Pour se faire peur à l’approche d’Halloween, rien de tel que les légendes urbaines. Les creepypastas, qui se répandent depuis les années 2000, mêlent surnaturel et pop culture.
S’échanger des histoires effrayantes ne vient certainement pas des réseaux sociaux, elles étaient déjà racontées et transmises entre amis, en pleine nuit, autour d’un feu de camp, par exemple. Chaque média a eu l’occasion de renouveler le genre de l’horreur, que ce soit la littérature, le cinéma ou le jeu vidéo.
Sur Internet, les histoires d’horreur se transmettent notamment sous la forme de creepypastas, des histoires qui se transmettent sur diverses plateformes, de 4chan à YouTube, en passant par des sites spécialisés. Comme les autres avant eux, les creepypastas reflètent les inquiétudes et les obsessions de leur époque.
C’est quoi, un creepypasta ?
Mot-valise constitué de creepy (effrayant) et copy-pasta (dérivé de copy-paste, copié-collé), le creepypasta est une histoire d’horreur publiée sur Internet et qui respecte un certain nombre de principes.
Le plus souvent, elle est écrite sous la forme d’un témoignage à la première personne et, pour mieux tenir ses lecteurs en haleine, peut même être publiée en plusieurs parties à plusieurs jours d’intervalle, à la manière d’un journal des événements étranges qui arrivent au narrateur. Parfois, le creepypasta peut aussi être créé sous forme de faux articles de journaux ou de rapports de police. Si la plupart existent d’abord uniquement par écrit, les creepypastas sont souvent multimédias, associés à des photos et des vidéos pour appuyer le récit et le rendre plus vraisemblable. Le but étant, comme avec toute légende urbaine, de laisser planer le doute sur la véracité du récit.
Quelques exemples connus
Les creepypastas ont vu leur apogée vers 2010 et les histoires les plus connues, encore aujourd’hui, datent de ces années-là. Elles se transmettent de bouche à oreille, ou plutôt de clavier à écran, avec chaque internaute qui ajoute sa patte, son anecdote, sa version, son illustration, jusqu’à créer de véritables mythes qui ont un impact culturel… et parfois criminel.
Slenderman, l’homme sans visage
Cet « homme svelte » a une silhouette aussi reconnaissable que dérangeante : un géant filiforme habillé en costume-cravate noir, doté de bras anormalement longs, parfois de tentacules dans le dos, et surtout d’une tête blanche sans visage. Il observe de loin ses victimes – souvent des enfants – pour les traquer, leur faire peur et, finalement, les rendre fous. Selon les versions, il peut être doté de différents pouvoirs, comme la téléportation, la télékinésie ou la capacité de brouiller les appareils électroniques.
Ce personnage a eu un tel succès qu’il a eu nombre d’adaptations en jeux vidéo ainsi qu’un film. Malheureusement, il est aussi connu pour avoir été lié à deux affaires criminelles : en 2014, deux Américaines de 12 ans ont entraîné une de leurs amies dans la forêt et l’ont poignardée à 19 reprises, soi-disant pour apaiser Slenderman. En France, en 2022, une jeune fille de 14 ans a poignardé son père à mort et blessé sa mère et sa sœur pour devenir une de ses disciples.
Jeff the Killer, le tueur en série fou
Un teint blafard, de longs cheveux noirs, deux billes blanches sans paupières en guise d’yeux et un large sourire ensanglanté rappelant le Joker, voici le portrait de Jeff le tueur. Victime de harcèlement ayant culminé en une attaque à l’acide, Jeff perd la raison en découvrant son nouveau visage complètement brûlé. Il tue sa famille puis part à la recherche d’autres victimes. Il s’introduit dans des maisons en pleine nuit et dit « endors-toi » à ses victimes avant de les poignarder.
En plus du creepypasta lui-même, Jeff the Killer fascine les internautes à cause de l’illustration effrayante qui le représente : d’où vient-elle ? La version la plus ancienne ayant été retrouvée à ce jour vient d’une vidéo japonaise datant de 2005, où elle y apparaît brièvement, mais des rumeurs circulent sur une apparition encore plus ancienne qui aurait disparu du Web.
