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AI Writing : quand l’intelligence artificielle prend la plume

28 novembre 2022
Par Florence Santrot
AI Writing : quand l'intelligence artificielle prend la plume
©kung_tom/Shutterstock

La technologie est désormais suffisamment avancée pour que des programmes informatiques soient capables de rédiger du texte dont la qualité se rapproche fortement de celle produite par un être humain.

Cet article n’a pas été rédigé par un robot. Mais il aurait pu. Et il y a désormais de fortes chances pour que vous ne voyiez pas la différence. Pour faire simple, l’AI Writing est le recours à l’intelligence artificielle (IA) pour rédiger (write) un texte original. En la matière, tout commence à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1950, quand Alan Turing publie un article fondamental sur le sujet. Intitulé Computing Machinery and Intelligence, il est davantage connu aujourd’hui sous le nom de « test de Turing ». C’est une méthode pour déterminer si une machine peut démontrer la même intelligence (ou du moins donner les mêmes résultats) qu’un être humain. Tout se passe à l’écrit, pour que le son de la voix n’ait pas d’influence.

Le but n’est pas d’établir si un ordinateur peut penser, mais s’il est capable d’entrer dans le « jeu de l’imitation » de l’être humain. Et donc de participer à une conversation avec une personne sans qu’on puisse déterminer qui est la machine et qui est l’humain. Aujourd’hui, des intelligences artificielles sont capables de réussir ce test, du moins en partie. En général, elles sont spécialisées dans un domaine, mais, dès lors qu’on les amène en terre inconnue, elles pratiquent une stratégie de contournement (répondre par une autre question par exemple) pour entretenir l’illusion. Les chercheurs de Google ont même fini par mettre au point un nouveau test en 2020, Sensibleness and Specificity Average (SSA), censé aller au-delà de l’évaluation de Turing. Quoi qu’il en soit, de nombreuses IA conversationnelles (aussi appelées chatbots) peuvent aujourd’hui tromper l’être humain. Du moins dans certaines limites.

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Comment fonctionne l’AI Writing ?

L’intelligence artificielle appliquée à l’écriture concerne de très nombreux domaines. Cela peut être la rédaction d’articles pour un journal ou un blog, la création de tout ou partie d’une nouvelle ou d’un roman, l’invention d’une poésie ou la rédaction d’un texte de présentation pour une plaquette publicitaire… la liste est longue. Les systèmes d’écriture basés sur l’intelligence artificielle sont capables de créer un contenu original en comprenant et en analysant différentes sources de données. « J’ai utilisé un outil d’AI Writing pour écrire la présentation de mon activité, explique Benoît Raphaël, fondateur de Flint, un système de veille d’information hyper-personnalisée grâce à l’intelligence artificielle. J’avais rédigé un long texte et je voulais une version plus courte, un résumé plus punchy, et j’ai été agréablement surpris du résultat. Je pourrais presque l’utiliser tel quel. »

Rytr, Jasper, SudoWrite, InferKit, ShortlyAI, StoryLab… Il existe aujourd’hui des dizaines d’outils capables de générer du contenu original, qui ne sera pas du plagiat, mais une compilation de différentes informations fournies directement ou piochées sur le Web. Ils sauront en faire un résumé ou en extraire les éléments les plus saillants.

« Cette technologie automatise la cognition [l’ensemble des processus mentaux qui se rapportent à la fonction de connaissance, ndlr]. Comme disait Marshall McLuhan [théoricien canadien de la communication, ndlr], “The media is the massage”. C’est un jeu de mot avec message. Le flux d’informations que nous recevons chaque jour est immense. Et ce type d’outil peut permettre de faire le tri pour mieux réfléchir et travailler. En quelque sorte, cela “masse” notre cerveau. Certains se posent la question de savoir si l’AI Writing est utile ou néfaste. Moi je crois que si on croit qu’on peut un jour être remplacé par une AI Writing, en tant que journaliste ou autre, alors c’est que nous sommes nous-mêmes des outils. Cette technologie se rapproche de ce dont est capable un humain, mais il n’y a pas de réflexion profonde. Ce qu’elle sait faire, c’est reproduire le mécanisme rapide de la pensée », assure Benoît Raphaël.

« Ce type d’outil est très efficace, mais il perd de son exactitude et de sa précision si la somme d’informations est trop vaste. L’AI Writing n’est pas encore capable de faire le tri entre des données correctes et d’autres obsolètes. »

Benoît Raphaël

Des outils gratuits disponibles en ligne

Il existe aujourd’hui différents outils en ligne capables de proposer ce genre de texte. Rytr fait partie des services les plus aboutis du moment. Il est basé sur la technologie d’AI Writing développée par OpenAI et nommée GPT-3. Il suffit de choisir la langue (français inclus), le ton du texte (convaincant, critique, enthousiaste, drôle, passionné, etc.), d’indiquer le contexte (blog, CV, exposé, pitch pour une création d’entreprise, bio Twitter…), puis de préciser le thème général et quelques mots-clés pour affiner le sujet. Quelques secondes plus tard, une à trois versions d’un texte unique, original, vous sont proposées.

Dans le cadre de cet article, nous avons par exemple demandé à Rytr de nous proposer une idée pour lancer notre entreprise autour d’un générateur de contenus générés par IA. Voici le résultat : « Pouvez-vous imaginer un monde où vous pouvez générer du contenu de haute qualité en quelques secondes ? Nous sommes la première plateforme d’écriture de contenu alimentée par l’IA au monde, qui génère du contenu numérique de toute nature en quelques secondes seulement. La meilleure partie est qu’il est abordable, à seulement 1 $ pour 100 mots ! » Si certaines tournures de phrases sont un peu mal formulées (sans doute la faute à une traduction un peu hasardeuse du système), le résultat n’en est pas moins convaincant. Ce texte aurait pu être écrit par un véritable service marketing. Et pour ce qui est du prix… c’est Rytr qui l’a fixé !

Des biais encore très présents

Pour des textes simples, le système est efficace, mais l’AI Writing reste un outil qu’il faut surveiller de près et corriger le cas échéant. « Ce type d’outil est très efficace, mais il perd de son exactitude et de sa précision si la somme d’informations est trop vaste. L’AI Writing n’est pas encore capable de faire le tri entre des données correctes et d’autres obsolètes. Elle va renforcer des stéréotypes et est incapable de savoir si le texte produit est raciste ou sexiste, par exemple. L’important est donc d’utiliser ces outils pour travailler plus vite tout en connaissant les limites de l’exercice », ajoute Benoît Raphaël.

Par exemple, des tests ont établi que GPT-3 est capable de donner entre 20 à 58 % de réponses justes quand un être humain atteint le score de 94 %. 

L’AI Writing ne sait pas vérifier une information ni interviewer quelqu’un pour créer un contenu exclusif. Et encore moins prendre en compte l’aspect éthique. Il reste donc encore de la marge, mais le vrai défi pour ces prochaines années risque d’être l’application ou non de règles morales sur ces outils. Et comment les mettre en œuvre. Enfin, va se poser de plus en plus souvent la question du droit d’auteur. À qui appartient un texte généré automatiquement par une intelligence artificielle ? À l’heure actuelle, la plupart des législations estiment que seul du contenu créé par un être humain relève des lois sur le copyright. Mais une véritable zone grise est en train d’émerger avec le développement de ces outils de plus en plus efficaces. À l’heure actuelle, c’est le flou le plus complet.

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