Chaque mois, un·e artiste (acteur·rice, auteur·rice, chanteur·se…) partage avec L’Éclaireur une dizaine d’œuvres qui l’ont particulièrement touché·e, pour différentes raisons, à différentes époques de sa vie. Ce mois-ci, c’est la réalisatrice Marie Garel-Weiss qui se prête au jeu.
Pour son troisième film, Marie Garel-Weiss propose un long-métrage à la croisée des genres, entre la fable et la comédie policière. Sur la branche raconte l’histoire de Mimi (Daphné Patakia), jeune juriste prête à reprendre sa vie en main après une longue hospitalisation. Elle fait alors la connaissance de Paul (Benoît Poelvoorde), avocat en bout de piste avec qui elle fera tout pour défendre Christophe, un petit arnaqueur interprété par Raphaël Quenard.
Révélée en 2017 avec La Fête est finie, Marie Garel-Weiss continue de dresser des portraits de personnages jugés « inadaptés » à la société, avec une grande douceur. Avant la sortie du film, prévue pour le 26 juillet prochain, la réalisatrice a accepté de revenir pour L’Éclaireur sur les films qui ont marqué sa vie.
Quel est votre premier souvenir marquant de cinéma ?
Ma mère m’avait emmenée voir Le Magicien d’Oz (1939) quand j’étais petite. Comme premier souvenir, c’est assez fort, on a un peu l’impression d’avoir pris un acide avant la séance… Toutes ces couleurs, ces scènes un peu effrayantes, ce sont des images qui restent à vie. Je crois qu’elle m’avait emmenée aussi voir Indiscrétions (1947) avec Katharine Hepburn. Je pense que les films de l’enfance laissent une grande empreinte chez l’adulte qu’on devient. “Dis moi ce que tes parents t’emmenaient voir et je te dirai qui tu es”, ça sonne pas mal [rires].
Si vous ne pouviez voir qu’un seul film en boucle, ce serait lequel ?
New York, New York (1977) de Martin Scorsese. Je pense que c’est mon film préféré. C’est un film vraiment fabuleux, j’aime tout dedans. C’est une grande histoire d’amour tragique, avec Liza Minnelli et Robert De Niro, c’est parfait pour pleurer un bon coup.
Une scène qui vous glace le sang ?
Je pense à des scènes de L’Exorciste (1973) de William Friedkin, même si en y repensant, le passage du crucifix dans les parties intimes est devenu plutôt comique avec le temps… Sinon, j’adore un film qui est pourtant moins connu, L’Emprise (1982) de Sidney J. Furie. C’est l’histoire d’une femme qui se fait tourmenter par une entité démoniaque. Dans une des scènes, elle est violée par la créature invisible devant les yeux de son mari, terrifié et impuissant. C’est une scène vraiment marquante et un film incroyable.
Même si Sur la branche est à l’opposé du film d’horreur, j’adorerais en réaliser un. Quand j’ai commencé avec Thierry Poiraud, nos premiers scénarios étaient dans ce genre-là. Je ne suis pas très portée sur le gore ou les slashers, je préfère l’aspect psychologique. Pour moi, Hérédité (2018) et Midsommar (2019) d’Ari Aster sont des purs chefs-d’œuvre.
Le film que vous devez voir, mais que vous n’avez toujours pas vu ?
Les Sentiers de la gloire (1957) de Stanley Kubrick. Je fais comme si je l’avais vu [rires] !
Le film que vous prenez plaisir à revoir, mais que vous n’assumez pas du tout ?
C’est une longue histoire ! Un jour, j’étais dans ma voiture, à une période où ça n’allait pas bien dans ma vie. À la radio est passée I Will Always Love You de Whitney Houston. Ça m’a donnée envie de revoir Bodyguard (1992) de Mick Jackson, je l’ai fait, et j’ai fondu en larmes. C’était vraiment l’expression d’un gros mal-être, mais je peux le dire haut et fort : j’ai aimé Bodyguard.
L’acteur ou l’actrice avec qui vous auriez rêvé de tourner ?
J’aurais adoré tourner avec Peter Sellers, Adam Sandler, Steve Carell, Ben Stiller, bref que des acteurs comiques. Pour moi, faire rire, c’est un talent monstre, une somme de qualités incroyables. J’aime le charme de ces comédiens, on a l’impression qu’ils ne se prennent jamais au sérieux. Benoît Poelvoorde, qui joue dans mon film, a un peu ce côté-là. J’avais envie de le voir dans un rôle attachant, drôle et maladroit. Tu peux filmer Benoît, il va te faire un truc inexplicable avec sa tête, qui te fera rire, ou au contraire de la peine en une fraction de seconde. Il y a des scènes dans Crazy, Stupid, Love (2011) où Steve Carell peut t’émouvoir en un plan, alors que c’est certainement un des acteurs les plus drôles au monde.
La musique de film que vous aimez réécouter ?
Sans aucun doute, la musique de David Shire pour Conversation secrète (1974) de Francis Ford Coppola. Je suis dingue de cette bande-son. Pour la scène finale de Sur la branche, mon compagnon m’a fait découvrir Good bye, je reviendrai (1972) de Christophe, je l’adore.
Le dernier film qui vous a marqué au cinéma ?
Je suis provinciale, je ne vais pas trop au cinéma… Mais j’ai adoré Et j’aime à la fureur (2021) d’André Bonzel, un ami de Benoît. C’est un documentaire uniquement réalisé avec des films amateurs et anonymes qu’il collectionne depuis l’enfance. J’ai trouvé que c’était une belle manière de raconter sa vie. Sinon Poulet frites (2021) d’Yves Hinant et Jean Libon, et Sans filtre (2022) de Ruben Östlund. Il paraît que beaucoup de gens n’ont pas aimé, moi j’ai trouvé toute la dernière partie hilarante.
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Le film qui aborde le mieux la santé mentale ?
J’ai beaucoup aimé le traitement de Paul Thomas Anderson dans Punch-Drunk Love (2002). On comprend que le héros souffre de bipolarité, de beaucoup de TOC… Après, ce sont des sujets qui me passionnent, donc j’ai peut-être tendance à trop interpréter. Mais je reste quand même persuadée que les grands personnages du cinéma sont un peu tous névrosés au fond.