Si la météo du cloud gaming n’est pas au beau fixe avec la disparition récente du service Google Stadia, plusieurs acteurs espèrent encore démontrer que cette technologie est non seulement viable, mais aussi incontournable dans le futur. Parmi eux, le français Shadow, dont nous testons ici la solution de cloud computing, le Shadow PC.
En résumé
N’y allons pas par quatre chemins : nous avons été assez bluffés par le Shadow PC et son option Power. Si d’autres acteurs font mieux aujourd’hui sur l’aspect purement cloud gaming, aucun n’est aussi complet que Shadow dans ce domaine. Le service français permet d’accéder à l’intégralité de vos jeux PC, comme vous le feriez depuis un ordinateur physique. La seule restriction est assez évidente pour ce type de solution : il faut impérativement une bonne connexion internet pour en profiter. Sur le plan technique et ergonomique, nous n’avons rencontré aucun problème significatif, alors que nous avons utilisé le Shadow PC assez intensivement pendant plusieurs semaines. L’ensemble est simple à utiliser au quotidien et la promesse est bien tenue côté puissance. S’il a beaucoup été question de jeux vidéo dans notre test, la solution est tout aussi efficace pour les logiciels qui demandent de la ressource, comme le montage ou la création. À l’heure du bilan, nous ne pouvons donc que vous recommander d’au moins essayer le Shadow PC si vous êtes à la recherche d’une configuration assez musclée pour jouer, mais que vous n’avez pas les moyens ou l’envie de craquer pour un PC gamer.
Note technique
Les plus et les moins
- La qualité de l’expérience globale
- Une belle fiabilité technique
- La promesse de puissance est respectée
- Le grand nombre de plateformes compatibles
- La quantité de stockage de base
- Pas de lanceur de jeux/applis sur smartphone
Beaucoup de spécialistes ont depuis longtemps prédit que l’informatique passerait par le cloud computing et celui des jeux vidéo par le cloud gaming. Pourtant, l’actualité récente jette un doute sur ces prédictions. Nous faisons évidemment allusion au naufrage de Google Stadia. Il serait toutefois très précoce d’écrire que le cloud gaming est mort et enterré avec le service de Google.
D’autres offres subsistent, et pas des moindres. Parmi les principales, citons Nvidia GeForce Now, le Xbox Game Pass Ultimate, le Sony PlayStation Plus Premium et le Shadow PC. C’est à ce dernier que nous allons nous intéresser ici puisque nous testons la nouvelle option « Power », lancée en fin d’année dernière. Rappelons au passage que Shadow a été racheté en 2021 par Octave Klaba, également fondateur et dirigeant du géant français de l’hébergement OVH.
Cloud computing ? Cloud gaming ?
Avant de nous lancer dans le test du Shadow PC, commençons par définir ce que sont le cloud gaming et le cloud computing. Le cloud gaming est un sous-genre du cloud computing, une technologie consistant à déporter la puissance de calcul sur un serveur distant. Cela revient donc à délocaliser la puissance d’un ordinateur. Concrètement, au lieu d’avoir un PC Gamer chez vous, ce dernier est hébergé sur un serveur à l’extérieur de votre domicile. Vous pouvez ensuite vous connecter à cet ordinateur surpuissant depuis n’importe quel ordinateur, smartphone ou tablette. La condition pour que cela fonctionne correctement est d’avoir une bonne connexion internet.
Le cloud computing met à votre disposition un PC complet. C’est cette solution que propose l’entreprise française Shadow. Une fois que vous lancez le Shadow PC sur votre propre matériel, vous avez accès à tout votre environnement, comme avec un PC classique. Vous retrouvez vos bureaux Windows, vos logiciels, vos navigateurs, vos jeux, tous vos paramètres, etc. D’ailleurs, lors de la première utilisation, vous devez configurer la machine virtuelle exactement comme un nouvel ordinateur.
Mais quel est l’intérêt d’une telle solution ? Si vous êtes un joueur, vous savez déjà que les PC Gamer coûtent relativement cher. Avec un PC comme Shadow, vous profitez de la puissance d’un tel PC pour le coût d’un abonnement mensuel moins onéreux. C’est la promesse.
