Provocante, sulfureuse, scandaleuse… The Idol a choqué nombre de spectateurs. Le spécialiste des séries Pierre Langlais a visionné le deuxième épisode, et nous partage ses premières impressions sur ce dernier.
The Idol fait partie de ces séries qui ont créé la polémique à leur sortie. Ce battage médiatique est-il mérité ? On a posé la question à Pierre Langlais, journaliste à Télérama, auteur de Créer une série, et aussi connu sous le nom de MrSeries sur Twitter.
Diffusés au Festival de Cannes, les deux premiers épisodes de The Idol ont été jugés scandaleux et provocants par les médias français et américain. Qu’avez-vous pensé du premier ?
Je m’attendais à une catastrophe absolue. Le pitch, les conditions de tournage, la bande-annonce et les premiers retours cannois très négatifs m’ont fait peur. Finalement, j’ai été moins scandalisé que prévu. J’ai trouvé cet épisode prétentieux, inintéressant et beaucoup plus simple qu’il ne voudrait l’être. Il est découpé en deux parties. La première est satirique et s’intéresse à Hollywood, à l’entourage de cette chanteuse, la violence qui l’entoure et son état psychologique dégradé. Jocelyn est une personne en souffrance, elle a perdu sa mère, elle a du mal à relancer sa carrière… La deuxième partie est focalisée sur la naissance de sa relation toxique avec Tedros, qui va débouler dans sa vie.
À défaut d’être originale, la satire m’a diverti. Je me suis dit “pourquoi pas ?”. Après tout, ça peut être un dézingage au bazooka d’un certain Hollywood et d’une certaine industrie. On l’a déjà vu, mais ce n’est pas grave. En revanche, la partie avec Tedros m’a vraiment ennuyé. Je l’ai trouvée mal écrite, mal jouée, caricaturale dans la mise en scène… Je suis sorti de ce premier épisode en me demandant pourquoi on avait fait un tel battage médiatique autour de cette série, qui est juste passable. The Idol fait partie de ces fictions qui se croient malines, mais qui sont en réalité juste passables.
Il y a néanmoins des choses à garder dans ce pilote. Par exemple, la scène d’ouverture est intéressante. Ce premier plan figé sur le visage de Lily-Rose Depp m’a fait penser (en version moins bien) à celui de Boss, qui commençait aussi sur un plan fixe du visage. Finalement, l’actrice principale est la seule bonne surprise de cette production – et l’épisode 2 le confirme. Elle s’en sort plutôt bien, malgré le fait qu’elle ait un rôle ingrat.
Le deuxième épisode vient tout juste de sortir. Va-t-il plus loin dans le scandale et la provocation ? Ceux qui n’ont pas aimé le premier peuvent-ils aimer le second ?
Je suis peut-être hermétique à la provocation, mais je la trouve très réchauffée ici. La série ne pose pas de question particulièrement neuve. Le deuxième épisode est structuré de la même manière que le premier et le montage est uniquement rythmé par des cuts. On voit Jocelyn se désintégrer parce qu’elle n’arrive pas à être complètement dans l’enregistrement de son clip et elle danse à s’en faire saigner les pieds.
C’est ça qui est provocant ? C’est le fait que le personnage soit dans l’autodestruction ? Pardon, mais on a déjà vu des choses beaucoup plus choquantes dans d’autres séries. Il existe de nombreux personnages féminins qui sont en souffrance psychologique, qui sont exploités par leur entourage et dont la santé mentale est clairement préoccupante.
La deuxième partie de l’épisode propose quant à elle de l’érotisme, et il y a vaguement du cul. Il y a des clichés, comme cette caresse avec un glaçon ou Tedros qui regarde Joss se caresser, les yeux bandés. Pour moi, ce n’est ni choquant, ni séduisant, ni dégueulasse. Il n’y a que The Weeknd qui dégage quelque chose de malsain, sûrement parce que c’est un mauvais acteur et qu’il est ridicule dans son accoutrement.
Pour le reste, c’est très “toc”. Je ne suis pas ému ni choqué. Je pense que c’est une série médiocre qui ne mériterait pas qu’on en parle autant. C’est un joli coup de communication, peut-être aussi lié au statut de star de The Weeknd. En revanche, je souhaite tout le bonheur du monde à Lily-Rose Depp et j’espère qu’elle aura des rôles de qualité après The Idol.
La série propose-t-elle néanmoins des idées ou des éléments intéressants ?
Cette forme d’autodestruction pourrait être intéressante. On peut imaginer que sa vie sexuelle (qu’elle semble choisir dans un premier temps) reflète ce qu’on lui impose dans le quotidien. Dans ces deux premiers épisodes, elle n’est pas totalement victime de Tedros. Il est toxique, on sent que c’est un manipulateur et on se doute que ça va mal tourner. En revanche, c’est elle qui décide de le revoir et d’être embarquée dans cette relation.
Dans une séquence, elle lui demande explicitement d’être maltraitée. Tout ça est évidemment très complexe et potentiellement hyper intéressant sur ce que ça dit de la toxicité de Tedros, et de la fragilité émotionnelle et psychologique de Jocelyn. Il y a une tentative de réflexion sur son empowerment, sur sa manière de reprendre le pouvoir à travers cette relation alors qu’elle n’a aucun espace pour exister dans sa carrière professionnelle, car on lui dicte tout. Malgré ces bonnes idées, ce n’est pas une bonne série.
L’autre show de Sam Levinson, Euphoria, est certainement critiquable sur certains points. Au début, j’étais un peu embarrassé par l’esthétisation à l’excès de cette souffrance adolescente. Mais au moins, ça nous dit des choses sur cette étape de la vie et sur la sexualité des jeunes aujourd’hui. À l’inverse, il n’y a pas de profondeur dans The Idol.
Pensez-vous poursuivre la série malgré ces premiers avis négatifs ?
Très honnêtement, je ne suis pas sûr d’aller plus loin. Si le dernier épisode soulève des vents de critiques et de scandales, j’irai voir par moi-même. Mais je le répète : ce n’est pas une bonne série. Je comprends qu’on puisse la trouver puante, mais elle n’est même pas scandaleuse. Ce n’est pas un navet, ni la pire série que j’ai pu voir. C’est juste sans grand intérêt et oubliable.
À l’inverse, quelles séries vous ont particulièrement marqué depuis le début de l’année ?
Les derniers épisodes de Succession sont assez haut placés dans ce top. C’est une très belle saison et la série est parvenue à tenir dans la longueur. Elle est assez intense et on pourrait en parler pendant des heures tellement il y a de choses complexes à dire sur ces personnages. Dans un registre plus rock and roll, Acharnés (sur Netflix) est très réussi. J’ai aussi beaucoup aimé The Big Door Prize sur Apple TV+. C’est une comédie existentielle qui pose des tas de questions.
Enfin, Makanai : dans la cuisine des maiko est peut-être moins profonde humainement parlant, mais c’était une vraie expérience de télévision. C’est un océan de bien-être, avec une vraie fraîcheur et une vraie douceur. Cette série est une lumière absolue, là où The Idol est juste un programme glauque.
