Armes et Paillettes, le premier album d’OETE, auteur-compositeur d’à peine 23 ans, est sorti le 21 octobre dernier. Et c’est certainement l’album pop le plus glamour et le plus flamboyant de cet automne.
Originaire de Beauvais en Picardie, OETE se destinait à une carrière d’éducateur spécialisé. Mais, en croisant son regard bleu de braise, on devine les rêves d’un petit garçon qui s’imaginait devenir un grand chanteur, malgré ses origines – loin des paillettes. Rencontre.
OETE, qui êtes-vous ?
Je suis un jeune homme de 23 ans qui fait de la musique. Qui essaie.
Vous venez tout juste de sortir votre premier album, Armes et Paillettes. Comment décririez-vous la musique que vous écrivez et composez ?
Récemment, l’artiste November Ultra m’a fait comprendre que c’était de la pop. Je fais de la pop, on en fait tous parce que c’est populaire. Mais je dirai que c’est plus de la “variété alternative”. Variété, car j’ancre toute ma culture musicale dans la variété qui, en France, a une image kitsch.
Mais la variété que j’aime, c’est celle de Christophe, Bashung, Barbara… C’est une variété juste sublime et pas kitsch pour un sou. Mon influence de variété “pure” se retrouve aussi dans la forme de mes chansons, qui est très calibrée et peu expérimentale dans sa construction : couplet-refrain-couplet-refrain. Et “alternative”, car j’ai toutes ces influences new wave et un peu électro.
C’est tout le paradoxe de votre album, dont même le titre est un oxymore. On se trouve face à un univers à la fois très lumineux “kitsch-variété”, mais teinté d’une sombre mélancolie new wave, qui donne un contraste fascinant…
Pour moi, ça va ensemble. Je vais encore citer Michel Audiard : “Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière.” Regardez le travail de Pierre Soulage : en expérimentant le noir et ses formes, en les sculptant, on obtient des aspects lumineux. Le noir m’apaise beaucoup, ça fait partie de moi. J’expérimente ce côté-là dans ma musique.
Comment un idée devient-elle une chanson ?
C’est toujours des flashs. Je pars du principe que penser un sentiment, c’est le biaiser. C’est pour ça que j’ai beaucoup de mal avec le terme “interprétation”. Parce que, pour moi, à partir du moment où je pense ce que je ressens, cette chose-là n’est plus totalement vraie. Il y a de supers interprètes, comme Barbara, Daniel Darc, Niagara… Ce sont des artistes qui ont suffisamment vécu et trimé, ce sont les écorchés qui ont le pouvoir de faire briller toutes ces fêlures.
Je n’ai jamais eu accès au conservatoire ni aux connaissances théoriques de la musique. Pour moi, c’était toujours quelque chose de sensible, quelque chose qui se ressent, et c’est ce côté-là que je recherche quand je crée.
Donc mes chansons sont des flashs que je m’empresse de coucher sur un piano. Je ne passe pas quatre heures derrière un piano à écrire une chanson d’amour, parce que ça biaise le processus créatif.
« Mes chansons sont des flashs que je m’empresse de coucher sur un piano. »
OETE
Vous avez grandi en Picardie, sans trop d’accès à des infrastructures culturelles. Que s’est-il passé pour que vous en arriviez là ?
J’ai connu l’ennui, donc j’ai pu créer. J’ai toujours rêvé de faire de la musique ; le seul moment où j’en écoutais, c’était à la radio avec mes parents, mais ça m’a toujours happé très fort.
En venant de Picardie, c’est un rêve inaccessible. Ma mère est assistante sociale, mon père vient d’un milieu ouvrier, mes deux frères sont passionnés de motos et moi, au milieu, je faisais de la musique, de la danse et du cirque. Ce n’est pas une réalité dans nos vies d’être chanteur. J’ai voulu combler ce que je n’avais pas.
Devenir chanteur, c’était très mystique. Je me suis d’abord imaginé chanteur, mais ce n’était pas de l’imagination, je créais déjà ma réalité.
Hors de l’aspect musical, vous avez un univers esthétique très fort, à la frontière de plusieurs disciplines artistiques. Vers quoi aimeriez-vous tendre ?
La mode. La mode et la musique sont deux choses que j’adore et qui vont très bien ensemble. Je m’entoure des bonnes personnes pour travailler ces aspects sur l’image.
C’est assez différent des années 2000 où l’image de l’artiste lui échappait. Le label était décisionnaire de toute la direction artistique. J’avais envie de proposer, en plus de ma musique, un univers visuel. Je pense à Bowie ou Kalika, qui ont vraiment ça.
Je trouve ça beau qu’on puisse s’emparer de cet aspect. C’est prendre des responsabilités, c’est très engageant. Se montrer avec du maquillage peut faire peur à certaines personnes, à des médias, mais j’aime bien. J’explore et je pousse des curseurs pour trouver un juste milieu.
Votre album s’intitule Armes et Paillettes. Pourquoi ce titre ?
Encore une fois, c’était très spontané. Je crois que j’aime beaucoup cette idée d’oxymore. Et ça représente bien ce que je raconte dans l’album, ces armes comme toutes choses que tu prends dans la tête et qui finalement viennent te forger. Ça ne te détruit pas, au contraire. Les paillettes, c’est à la fois la candeur et aussi un aspect du métier.
La collaboration de vos rêves en musique ? Et dans d’autres disciplines ?
J’aimerai beaucoup bosser avec Izia ou Catherine Ringer. Et si Muriel Moreno (du duo Niagara) veut faire son retour dans la musique, je suis là.
Autrement, Hedi Slimane, photographe, styliste et directeur artistique de Céline. Mais également la brillante créatrice Jeanne Friot, qui propose une mode unisexe, écoconçue. Madonna a porté l’une de ses tenues.
Retrouvez Oete en concert partout en France dans les prochains mois.