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Lire dans nos pensées ? Quand l’intelligence artificielle s’invite dans notre cerveau

27 juin 2023
Par Florence Santrot
Lire dans nos pensées ? Quand l'intelligence artificielle s'invite dans notre cerveau
©SynthEx/Shutterstock

Une machine capable de traduire ce qu’il se passe dans votre cerveau en mots ou actions, ce n’est plus de la science-fiction. Des neuroscientifiques de l’université d’Austin, au Texas, en ont fait la démonstration.

Voilà une découverte scientifique majeure. L’IA permet désormais la lecture non invasive des pensées d’un être humain pour les transformer en texte. On doit cette avancée à une équipe de scientifiques de l’université du Texas à Austin, qui a mis au point un modèle d’IA et publié les détails de cette méthode dans la revue Nature Neuroscience

Les neuroscientifiques ont développé une méthode non invasive pour déterminer l’essence de la parole imaginaire en utilisant des scanners cérébraux. Objectif : ouvrir des perspectives de communication pour les personnes qui ne peuvent pas parler. Concrètement, trois personnes ont été placées dans un tunnel d’IRM (imagerie par résonance magnétique), puis on leur a fait écouter des histoires pendant que leur cerveau était examiné par la machine. Ils y ont passé un total de 16 heures, écoutant des podcasts, se racontant des histoires dans leur tête ou regardant un film muet. Les universitaires affirment avoir produit le texte des pensées des participants sans se faire aider du moindre implant cérébral.

Une IA capable de décoder un langage continu et non plus des mots épars

« Nous décodons quelque chose de plus profond que le langage », a affirmé Alexander Huth, professeur adjoint de neurosciences à l’UT Austin. Le décodeur peut saisir l’intangible – les différentes formes que prennent nos pensées – et les transformer en quelque chose de compréhensible et, surtout, de communicable. « Pour une méthode non invasive, il s’agit d’un véritable bond en avant par rapport à ce qui a été fait jusqu’à présent, à savoir des mots isolés ou des phrases courtes. Nous obtenons un modèle qui permet de décoder un langage continu pendant de longues périodes avec des idées compliquées », a-t-il ajouté.

Concrètement, l’IA a appris à décoder les flux sanguins selon les zones du cerveau investies. Si le sang afflue à un endroit précis, cela correspond à un mot ou suite de mots et donc à telle pensée. Le tout est ensuite traduit en texte écrit. L’IA n’est pas encore capable de restituer mot pour mot une phrase écoutée dans un podcast ou les mots que l’on pose dans sa tête quand on regarde un film muet. Mais l’idée est là, sans erreur.

Selon Alexander Huth, dès que l’IA aura été complètement entraînée, elle sera capable de générer un flux de texte dès lors qu’un participant écoutera ou imaginera une histoire. Cependant, les résultats de l’étude réalisée auprès de trois personnes montre encore les limites de cette technologie. Mais l’intelligence artificielle ne cesse de faire des progrès, en matière d’analyse du cerveau comme ailleurs.

Une avancée, mais des limitations encore réelles

Bien que cette méthode ait réussi à décoder partiellement les pensées et à produire des phrases correspondant à l’essence de ce que les participants pensaient ou voyaient, elle est encore loin d’être parfaitement précise. En effet, les chercheurs ont convenu qu’il était encore assez facile de tromper la machine. En outre, chaque individu possède un modèle cérébral unique, ce qui rend difficile la création d’un décodeur universel.

Mais cela pourrait être d’une grande aide pour une personne ayant subi un AVC et qui a perdu l’usage – temporaire ou non – de la parole. Ou encore pour les personnes souffrant d’un handicap lourd, qui pourraient utiliser la pensée pour commander à un exosquelette de les aider à marcher, par exemple. Les chercheurs imaginent aussi un usage pour les personnes victimes du syndrome du papillon et qui ne communiquent pas ou peu avec l’extérieur. L’IA pourrait traduire leurs pensées… et faire tomber en partie les barrières de leur isolement.

Et pourquoi pas une puce dans le cerveau ?

Cette découverte scientifique non invasive est donc prometteuse, même s’il faudra trouver une solution plus simple que de rester bloqué des heures dans un tunnel d’IRM. Mais d’autres pistes sont également explorées en matière de lecture des pensées. Ainsi, Neuralink, une des sociétés d’Elon Musk, travaille à la mise au point d’une puce placée dans le cerveau pour lui permettre de communiquer directement avec un ordinateur. Là encore loin d’être de la science-fiction, le projet avance relativement rapidement. 

Au point que la start-up a annoncé fin mai qu’elle avait reçu l’accord des autorités sanitaires américaines pour tester ses implants cérébraux connectés sur des humains. Et Neuralink va prochainement débuter les recrutements pour les essais cliniques. Dans un premier temps, priorité sera donnée à aider des personnes paralysées ou souffrant de maladies neurologiques. La puce implantée dans le cerveau d’une personne en bonne santé n’est donc pas encore à l’ordre du jour.

Une menace pour la vie privée mentale ?

Les experts en neuroéthique sont partagés quant à savoir si cette technologie représente une menace pour la vie privée mentale. Ils soulignent dès à présent la nécessité de politiques pour éviter les abus potentiels. Ils mettent notamment en garde contre l’utilisation inappropriée de cette technologie par les tribunaux et les avocats. Il semble en effet important, comme le soulignent les chercheurs de l’université d’Austin, de poser dès à présent les questions éthiques avant que la technologie ne soit totalement au point… et non maîtrisée. Ils appellent à une action proactive pour définir les utilisations légales et restreintes de ces technologies, afin de garantir le respect de la vie privée. Et de prévenir les abus potentiels.

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