Scénariste et réalisateur génial, Paul Thomas Anderson symbolise le cinéma indépendant américain dans toute sa maestria. De « Boogie Nights » à « Une bataille après l’autre », en salles ce 24 septembre 2025, « PTA » a fait de chacun de ses projets un événement. Sélection de ses chefs d’oeuvres.
Révélé au festival de Sundance en 1993, avec un court-métrage plus tard repris sous la forme d’un long (le néo-noir Double mise), Paul Thomas Anderson affichait déjà à l’époque son ambition : devenir un cinéaste américain libre tout en réalisant des films majeurs. Entouré d’une génération d’acteurs avec qui il a grandi (John C. Reilly, Philip Seymour Hoffman, Philip Baker Hall), « PTA » se démarque par des films dont la distribution prestigieuse et hollywoodienne n’a d’égale que la grandeur visuelle et l’originalité narrative. Voici les films à retrouver pour s’en convaincre.
Boogie Nights (1997)
Deuxième film de Paul Thomas Anderson, Boogie Nights défraie la chronique à sa sortie. Non que son sujet – le milieu de la pornographie – n’ait choqué. C’est bien à travers un traitement filmique virtuose de ses personnages, avec d’impressionnants travellings, des plans-séquence, que le film a impressionné le public et la critique.
Narrant le succès de Dirk Diggler (Mark Wahlberg), acteur X gâté par la nature, et de son producteur (Burt Reynolds), puis leur respective descente aux enfers, cette œuvre menée tambour battant, a démocratisé le style PTA.
Magnolia (1999)
L’année 1999 marque la sortie de deux films « artistiques » pour Tom Cruise : le dernier Kubrick, Eyes Wide Shut, et aussi Magnolia, film choral sur le destin d’une poignée de personnages à Los Angeles, tous intriqués dans le jeu de la fatalité.
Volontiers démonstratif plutôt que naturaliste, PTA s’inspire de son passé dans la télévision (le film tourne notamment autour d’un jeu télé, et Tom Cruise incarne une personnalité médiatique spécialisée dans le développement personnel) et s’appuie sur la musique du fidèle Jon Brion et d’Aimee Mann pour mieux camper son histoire dans une veine « magique ».
Au casting, William H. Macy, Philip Seymour Hoffman, Melora Walters et Julianne Moore font de cette fresque collective un brillant résumé des nineties au cinéma. Sans compter la fameuse pluie de grenouilles, sans doute l’un des passages les plus marquants de ce chef d’oeuvre.
Punch Drunk Love (2002)
Nouveau millénaire, nouvelle génération (Adam Sandler et Emily Watson en têtes d’affiche), même succès : dans Punch Drunk Love, la vie sentimentale d’un éternel célibataire est le prétexte à une déambulation surréaliste.
Resserré, par rapport à Magnolia, autour d’une seule intrigue sur une courte durée, ce film a démontré que PTA pouvait appliquer le même soin à un « petit » film qu’à ses fresques précédentes.
There Will Be Blood (2008)
Rencontre entre le travail d’entomologiste d’un Robert Altman et celui de psychiatre d’un Richard Brooks, There Will Be Blood a fait atteindre à Paul Thomas Anderson un premier sommet dans sa filmographie.
Filmé au plus près d’un magnat du pétrole (Daniel Day-Lewis), dans le Far West de la fin du XIXe siècle et d’un jeune prédicateur fondamentaliste chrétien (Paul Dano), ce long métrage halluciné évoque, dans une mise en scène à l’avenant, les religions américaines les plus tenaces – le lucre et la croyance dévote – dans un décor apocalyptique. Un chef-d’œuvre racé.
The Master (2012)
Devenant l’un des rares cinéastes américains à retrouver le format 70 mm, Paul Thomas Anderson signait un retour à son obsession thématique (la croyance et les faux-semblants) le temps de The Master, crypto-biopic sur L. Ron Hubbard, fondateur de la scientologie.
Avec son trio d’acteurs inoubliable (Joaquin Phoenix, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams), le film se démarque par la mécanique impeccable qui se joue entre les différents personnages dans l’éclosion d’un mouvement sectaire, chacun cherchant à manipuler l’autre d’une manière ou d’une autre.
Phantom Thread (2017)
Peut-être le plus intimiste et intérieur des films de Paul Thomas Anderson, Phantom Thread est encore une fois un grand numéro de comédien. Daniel Day-Lewis y campe cette fois un couturier maniaque et génial, misanthrope et obsédé, dans une reconstitution subtile du Londres des années 1950.
Autour de ce « héros », une sœur (Lesley Manville) et une égérie (Vicky Krieps) tentent de contrebalancer le caractère sombre de ce héros encore une fois « bigger than life ». Un classique dans la filmographie de PTA !
Licorice Pizza (2021)
Odyssée mélancolique et irréelle dans une Californie des seventies où tout semblait possible, Licorice Pizza n’a pas la même ambition politique que des films comme There Will Be Blood ou The Master. Au contraire, même : autour de la relation amicale/amoureuse entre deux adolescents, Paul Thomas Anderson ranime l’éternel thème du film coming of age avec une douceur inhabituelle dans son cinéma, qui lui a valu un nouveau public.
En cadeau, PTA nous offre aussi le talent sidérant d’Alana Haim, chanteuse qu’il avait déjà filmée dans des vidéoclips et qui a pris une tout autre dimension grâce à ce film.
Une bataille après l’autre (2025)
Onze ans après Inherent Vice, Paul Thomas Anderson recommence le challenge de l’impossible, à savoir une adaptation cinématographique de l’œuvre de Thomas Pynchon, figure de la littérature expérimentale. Pour Une bataille après l’autre, récit choral autour d’un groupe de révolutionnaires, tourné en VistaVision (comme The Brutalist), PTA a renouvelé une partie de son casting et accueille donc Leonardo DiCaprio, tout en convoquant des fidèles comme Sean Penn, Benicio Del Toro ou Alana Haim.
Plus gros budget du cinéaste à ce jour, Une bataille après l’autre se présente comme le film d’action le plus étrange (et détonant) de la décennie. A la hauteur du pedigree de son auteur prodigieux.