Le cloud gaming repose sur la même technologie que le cloud computing. La grande différence est qu’au lieu de donner accès à tout l’environnement Windows, seul un jeu sera lancé. Le principe est donc de permettre de jouer à des jeux vidéo en utilisant des serveurs dématérialisés plutôt que de les exécuter sur un ordinateur ou une console de jeux.
Les utilisateurs peuvent accéder aux jeux via un navigateur web ou une application dédiée, et les commandes de jeu sont transmises à distance aux serveurs, qui exécutent le jeu et renvoient les images et les données à l’utilisateur. Le service GeForce Now de Nvidia est un service de cloud gaming, dans la mesure où il vous permet de lancer des jeux PC que vous possédez déjà sur Steam, Epic, etc. à travers les serveurs de Nvidia. Les options les plus onéreuses du Xbox Game Pass et le PS Plus intègrent, elles aussi, du cloud gaming.
En ce qui concerne la solution Shadow, l’offre « Power » testée ici est censée fournir une expérience de jeu plus fluide grâce à une puissance de calcul supérieure et à une carte graphique plus performante. Nous avons donc vérifié si ces améliorations étaient réellement perceptibles dans la pratique.
Une configuration gamer dans les nuages
Dans sa version de base, le Shadow PC propose une carte graphique GeForce GTX 1080, un processeur quatre cœurs, 12 Go de mémoire vive, 256 Go de stockage en SSD et le système d’exploitation Windows 10. Si cette configuration (30 € par mois) permet de lancer quelques jeux pas trop gourmands, elle se montre tout de même assez datée pour les gamers. C’est la raison pour laquelle Shadow a lancé l’option Power.
Nettement plus musclée, elle intègre une GeForce RTX 3070 ou une AMD RDNA 2, un processeur AMD EPYC 7543P cadencé à 2,8 GHz (jusqu’à 3,7 GHz) et 16 Go de mémoire vive. Et toujours Windows 10. Pour en bénéficier, il faut ajouter 15 euros à l’offre de base. Il est aussi possible d’étendre le stockage, moyennant des frais mensuels supplémentaires. On notera enfin que les noms des composants sont systématiquement affublés d’un “ou équivalent”. Shadow utilise en effet une nomenclature grand public pour donner un ordre de grandeur qui parlera au plus grand nombre. Néanmoins, ce sont des équivalents dédiés aux serveurs, aux noms plus obscurs, qui font tourner les PC virtuels. Ce qui ne change donc rien à la promesse.
Une simplicité d’utilisation déconcertante
Faire fonctionner le Shadow PC est très simple. Il faut s’abonner au service, télécharger l’application sur l’appareil de votre choix, la lancer puis entrer vos identifiants. Et c’est à peu près tout. Au premier lancement, l’environnement du PC est aussi vide qu’une machine que vous viendriez d’acheter dans le commerce. C’est donc à vous d’installer les logiciels qui vous intéressent.
Nous avons testé la solution sur plusieurs PC et Mac, sans jamais rencontrer de problème de reconnaissance des périphériques clavier ou souris. Même nos écrans externes (un moniteur d’abord, puis un téléviseur) se sont affichés comme s’ils étaient connectés à un ordinateur en local. Nous avons aussi testé avec des manettes sans fil 8Bitdo et Xbox One, et filaire avec Nacon Revolution Pro Controller 3. Là encore, les périphériques ont été reconnus d’emblée.
Au-delà d’un usage sur ordinateur, la grande force et l’intérêt principal de Shadow, c’est de pouvoir y accéder sur pratiquement tous les supports grâce à une application disponible partout (Windows, Mac, Linux, Android, iOS, Smart TV et même sur les casques VR Oculus Quest 1 et 2). Sur les supports mobiles ou en VR, l’expérience de jeu est impressionnante, avec des performances folles sur des appareils somme toute modestes. Jouer à Cyberpunk 2077 sur un smartphone ou une tablette dans une définition élevée et à plus de 70 FPS est une expérience qui ne laisse pas indifférent. D’autant plus qu’Android et iOS sont aujourd’hui compatibles avec la plupart des manettes Bluetooth du marché.
