musicales. C’est aussi le style que tu as envie de mettre. Quand on parle de Californie, on a une sorte d’imaginaire avec les palmiers, la route qui défile, le côté oversize de tout, le côté abusé, le côté un peu loufoque et cinématographique. Ce sont des choses que l’on peut appliquer aussi à la musique.
Dancing est le premier single de votre nouvel album à paraître en mars 2024. Pouvez-vous nous en dire plus sur la couleur de l’opus à venir ?
L’album va s’appeler Future Room. Au début, je me disais : “C’est un péplum moderne aussi sentimental que dansant.” J’aimais bien cette phrase. Je ne sais pas si elle a un énorme sens [rires]. C’est une façon d’essayer de placer la musique dans le temps. On a toujours fait une musique qui n’était pas forcément à la mode. Pas non plus démodée, mais qui a sa propre temporalité. Ça donne une sorte de modernité tournée vers le passé.
Comment peut-on proposer un péplum en musique ?
Pour commencer, on l’a transposé sur la pochette de l’album, sur laquelle on apparaît en tant que statues grecques. L’album est un peu plus aventureux. Au niveau des structures, on s’est permis des introductions plus longues, des structures où ce n’est pas forcément couplet-refrain. On a essayé des choses plus expérimentales, des trucs peut-être un peu plus épiques, plus grandioses, même si c’est à notre propre échelle.
En 2024, vous serez aussi à l’affiche du prochain film d’Édouard Pluvieux. Pouvez-vous nous en dire plus sur le long-métrage et sur votre rôle dans ce dernier ?
Le film s’appelle 14 jours pour aller mieux. C’est avec Maxime Gasteuil, Zabou Breitman et Lionel Abélanski. Le personnage de Maxime Gasteuil est parachuté dans un stage de bien-être avec des clairvoyants.
J’ai un rôle assez spécial, parce que moi qui suis quelqu’un d’assez bavard, ici c’est la première fois que j’ai un rôle où mon personnage ne peut pas parler, il est bloqué. C’était assez frustrant, mais ça fait du bien. Ça m’a fait une petite thérapie. Physiquement, il ressemble un peu à Jésus [rires].
Vous êtes déjà hyperactif dans de nombreux arts. Quelles sont vos bonnes résolutions pour 2024 ? Avez-vous d’autres territoires culturels à explorer ?
J’aimerais m’investir davantage dans la réalisation, mais c’est un peu plus compliqué. Ça prend plus de temps. C’est un domaine assez complet, qui m’attire beaucoup. Il faut simplement s’en donner les moyens. J’ai déjà des projets en cours.
Votre père est aussi beaucoup monté sur les planches des théâtres. Est-ce un art que vous souhaiteriez expérimenter ?
Au début, je n’étais pas du tout attiré par le théâtre, mais, récemment, il y a eu une combinaison de propositions. Par exemple, la semaine dernière, j’ai fait une lecture au théâtre. C’était très amusant. J’essaie aussi de monter une pièce avec un des acteurs de La Fiancée du poète, Thomas Guy, qui a écrit un texte vraiment cool.
Quelles sont vos recommandations culturelles en cette fin d’année ?
Je peux vous conseiller l’exposition de Sophie Calle, À toi de faire, ma mignonne, à voir au Musée Picasso. J’ai beaucoup aimé ! J’ai adoré La Symphonie des éclairs, le dernier album de Zaho de Sagazan. Je suis un peu passé à côté quand c’est sorti. Puis, j’ai eu la chance de la voir en concert et j’ai trouvé ça dingue. Ça a été une grosse claque musicale. Je terminerais avec une recommandation littéraire, Jonathan Livingstone, le goéland, de Richard Bach.