Ben Drowned, le jeu vidéo hanté
Un étudiant fauché cherche de vieux jeux vidéo lors d’une brocante quand un vieil homme lui donne une cartouche du jeu The Legend of Zelda: Majora’s Mask sur Nintendo 64. Jeu qui appartenait à un petit garçon, Ben, maintenant décédé. Sa sauvegarde, encore présente, semble corrompre le reste du jeu : les personnages ne cessent d’appeler le joueur Ben au lieu du nom qu’il a choisi. Il choisit donc de supprimer la sauvegarde de Ben, ce qui ne fera qu’aggraver les choses.
Son personnage est pris de spasmes, meurt brûlé vif de manière soudaine sans aucune explication ou se retrouve bloqué dans une ville complètement déserte. Le narrateur décide donc de raconter ce qui se passe sur la plateforme 4chan et de publier des vidéos du jeu sur YouTube en guise de preuves. Il est alors contacté par Cleverbot (un chatbot populaire dans les années 2000), sauf que le bot s’avère être Ben, qui avoue aimer le tourmenter. Depuis, le narrateur voit la statue de Link et le personnage du vendeur de masques le poursuivre dans des cauchemars récurrents. Les personnages répètent aussi de nombreuses fois les deux phrases suivantes : « Tu es confronté à une terrible destinée, n’est-ce pas ? » et « Tu n’aurais pas dû faire ça. » Lors d’un dernier message sur 4chan, il dit qu’il va brûler la cartouche et incite les utilisateurs à ne pas partager les vidéos pour que Ben ne les hante pas.
Ben Drowned a établi le cliché du jeu vidéo hanté qui crée des comportements étranges chez les personnages et semble s’adresser directement au joueur pour le menacer. Étant l’un des creepypastas les plus connus, son auteur Alex Hall a écrit une suite et les fans alimentent un wiki, toujours actif plus de dix ans après le début de l’histoire.
Le syndrome de Lavanville, quand la musique peut tuer
Pokémon, célèbre série de jeux vidéo pour enfants déclinée en dessins animés et produits dérivés, c’est une histoire d’aventure et d’amitié assez innocente, en tout cas en apparence. Dans Pokémon Rouge et Bleu, Lavanville détonne par rapport au reste du monde : pas d’arène, mais une tour-cimetière fréquentée par les dresseurs dévastés par la mort de leur Pokémon et hantée par les fantômes de ces derniers. La musique, déprimante et dérangeante à la manière d’un requiem, aurait une version beta qui ne serait que dans la version japonaise de la cartouche. Version qui aurait provoqué des crises d’angoisse et une vague de suicides chez ses jeunes joueurs, à cause de fréquences néfastes et de messages subliminaux.
Le japonais étant une langue maîtrisée par peu de monde en dehors du pays, beaucoup de creepypastas liés aux jeux vidéo s’y déroulent pour que l’information soit moins facile à vérifier. Celui-là a eu d’autant plus de succès qu’un épisode du dessin animé Pokémon a réellement nui à des enfants japonais : en 1997, un épisode comportant des flashs lumineux très rapides a causé maux de tête, vomissements et crises d’épilepsie chez ses spectateurs, conduisant à la prise en charge en ambulance de près de 700 enfants lors de sa diffusion à la télévision.
Loin des monstres classiques et des scénarios des slashers, les creepypastas sont faits sur mesure pour les internautes. La pop culture teintée de nostalgie perd son innocence pour montrer un visage malsain, sous forme de jeux hantés et de lost media, d’épisodes de nos dessins animés préférés ayant mystérieusement disparu de la circulation, car trop malsains ou montrant les personnages principaux en train de se suicider, à l’instar de Suicide Mouse pour Mickey, Squidward’s Suicide pour Bob L’Éponge et Bart’s Dead pour Les Simpson. Quant aux tueurs en série et autres créatures malfaisantes, ils s’attaquent en particulier aux personnes seules qui sont éveillées la nuit… Comme celles qui lisent ces histoires sur leur smartphone.