Nous avons plus particulièrement testé la solution sur un iPhone 14 Plus et un iPad Mini. Mais que ce soit sur iOS ou Android, l’application dédiée Shadow propose de nombreuses options. Il est par exemple possible d’afficher une manette virtuelle. Une option bien pratique pour lancer une partie, même si vous n’avez pas de contrôleur physique sous la main. Dommage que cette manette virtuelle ne soit pas paramétrable, afin d’ajuster par exemple la taille des boutons et leur positionnement.
Gérer l’interface de Windows depuis un écran de smartphone n’est évidemment pas idéal. Shadow propose néanmoins quelques raccourcis qui améliorent l’ergonomie, comme vous pourrez le constater sur la capture d’écran ci-dessous.
Il est aussi possible de zoomer à tout moment sur n’importe quelle partie de l’interface de Windows, simplement en faisant le geste habituel avec les doigts sur l’écran du smartphone. Très pratique pour cliquer sur une icône et lancer un jeu, par exemple. Le seul vrai reproche que nous avons à faire concerne l’absence d’une interface simplifiée sur smartphone. Nous aurions adoré retrouver un hub qui liste juste les jeux et qui permette de les lancer sans avoir à aller sur le bureau Windows. D’autant que Shadow proposait une telle interface auparavant.
Des performances bluffantes, équivalentes à celles d’un ordinateur physique
Nous n’allons pas vous assommer ici avec pléthore de chiffres. Nous avons bien sûr lancé quelques benchmarks, pour la forme. Aucune surprise de ce côté-là, les résultats étant conformes à la configuration annoncée par Shadow. Cela a tout de même le mérite de prouver à ceux qui en doutaient encore que les performances sont équivalentes à celles qu’on aurait avec un ordinateur en local. Pour les besoins de ce test, nous avons donc lancé Cinebench R23 pour évaluer le processeur et Unigine Superposition benchmark pour la carte graphique.
Si ces benchmarks donnent une bonne idée des capacités de la configuration, rien ne vaut évidemment une bonne session de jeu pour se rendre compte par soi-même des capacités réelles de la bête. Nous avons installé sur notre machine virtuelle de test les boutiques Steam, Epic et GOG.
Et autant vous le dire tout de suite, nous avons été assez bluffés par les résultats. Les performances sont cohérentes avec la configuration annoncée. Commençons par les sessions qui se sont déroulées dans des conditions optimales, c’est-à-dire avec un ordinateur branché en fibre 1 Gb/s. Dans un tel contexte, le rendu des jeux les plus récents et les plus exigeants frôle la perfection. Même avec des paramètres élevés, nous avons toujours pu jouer au moins en 1440p à 70 fps. Nous avons été assez surpris de constater que des jeux compétitifs tels que Rocket League ou Warzone restaient praticables par le biais d’un Shadow PC. Notez tout de même que nous sommes passionnés de jeu, mais nous n’avons pas un niveau professionnel.
Peut-être que des joueurs chevronnés qui évoluent à la frame près trouveront à redire. Mais, de notre côté, nous n’avons pas ressenti de différence avec une expérience en local. À ceci près qu’il arrive de temps à autre que des petits artefacts apparaissent ou que des paquets de données se perdent. Ce qui occasionne des petites sautes dans l’action. Heureusement, nous n’avons rencontré ces problèmes que très rarement.
Nous nous attendions à en subir davantage en wifi. Mais, là encore, nous avons été surpris de constater que la solution s’est montrée remarquablement stable. À condition bien sûr que le réseau wifi le soit lui-même. Quant aux sessions en 5G et en 4G+, elles se sont dans l’ensemble bien déroulées. Il faut garder en tête que la qualité intrinsèque du réseau à l’instant t influe sur l’expérience. En effet, même dans une zone bien couverte, il suffit que plusieurs utilisateurs sollicitent le réseau en même temps pour potentiellement occasionner une congestion du réseau, et donc une perte de qualité.
Quel que soit le type de connexion, ce n’est pas tant le débit maximum qui est important, mais plutôt la latence. Une vingtaine de Mb/s en débit descendant suffisent pour profiter d’une très bonne expérience. Même la 4G+ offre aujourd’hui des débits descendants largement supérieurs. En revanche, sa latence peut régulièrement dépasser les 50 ms, alors que Shadow recommande une latence en dessous des 30 secondes. Néanmoins, notre expérience nous fait dire que les jeux restent jouables jusqu’à 70 ms, tant qu’il ne s’agit pas de titres trop tournés vers les réflexes. En toute logique, les jeux compétitifs ne sont envisageables que si votre latence est très basse.
