Défini par un échange de correspondances fictives, le roman épistolaire est un genre littéraire un peu oublié. Échange de lettres le plus souvent, ou aujourd’hui de mails et de textos, il revient sous les feux de l’actualité en cette rentrée avec le nouveau livre de Virginie Despentes. L’occasion de vous présenter un petit tour d’horizon de ce genre littéraire pas si désuet.
Lettres à Lucilius – Sénèque
Le genre épistolaire épouse l’histoire de la littérature. Preuve en est avec Lettres à Lucilius, un texte de l’Antiquité, chef d’œuvre de la philosophie stoïcienne. Sénèque écrit à son ami et disciple Lucilius dans les derniers instants de sa vie. Le temps, la mort, la dignité et la condition humaine, tels sont les thèmes abordés dans cet ouvrage classique et intemporel. L’actualité de sa réflexion y est stupéfiante. Une leçon de vie que tout le monde devrait lire, écrite il y a près de deux mille ans. À méditer !
Lettres persanes – Montesquieu
Plus proche de nous (XVIIIe siècle), Lettre persanes se lit comme un témoignage sociologique et philosophique de son époque. Usbek et Rica quittent la Perse pour traverser l’Europe. L’occasion de longs échanges de lettres avec les personnes rencontrées lors de leur périple et leurs amis restés sur place.
Publié de façon anonyme, sous leurs airs faussement naïfs, les réflexions de nos compères sont de véritables piques acérées contre la société de l’époque : la religion, les mœurs, la monarchie ou la justice, tout est prétexte à la satire dans un esprit fin et éclairé. Un livre essentiel du siècle des Lumières.
La Religieuse – Diderot
Même époque et publié lui aussi sous couvert d’anonymat. Diderot écrit, par le biais de cette longue lettre d’une religieuse au marquis de Croismare, une satire puissante des couvents et une condamnation du bannissement des enfants illégitimes. Sa modernité est telle que La Religieuse fut interdit jusqu’à notre époque contemporaine. Moderne aussi de par sa fluidité et par notre impossibilité à le lâcher une fois commencé ! Un roman intemporel à lire absolument !
Inconnu à cette adresse – Kressmann Taylor
Plus proche de nous – publié une première fois en 1938 – Inconnu à cette adresse est un ouvrage composé d’une vingtaine de lettres qui a ému ses lecteurs depuis plusieurs générations. Deux allemands amis, Max et Martin, l’un juif l’autre non. Leur échange débute en 1932 et s’étend sur toute évolution du nazisme en système tortionnaire. L’amitié, la loyauté, les sentiments de trahison ou de vengeance, tout y est disséqué avec une grande précision et beaucoup d’émotions. Un texte important aujourd’hui toujours étudié en scolarité.
Lettre d’une inconnue – Stefan Zweig
Tous les ans à la même période, un écrivain reçoit des fleurs. Une année c’est une lettre qui lui dit tout, furieusement. Lettre de l’amour absolu, de la passion sans entrave, Stefan Zweig n’use plus ici de confusion pour parler des sentiments. Un amour total et un cri déchirant d’une profonde humanité. Lettre d’une inconnu est un livre à lire ardemment !
Le dernier jour d’un condamné – Victor Hugo
Le genre épistolaire peut prendre plusieurs formes, notamment ici, dans Le dernier jour d’un condamné, celle du journal intime offert à la lecture de tous dans le but de partager un témoignage et surtout en l’occurrence de s’identifier au personnage fictif de Victor Hugo afin d’en épouser sa cause : une virulente condamnation de la peine de mort. Le dernier jour, les dernières heures d’un condamné à l’échafaud.
Victor Hugo nous fait entrer au plus profond de l’âme d’un homme qui attend la mort, condamné par la justice des hommes. Un texte troublant et même disons-le, inoubliable tant il prend aux tripes et parvient à nous faire épouser la cause de cet homme perdu. Un monument à ne pas manquer.
La Couleur pourpre – Alice Walker
Autre temps, autre cause, La Couleur pourpre est un formidable roman relatant l’échange de lettres entre deux sœurs séparées, dans la ligne des romans sudistes américains dénonçant l’oppression raciale et ici de genre sur les femmes noires. Mondialement connu depuis son adaptation au cinéma par Steven Spielberg, c’est un roman épistolaire qu’il faut avoir dans sa bibliothèque. Attachant et bouleversant, vous n’y résisterez pas longtemps !
Dracula – Bram Stoker
On le sait moins, quand on ne l’a pas lu, mais Dracula qu’on ne présente plus, est aussi un roman épistolaire. Roman fascinant à plus d’un titre, fondateur et chef d’œuvre littéraire du mythe du vampire, Dracula a inspiré et inspire encore pour sa noirceur, son côté face cachée de l’âme humaine, alliée au désir et à l’interdit. Un roman sulfureux dont la lecture peut être un véritable choc et ne vous laissera pas indifférent ! Un monument !
Frankenstein – Mary Shelley
Autre mythe et autre chef d’œuvre littéraire sous forme d’échange épistolaire, Frankestein ou le Prométhée moderne symbolise à lui seul le roman gothique, la fascination pour le monstre et la tragédie, comme l’indique son sous-titre, de l’homme qui voudrait se faire dieu. Pouvoir créer à son image une créature idéale forcément monstrueuse. Roman aux multiples interprétations et à l’inspiration illimitée, Frankenstein fascine toujours et fait partie, au même titre que Dracula, d’une certaine mythologie noire moderne.
Considéré par certains comme le premier roman de science-fiction, Frankenstein est un incontournable de la littérature mondiale.
Les Liaisons dangereuses – Choderlos de Laclos
Certainement LE roman épistolaire le plus connu comme tel. Libertinage, manipulations, scandales, un roman sulfureux à de nombreux égards. Roman de la passion, mais aussi – car il y a une morale dans tout ça – de l’amour véritable, Les Liaisons dangereuses dérangent, outragent et fascinent tout autant pour leur distorsion des bonnes mœurs, mais aussi leur conformité aux valeurs morales.
Chef d’œuvre du genre adapté de multiples fois à l’écran, qui constitue lui aussi un mythe à lui seul sur le libertinage et l’immoralité, Les Liaisons dangereuses était un incontournable de cette sélection du roman épistolaire qui, j’espère, vous aura étonné et donné envie de découvrir !
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