Shadow apporte des précisions sur son site concernant les prérequis en upload, c’est-à-dire en débit ascendant : « Votre vitesse de téléchargement en amont doit être de 5Mb/s ou plus. Une vitesse de téléchargement en amont de 5 Mb/s est suffisante pour utiliser une souris, un clavier et un contrôleur de base. Les appareils plus gourmands en bande passante comme les webcams, les microphones, les disques durs externes, les volants de course et autres manettes de jeu peuvent nécessiter jusqu’à 100 Mb/s. » Ce chiffre de 100 Mb/s reste un cas extrême, lorsque tous les périphériques évoqués à l’instant sont connectés sur la machine virtuelle. Mais, si vous vous contentez d’un clavier, d’une souris et d’une manette, le prérequis en upload sera plutôt autour de 5 Mb/s.
Une bonne affaire ?
À l’heure où nous écrivons ces lignes, un PC gamer fixe proposant la même configuration que Shadow coûte environ 1 700 euros. Et il n’est question que d’une tour, à laquelle il faut bien entendu ajouter un écran, des périphériques, etc. Le Shadow PC tourne pour sa part sur de nombreux équipements, comme nous venons de le voir. Il faut toutefois en posséder un pour lancer la solution. Il peut néanmoins s’agir d’une vieille machine, ou même d’un modèle récent, mais peu onéreux. De notre point de vue, il faut surtout disposer d’une machine assez performante pour fonctionner avec un écran de bonne qualité, au moins en Full HD. L’écrasante majorité des PC, portables ou fixes, vendus ces dernières années en sont capables.
Pour le reste, l’offre d’abonnement la plus onéreuse du Shadow PC, avec l’option Power donc, revient à 45 euros par mois. Le calcul est simple : un « vrai » PC avec une configuration identique au Shadow PC ne devient plus rentable que si vous le gardez au moins trois ans. Et encore, au bout de ces trois ans, la configuration de l’ordinateur aura forcément pris quelques rides. De son côté, le Shadow PC sera mis à jour assez régulièrement. Il est certain que sa configuration technique sera toujours au goût du jour et capable de faire tourner les jeux les plus récents.
Mais tout n’est pas rose pour autant. Les 45 euros de l’abonnement mensuel ne comprennent que 256 Go de stockage. À l’heure où les jeux les plus gourmands dépassent allègrement les 100 Go, il est possible que l’utilisateur se retrouve vite à l’étroit. Les PC disposant de la même configuration que le Shadow PC offrent généralement 1 To de stockage en SSD. Or, il faut compter 3 euros en plus par mois par tranche de 256 Go. Si vous souhaitez bénéficier de 1 To de stockage au total sur le Shadow PC, il faudra donc débourser 9 euros en plus tous les mois. Enfin, il faut aussi prendre en compte le fait qu’il est possible de revendre un PC physique, ce qui amoindrit d’autant son prix de revient final.
Conclusion
N’y allons pas par quatre chemins : nous avons été assez bluffés par le Shadow PC et son option Power. Si d’autres acteurs font mieux aujourd’hui sur l’aspect purement cloud gaming, aucun n’est aussi complet que Shadow dans ce domaine. Le service français permet d’accéder à l’intégralité de vos jeux PC, comme vous le feriez depuis un ordinateur physique. La seule restriction est assez évidente pour ce type de solution : il faut impérativement une bonne connexion internet pour en profiter. Sur le plan technique et ergonomique, nous n’avons rencontré aucun problème significatif, alors que nous avons utilisé le Shadow PC assez intensivement pendant plusieurs semaines. L’ensemble est simple à utiliser au quotidien et la promesse est bien tenue côté puissance. S’il a beaucoup été question de jeux vidéo dans notre test, la solution est tout aussi efficace pour les logiciels qui demandent de la ressource, comme le montage ou la création. À l’heure du bilan, nous ne pouvons donc que vous recommander d’au moins essayer le Shadow PC si vous êtes à la recherche d’une configuration assez musclée pour jouer, mais que vous n’avez pas les moyens ou l’envie de craquer pour un PC gamer.